Shoebox, 9644 rue Basile-Routhier, presque façadisme - Crédit photo Jacques Lebleu - courtoisie
Shoebox, 9644 rue Basile-Routhier, presque façadisme – Crédit photo Jacques Lebleu – courtoisie

Rue Basile-Routhier, Jacques Lebleu, résidant d’Ahuntsic-Cartieville, se trouve nez à nez face à un cas de « presque » façadisme. Au 9644, cette petite maison n’est plus tout à fait une Shoebox. La façade est bien là, rappelant au passant une époque révolue et l’histoire d’A-C. Cependant, en arrière de cette façade, le flâneur remarque l’étage ajouté récemment. 

 

À l’instar de Ville-Marie avec le CHUM, le Centre commercial mondial, l’Université Québec à Montréal et d’autres sites, est-ce qu’Ahuntsic-Cartierville subit le façadisme, la destruction de bâtisses, ne gardant en gage de la riche histoire locale qu’une façade, esseulée et vide de sens ?

Tout d’abord, une définition du façadisme

« Un projet de façadisme consiste en la démolition d’un bâtiment patrimonial, à l’exception de sa façade, dans le but de permettre le développement du site. La façade est intégrée à une nouvelle construction au sein de laquelle elle devient un rappel », propose comme définition le Conseil du patrimoine de Montréal (CPM).

Mettons les choses au clair, d’après la définition du rapport du CPM, la Shoebox rue Basile-Routhier n’est pas du façadisme. Oui, la façade est toujours debout et le bâtiment a été modifié. Mais la maison n’a pas été entièrement démolie pour être reconstruite. Du reste, Stéphane Tessier, historien, ne voit pas d’exemple de pur façadisme dans l’arrondissement. Malgré tout, pour lui comme pour Jacques Lebleu, membre de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC), il faut rester vigilant.

 

Face au façadisme, la vigilance est de mise dans Ahuntsic-Cartierville 

« Les shoebox sont probablement un des types de constructions le plus à risque […]. Les propriétaires achètent de petites maisons, mais veulent qu’elles soient plus grandes. Ils gardent alors la façade pour respecter les règlements sur le patrimoine et font des travaux », met en garde M. Lebleu.

Immeubles des Soeurs de la miséricorde (Photo : jdv – Philippe Rachiele)

Outre les Shoebox, d’après Yvon Gagnon, membre de la SHAC, deux bâtisses sont à surveiller. D’abord, le Musée des Sœurs de Miséricorde au 12 435, avenue de la Miséricorde est en vente. Comme le raconte Opération patrimoine du Journaldesvoisins.com, cette bâtisse de 1929 relève de l’histoire locale. Et, la série de trois articles du JDV Sœurs de la Providence et pensionnats autochtones dévoile une histoire peu connue de cette communauté. Aujourd’hui, cette bâtisse près de la rivière des Prairies pourrait se transformer en condos bien lucratifs, ironiquement ne laissant qu’une façade, comme en dérision de tout un pan de l’Histoire.

Dans un autre registre, la Maison de chauffeur du manoir Ogilvie, au 9185, boulevard Gouin Ouest, dans le Parc bois de Saraguay, pourrait devenir un cas de façadisme. 

« Quant à la maison de chauffeur, les Grands Parcs de Montréal laissent le bâtiment se détériorer. Mais les Grands Parcs n’ont peut-être pas les moyens ni la vocation d’entretenir ce patrimoine d’importance nationale, symbole dans l’histoire canadienne », soupçonne M. Gagnon.

 Par ailleurs, des chantiers sont en cours dans l’arrondissement. M. Lebleu s’interroge.

Ancienne caserne de pompier #38 - 12137-12139, avenue du Bois-de-Boulogne - risque de façadisme - Crédit photo : Jacques Lebleu - courtoisie
Ancienne caserne de pompiers #38 et ancien poste de police #26, au 12137-12139, avenue du Bois-de-Boulogne – risque de façadisme – Crédit photo : Jacques Lebleu – courtoisie

 

Selon M. Lebleu, l’ancienne caserne de pompiers de l’avenue Bois-de-Boulogne, deuxième plus ancien patrimoine bâti de Montréal, pourrait être convertie en logements. Le JDV mentionnait d’ailleurs la vente de cette bâtisse.

  

Le façadisme est-il un fatalisme ?

 

Le conseiller de ville du district du Sault-au-Récollet,Jérôme Normand, se souvient, en tant que président du Comité consultatif d’urbanisme d’A-C (CCU), d’un projet pour cette caserne.

«  Au CCU, nous avons en effet vu passer un projet de transformation de la caserne de pompiers de l’avenue Bois-de-Boulogne en 14 ou 16 logements. S’il est toujours d’actualité, le bâtiment sera préservé et conservera ses principaux éléments d’architecture. Dans ce cas, il n’y aura pas de façadisme pour l’ancienne caserne », précise M. Normand.

De plus, il énumère les outils de l’arrondissement pour lutter contre le façadisme. Le Plan d’urbanisme et le Plan d’intégration et d’implantation architecturale (PIIA) permettent de déterminer le niveau et la qualité patrimoniale d’un secteur. Si le ou les bâtiments impliqués dans un projet font partie d’un secteur patrimonial, alors l’approbation du CCU est nécessaire avant la poursuite du projet.

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Maison du chauffeur (photo : jdv – Philippe Rachiele)

M. Normand ajoute à l’arsenal de l’anti-façadisme, les lois et règlements sur le patrimoine et sur la préservation des matériaux. Les listes de bâtisses, comme la liste des Shoebox sont des incontournables. Un dernier outil complète ce panel : le droit de préemption. La Ville est en effet prioritaire pour acheter une bâtisse patrimoniale et la sauver ainsi de surenchères ou de travaux inappropriés.

Pour Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal, le signalement est aussi un outil efficace. Le citoyen peut révéler à Héritage Montréal une bâtisse en danger via le formulaire Web Memento

« Le citoyen peut aussi signaler un bien en danger pendant la période des questions au conseil d’arrondissement. Il peut également alerter le Conseil du patrimoine de la ville. Se faire entendre lors des consultations publiques est important », conseille M. Bumbaru.

Cela tombe bien, la Ville va lancer une consultation publique pour le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050. Selon M. Bumbaru, les citoyens soucieux du patrimoine bâti concilieront les obligations patrimoniales et les exigences de la vie moderne, pour entre autres éviter le façadisme.

Pour sa part, Yvon Gagnon de la SHAC donne l’estocade finale:

« C’est une chose déplorable, le façadisme, c’est comme aller à la confesse. On confessait nos péchés véniels, on avait l’absolution, et on pouvait recommencer », plaisante mi-figue mi-raisin M. Gagnon.



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