Manifestation devant la station Henri-Bourassa en soutien au milieu communautaire en vue du prochain budget du gouvernement provincial. (Photo : François Robert-Durand, JDV)

Mardi 22 février, angle Henri-Bourassa/Berri, devant la station de métro, plus d’une cinquantaine de personnes soutenaient les organismes communautaires. Malgré le vent glacial et la grisaille, de midi à 13 h, à coup de pancartes préparées avec conviction et de discussions engagées, ils et elles affichaient leurs exigences. Dont le financement des organismes. Qu’à cela ne tienne ! C’est justement le temps de décider du budget provincial 2022….

 Pour ces manifestants d’Ahuntsic-Cartierville, le gouvernement doit honorer sa part de responsabilités face à la société.

Selon le Front régional d’action communautaire autonome (FRACA) de Montréal, le sous-financement actuel des OBNL menace leurs missions. D’après le FRACA, il faudrait 460 millions de dollars par an pour honorer convenablement les obligations et les engagements du Québec envers ses organismes.

(Photo: François Robert-Durand) Jinette Saint-Cyr, étudiante en alphabétisation au Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes (Créca),

D’abord des personnes

Parmi les manifestants, Jinette Saint-Cyr, étudiante en alphabétisation au Centre de ressources éducatives et communautaires pour adultes (Créca), commence timidement à parler au Journaldesvoisins.com. Malgré le manque de matériel, elle a appris à lire et à écrire grâce à l’organisme.

« Nous sommes là pour revendiquer nos droits et des financements pour l’alphabétisation. J’apprends à lire et à écrire, j’apprends beaucoup de choses. Savoir s’exprimer en français, ça fait du bien. Ça m’aide. Je m’en suis sortie. Ça m’a comblé un vide. Pour moi, maintenant,je sens que je fais partie de la société.  Moi, je conseille à  d’autres gens qui n’ont pas pu apprendre à lire ou à  écrire de venir. Viens, viens nous trouver on va marcher ensemble! On va travailler ensemble, on va s’en sortir ensemble, on va y arriver! Mme Line Saint-Germain et M. François Richer sont mes enseignants. Ils sont gentils, compréhensifs et ils ont travaillé dur. C’est comme ma mère et mon père. Quand j’avais un problème, ils m’ont aidé. J’ai atteint quelques objectifs, mais je n’ai pas fini. Je veux aller de l’avant », s’exclame Mme Saint-Cyr.

Quant à Nora Robichaud, citoyenne, elle est venue soutenir la cause des organismes communautaires d’Ahuntsic-Cartierville.

« Le communautaire remplit beaucoup de services dont l’État devrait s’occuper. […] On doit les financer à la mission et non pas au projet. N’oublions pas que les missions des organismes communautaires sont remplies grâce aux gens de cœur qui y travaillent pour le bien-être collectif », affirme Mme Robichaud.

Pour leur part, Katian Domblain, directrice de l’Arc-En ciel, Anna Claudia Melin, organisatrice communautaire au CLSC d’Ahuntsic, et Christelle Cassin, agente de développement de projet pour le Carrefour Emploi Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville, soutiennent toutes trois avec conviction et force les organismes communautaires du quartier.

« Ils font un travail formidable avec la population. Mais, il n’y a pas assez de financement. Par exemple, le manque de moyens pour le service de brigade d’hiver crée une liste d’attente », souligne Mme Cassin.

Toutes trouvent que c’est assez et que c’est le temps d’agir, c’est le temps de recevoir son dû, c’est le temps d’honorer ses engagements.

C’est le temps !

À Ahuntsic-Caretrierville, cinq organismes ont pris le relais. Solidarité Ahuntsic, Autour du bébé, La maison du monde, RAP jeunesse, Pause Famille, Comité Logement Ahuntsic-Cartierville ont organisé cette action, J’appuie le milieu communautaire d’Ahuntsic! Des citoyens et plus d’une quinzaine d’OBNL y participaient, dont le Service de nutrition et d’action communautaire (SNAC).

« Nous aussi on soutient la cause. Aujourd’hui nous pouvons manifester, car c’est un mardi, un jour sans distribution de denrées alimentaires au SNAC. Sinon, nous n’aurions pas pu venir : pas question d’abandonner notre clientèle ! », dit Chantal Comtois, directrice générale du SNAC.

Et d’après Brigitte Robert, chargée de projet pour l’École de la citoyenneté pour Solidarité Ahuntsic, organiser la manifestation sur l’heure du dîner permet d’être présent sans arrêter le service. Déjà que le temps froid pourrait en rebuter plus d’un…

En parlant de temps, c’est bien le temps de se faire entendre. Des élections s’en viennent et le budget 2022 est en cours. Les manifestants réclament un financement à la mesure des services rendus et à rendre. D’autant plus que pendant la pandémie, les organismes se sont démenés pour rencontrer la population confinée. Et là, surprise…

Les besoins révélés

Remy Robitaille directeur général de Solidarité Ahuntsic, met l’accent sur des services développés, mais fermés pour cause de sous-financement. Ils devraient selon lui être maintenus.

« Notamment,la ligne des aînés qui servirait encore aujourd’hui et la livraison de denrées alimentaires pour les personnes à mobilité réduite. L’approche terrain durant la pandémie a été efficace pour des populations qu’on a du mal à rejoindre. Nous avions une brigade de sensibilisation à la COVID, avec un volet multilingue qui sillonnait le quartier. Pour elle, nous avons reçu 100 fois plus de financement du milieu philanthropique que du gouvernement. Nous aimerions garder ces brigades-là pour faire du référencement vers le communautaire et pour faire connaître les services communautaires aux populations injoignables autrement », constate M. Robitaille.

De plus, pour Brigitte Robert de Solidarité Ahuntsic, la livraison de dépannage alimentaire pour les personnes âgées et la halte-garderie pour les familles en difficulté, sont menacées par la difficulté à payer les intervenants.

(Photo: François Robert-Durand) Siham Assif, agente de soutien à la concertation chez Solidarité Ahuntsic,

Des besoins en plan

Pour Siham Assif, agente de soutien à la concertation chez Solidarité Ahuntsic, l’intervention psychosociale est presque inexistante dans le quartier. Beaucoup de gens sont malades, ils arrêtent de travailler, perdent leurs ressources et se tournent vers le communautaire pour les aider. Mais la réponse n’est pas là par manque de moyens.

Louise Donaldson du SNAC n’est pas en reste. Elle tire la sonnette d’alarme. Leur clientèle ayant doublé pendant la pandémie, il y a risque de diminution des portions dans les paniers alimentaires. Malgré une bonne campagne de financement publique, à long terme le service pourrait être mis à mal. À défaut du juste financement à la mission, la sécurité alimentaire est compromise. 

Sur fond d’épuisement et d’appauvrissement

Mais pas seulement le service. Pour Mme Robert, il s’agit aussi de forces vives malmenées par le sous-financement.

«  Nous sommes épuisés, fatigués et pourtant nous avons encore le goût d’offrir des services. Le financement à la mission permettra d’offrir nos services dans des conditions de travail idéales pour nos employés. Nous travaillons bien et fort. Et nous avons le goût d’être respectés et d’être reconnus à la mesure de notre travail », expose Mme Robert.

Selon Mme Assif, les organismes perdent des travailleurs compétents et motivés par manque de moyens. Elle déplore aussi les bas salaires et le peu d’avantages sociaux. L’épuisement n’est pas loin.

Pour Line Saint-Germain, animatrice en alphabétisation pour le Créca, il est clair que l’appauvrissement est réel. Et il faut constamment trouver du financement auprès de fondations pour faire tourner l’organisme.

L’électricité et le loyer augmentent. Le parc informatique et les logiciels arrivent en fin de vie. Le matériel pédagogique est insuffisant. Pour bien faire, il faudrait des cahiers d’exercices, des tapis de sol pour du théâtre et autres activités, des tablettes et des instruments de musique. Les mises à pied dues au sous-financement épuisent les travailleurs. Ceux qui restent, portent alors deux ou trois casquettes.

« Je suis à l’aube de ma retraite et j’aimerais voir le changement avant de quitter », espère Mme Saint-Germain, avant de se diriger avec d’autres vers le métro.

Il est 13 heures. Il est temps de rejoindre la place Émilie-Gamelin pour la manifestation montréalaise Engagez-vous pour le communautaire, organisée par le Front régional d’action communautaire autonome (FRACA) de Montréal, qui retroupe les organismes du communautaire montréalais et des tables de quartier.

Dans tout le Québec

D’après le communiqué de presse du 21 février 2022 de Engagez-vous pour le communautaire du FRACA, 1 400 organismes d’action communautaire autonomes prennent part à une vague rotative d’actions, de grèves et de fermetures dans les 17 régions du Québec, ces jours-ci, du 21 au 24 février, 

Et 4 000 organismes, 60 000 travailleurs et 425 000 bénévoles contribuent à la société québécoise depuis plus de 50 ans.

« Avec l’augmentation des besoins de la population, et dans un contexte où les politiques de retour à l’équilibre budgétaire sont anticipées, le prochain budget de la CAQ sera crucial pour la reconnaissance et le financement des organismes communautaires », insiste Caroline Toupin, porte-parole de la campagne et coordonnatrice du Réseau québécois de l’action communautaire autonome, selon le communiqué de presse.

 

 

 

 



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