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(Photo: François Robert-Durand, archives JDV)

Retour en arrière. Freiner la transmission du SRAS-Cov-2 est toujours une priorité. Parmi 12 nouvelles mesures, le gouvernement annonçait la fermeture des restaurants pour le soir du 31 décembre 2021. Les quatre restaurateurs du territoire d’Ahuntsic-Cartierville interrogés par Journaldesvoisins.com en sont conscients et souhaitent faire leur part. Mais, ils trouvent tous très difficile cette dernière fermeture, juste avant leur disette de janvier et février, après tous les efforts déjà faits et les pertes subies en amont.

 

Sacrifier denrées, organisation et emplois

Dante Barile, propriétaire du restaurant de fine cuisine italienne, Il Cenone, sur Gouin Ouest, dit au journaldesvoisins.com, avoir perdu 7 000 $ de ventes le 31 au soir.

« J’avais tout préparé pendant les deux précédentes semaines », dit M. Barile.

Il a réservé un DJ pour le réveillon. Il a préféré laisser les 200 $ à l’artiste pour de futures activités, lorsque le restaurant rouvrira, un jour. M. Barile a débauché quatre personnes en salle et quatre personnes en cuisine. Huit personnes sans travail du jour au lendemain. De plus, le propriétaire d’Il Cenone ne savait que faire des 50 livres de pomme de terre, des champignons portobellos, chanterelles, ainsi que des autres denrées.

 

« J’ai donné à des voisins ou bien jeté pour 750 $ de marchandises sur les 3000 $ achetées. Le reste, nous avons pu les congeler. Les clients se faisaient une joie de venir faire la fête chez nous. Ça m’énerve d’en parler. C’est un peu trop, demander de fermer au dernier moment. C’était mal fait », conclut-il exaspéré.

Pertes et complications

Pour Josée Lalumière, propriétaire de l’Oueforie matinale sur Gouin Ouest, c’est 1 000 $ de denrées gaspillées pour la fin de semaine du réveillon. En temps de COVID, le commerce vend 50 à 100 repas par jour, contre 150 à 200 en tant normal. Le 31, le restaurant était ouvert jusqu’à 17 h. Mais selon la propriétaire, les clients ne sont pas venus manger sur place, de peur de la contagion. Cependant, elle a vendu 50 repas de commandes à emporter, pas d’œufs au plat, mais des ragoûts de boulettes et des tourtières. Ensuite, c’est le désert. Elle a dû congédier les huit salariés du restaurant. L’argent ne rentre plus ni pour elle, ni pour son commerce, ni pour ses ex-employés.

« C’est toujours nous les restaurateurs qui sommes coupés en premier. Les centres d’achat restent ouverts. Quand les écoles rouvrent, il y a beaucoup de cas d’éclosions. Alors que dans les restaurants, il n’y en a presque pas. C’est injuste. Et puis, le contrôle du passeport vaccinal pourquoi nous les restaurateurs ? Les clients se sentent offusqués d’être contrôlés. On joue à la police. Là, ils vont le mettre aux grandes surfaces. C’est mieux. Mais il [le Gouvernement] devrait le mettre partout ou pas du tout. On ne sait pas quand on rouvrira. J’espère qu’ils vont réactiver les subventions. Mais nous, on préférait travailler […]. Tout ça, c’est triste. Ça fait peur pour l’avenir », explique Mme Lalumière.

Permis d’alcool à payer, sans alcool

Quant à Thuy Nguyen, la gérante de Sushi Ami sur Fleury Est, c’est une autre histoire. Ce restaurant a fermé sa salle de 20 places pour se concentrer sur les commandes à emporter et la livraison. Le restaurant perd ainsi 20 % de ses ventes, Réveillon ou pas.

« Mais nous payons toujours au gouvernement les 800 $ pour le permis d’alcool à option « pour servir ». Ce permis est compliqué à avoir. Pour ne pas le perdre, nous sommes obligés de payer. Et nous sommes régulièrement inspectés, c’est correct pour la salubrité et pour les règles sanitaires de la COVID-19. Mais pour l’alcool, franchement, la salle est fermée. Les clients n’amènent plus d’alcool », s’interroge Mme Nguyen.

Cette gérante et ancienne réfugiée vietnamienne, ajoute qu’elle est solidaire avec les restaurateurs ne pouvant se convertir à la vente à emporter.

« J’aime manger des sushis, mais aussi du steak. Et un steak bien saignant à emporter, ce n’est pas possible. […] C’est plate de la part du gouvernement d’avoir fermé les restaurants », confie-t-elle.

Un coup de trop

De son côté, Maude Théroux-Séguin, co-propriétaire des Cavistes, ouvert depuis 10 ans, de Frite alors! et de Cerise, trois restos sur Fleury Ouest, s’exprime auprès du JDV. Pour eux, seul Cerise aurait dû ouvrir pour le réveillon. Pour cause d’épuisement, Frite alors! et Les Cavistes, étaient, de toute façon, fermés du 30 décembre au 3 janvier.

« La dernière annonce nous est rentrée dedans. […] Nous sommes épuisés par les fermetures successives, par les efforts pour passer à la vente à emporter, par la gestion du personnel, par les contrôles pour le passeport vaccinal. […] Nous avons fait venir un jeune de France avec un PVT, coûtant plusieurs milliers de dollars nets, sans compter les frais d’agence, de visa, le temps de démarchage, les 25 h de formation, etc. […]. Avec toutes ces fermetures, il a préféré travailler ailleurs. Et je le comprends. […] Notre cheffe est partie souffler un peu à la Baie-James. Nous avions aussi engagé trois personnes, pour finalement leur dire de rester en France. Notre maître d’hôtel était si découragé le soir de l’annonce, qu’il regardait les billets allers simple pour la France.  Finalement, il est resté », décrit Mme Théroux-Séguin.

Mme Théroux-Séguin ne comprend pas cette décision. Pour éviter les contaminations, il faut porter le masque, se laver les mains, respecter la distanciation physique et ventiler (réglementé entre autres, par le Règlement sur la qualité du milieu de travail et le Règlement sur la santé et la sécurité du travail). Tout cela est fait. Selon Mme Théroux-Séguin, la ventilation de son restaurant renouvelle 1 500 p3 d’air par minute.

Par ailleurs, le JDV n’a pas eu vent d’éclosions dans les restaurants d’Ahuntsic-Cartierville. Mais d’après l’Institut national de santé publique du Québec et Santé Montréal,  des éclosions surviennent dans les restaurants.

Faire son devoir, oui mais…

Ces quatre restaurateurs veulent faire leur part contre la transmission du virus. Toutefois, selon eux, faire l’annonce à 12 h de la fermeture est irresponsable. Et le manque de temps pour sauver les emplois crée de la pauvreté.

Or l’OMS rappelait les ravages de la pauvreté lors de l’entrevue du Dr David Nabarro envoyé spécial de l’Organisation mondiale de la santé pour Covid-19, par Andrew Neil, du magazine anglais The Spectator le 8 octobre 2020.

Et le gouvernement doit sans cesse prendre des décisions en considérant les connaissances scientifiques sur la pandémie, les impacts sociaux, économiques, psychologiques et sanitaires. Tout cela se fait sur fond de coûts financiers, de contraintes d’approvisionnement et de jeux économiques et politiques internationaux. Le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté a aussi émis un avis sur la pauvreté des plus démunis en tant de COVID-19.

Aide gouvernementale : infos à venir

Selon nos informations, l’aide annoncée par Québec reste à être précisée. Il semblerait que le format sera le même que précédemment, c’est-à-dire un prêt de trois mois couvrant les frais fixes, avec un éventuel pardon pour 80% du prêt initial, ce qui, si l’information est confirmée, serait une bonne nouvelle, selon l’un des restaurateurs interviewés.

 



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Viau Claudette
Viau Claudette
2 Années

Empêcher les vivants de vivre parce que, de toute façon, il y a des vivants qui vont mourir d’autre chose que de la “C”. Les restaurateurs sont tannés de se faire jouer des coups de cochon à répétition et ils commencent à le dire au lieu de garder “le silence des agneaux”. Enfin, il était temps!

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