Temps contre temps - SEL Crédit : geralt -
Temps contre temps – SEL Crédit : geralt –

C’est bien connu, le temps, c’est de l’argent. Mais savez-vous que le temps, c’est aussi des services ? Caroline Séguin, coach PNL certifiée, échange de son temps sans compter les dollars. En quatre ans, elle a donné 76 heures de son temps pour coacher sept personnes.

Caroline Séguin ne veut pas d’argent pour ces séances, mais du temps. D’ailleurs, elle a bénéficié de six heures et trente minutes pour de la correction de textes et des massages. Il lui reste environ 70 heures à son crédit.

« Je voudrais utiliser ces heures en banque pour du yoga, de l’aide en marketing ou encore pour un prêt de salle pour des activités. J’aime l’idée de ne pas mêler l’argent aux échanges de services. Tout le monde n’a pas les moyens de payer plus de 100 $ l’heure un coach en PNL. Par contre, tout le monde peut échanger des heures », constate Mme Séguin.

Encadrement 

Résidante d’Ahuntsic-Cartierville depuis 15 ans, Mme Séguin est membre de la Banque d’échanges communautaires de services (BECS) depuis 2018. Cet organisme facilite et encadre le Système d’échange local (SEL) entre personnes depuis 25 ans, avec 134 membres, dont huit résidants d’Ahuntsic-Cartierville. Mais pas n’importe comment.

Un membre débourse 20 $ par an et en cadeau de bienvenue reçoit cinq heures de services. Toutefois, avant d’être membre, une rencontre d’accueil est obligatoire. BECS valide ainsi l’identité de l’aspirant et s’assure de son adhésion aux valeurs de l’organisme à but non lucratif BECS. Monique Prince, présidente du CA, ajoute quelques points. 

« Nous nous assurons que les activités offertes s’affichent correctement et reflètent la réalité. De plus, un mécanisme permet à un membre qui se sent lésé de le signaler. Le membre [indélicat] concerné aura, après vérification, un avertissement. Au bout de deux avertissements, il sera exclu. Nous avons aussi souscrit à une assurance responsabilité avec le programme de l’Union des municipalités », précise Mme Prince.

Ainsi, les membres reçoivent et donnent des services en confiance. De plus, exclure l’argent du circuit d’échanges permet d’intégrer les personnes qui seraient exclues de services par manque d’argent. C’est aussi de la solidarité.

Solidarité aussi communautaire 

La présidente du BECS pense que les nouveaux arrivants peuvent s’intégrer plus facilement grâce au SEL. Ils sortent de l’isolement, rencontrent des personnes, apprennent le français et mettent à disposition leurs compétences au service des autres. D’ailleurs, Anca Niculicioiu, directrice générale de la Friperie Cartier Émilie, sise dans Cartierville, souscrit tout à fait à ce constat pour en avoir fait l’expérience.

« De 2000 à 2008, je gérais une activité de SEL. À la Friperie, les gens aimaient vraiment cela. Ils discutaient entre eux et se rendaient service. Ils faisaient du gardiennage d’enfant, du jardinage, de la cuisine, etc. L’un a enlevé une souche d’arbre Un autre faisait goûter de la salade à la lavande de son jardin pendant nos réunions de mixité sociale. Et une dame demandait régulièrement des heures pour l’aider: elle hébergeait des personnes âgées chez elle. Finalement, elle a embauché un des participants parce qu’elle était débordée. Enfin, tout le monde avait des savoirs de même valeur », se souvient Mme Niculicioiu.

À l’instar de Mme Niculicioiu, Chantal Comtois, directrice générale du Service de Nutrition et d’Action Communautaire (SNAC), pratiquait le SEL avec l’Association de gardiennage d’Ahuntsic, ancêtre d’Autour du bébé. À qui gardait les enfants, à qui faisait la cuisine, etc. Les membres se rencontraient et s’entraidaient. 

« Mon fils a grandi avec ça. Nous avions d’ailleurs installé un lit à étage dans sa chambre, parce qu’il y avait toujours un ami du groupe d’échanges qui venait dormir. Maintenant qu’il est adulte, il a encore des amis de cette époque », se rappelle Mme Comtois. 

De ces expériences passées au BECS, de la couture à l’informatique, en passant par le français ou le co-voiturage, les services offerts sont variés, mais incomplets.

Services incomplets, services arrêtés

En effet, les grands perdants sont les travaux de plomberie ou d’électricité. Mais, ces activités sont régies par des lois et règlements très stricts, licences à l’appui. C’est bien dommage pour Mme Niculicioiu, car à la Friperie, comme ailleurs, beaucoup de personnes auraient besoin de ces services onéreux. 

« Ce n’est pas parce que des personnes n’ont pas d’argent, qu’elles n’ont pas de besoins. Elles ont aussi des compétences, et en plus elles sont prêtes à les échanger. […] Je regrette d’avoir dû arrêter cette activité par manque de moyens. Pour la gérer en interne, il faut une personne sur deux jours et environ un budget pour l’encadrement de 2 000$ à 3 000 $ par an. J’aimerais avoir le financement pour repartir un SEL », espère Mme Niculicioiu.

Des possibles

Chantal Comtois du SNAC pense que la mise en place d’un SEL dans le quartier serait bénéfique pour les résidants. Bien que le SEL ne fasse pas partie de ses missions, elle serait prête à le promouvoir au sein du SNAC.

Monique Prince du BECS se dit ouverte pour intégrer des membres communautaires. Les conseils d’administration des organismes concernés devraient s’entendre d’abord sur les modalités avec le BECS.

Et d’autres

Hormis BECS, les Accorderies (OBNL) intègrent déjà des organismes. Elles proposent, entre autres, le SEL pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Mais il n’y a pas encore d’Accorderie dans l’arrondissement.

Le JDV a repéré une page Facebook Échange de services temps contre du temps, créée le 28 décembre 2021. Malgré les 45 membres, au moment d’écrire cet article, il ne semble pas y avoir d’activités. Mais, qui sait ? Un jour, des échanges de temps se déchaineront peut-être sans compter ?

« En tout cas, j’aime beaucoup ce principe d’échanges de temps. Avec cette pratique, le temps devient services, acquisition de compétences, contact, consolidation des réseaux et enfin solidarité », conclut la résidente d’Ahuntsic-Cartierville qui en bénéficie déjà via le BECS.

 



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Nicolas Fayad
Nicolas Fayad
2 Années

Échanger, donner et recevoir un service, oui c’est possible et sans argent ! Vive l’entraide !

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