Près de 10 ans après que les logements insalubres de la Place l’Acadie aient été démolis en raison de leur état d’insalubrité et remplacés par des tours d’habitation incluant plus de 200 logements sociaux, l’étude d’une sociologue démontre que la mixité sociale du projet a somme toute été une expérience positive. Toutefois, le design de ce projet a connu de nombreux ratés.

Annick Germain de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) vient tout juste de terminer une étude, qui vient à peine d’être déposé à la Ville de Montréal, le subventionneur du projet en question. Dans son document, la sociologue dresse un bilan de trois projets de mixité sociale, soit le Projet l’Acadie, la Tannerie dans le Sud-Ouest et la transformation des ateliers municipaux dans Rosemont.

« L’étude pour la Place l’Acadie a été soutenue par des partenaires comme Centraide. Cet organisme avait jadis beaucoup investi dans la Place l’Acadie et voulait savoir si le projet actuel répondait aux demandes du milieu », explique Mme Germain.

Pour cette étude, le cas de la Place l’Acadie était particulièrement intéressant d’un point de vue de mixité sociale en contexte d’importante densité.

« Il y a peu de quartiers (à Montréal) qui ont fait l’objet d’une aussi grande mutation en quelques années. »

Si plusieurs résidants sont heureux de leurs logements proprement dits, les espaces de vie commune et l’extérieur du site causent plusieurs problèmes.

« C’est un peu comme si on avait eu de la difficulté à anticiper ce qui était nécessaire pour rendre un projet d’une telle densité viable », dit Mme Germain. « Ce qu’on peut retenir, c’est que lorsqu’on construit des projets de grande densité, il faut porter un soin important à la planification des espaces publics, les parcs, les places, les accès, les trottoirs, etc. De toute évidence, à la Place l’Acadie, c’est cela qui n’a pas marché », croit Mme Germain.

Manque d’intimité

Mme Germain et son équipe voulaient au départ interroger plusieurs résidants, mais ils ont trouvé que ceux-ci étaient souvent réticents à participer à l’étude.

« On leur proposait de faire une ballade avec nous et d’expliquer dans leurs mots comment fonctionnait le projet de Cité l’Acadie. Cet aspect rebutait beaucoup de personnes. Les gens ne voulaient pas être vus dehors avec nous. Il y avait une espèce de malaise. »

La raison? Selon Mme Germain, à cause de la densité, il existe un problème d’intimité qui gêne beaucoup de résidants qui sentent qu’ils ne peuvent pas sortir de chez eux sans être vus par tout le voisinage.

« C’est le fait de ne pas avoir d’espace à soi, de ne pas avoir d’espace faisant la transition entre les espaces publics et privés », précise la sociologue.

Manque de verdure et toujours pas de mur anti-bruit

Autre aspect qui a frappé Mme Germain, c’est le « vacarme » causé par la circulation et les avions. Elle rappelle qu’avant cette reconstruction, la place comptait quelques 200 arbres matures qui aidaient à absorber le bruit ambiant.

Les plans initiaux prévoyaient plus de végétation le long de la rue d’accès, ce qui aurait permis de créer un tampon entre les différents immeubles.  Mais « on n’a pas très bien calculé nos affaires », constate Mme Germain.

Le mur anti-bruit, promis en 2010 par Gérald Tremblay, n’a toujours pas été érigé. La Ville de Montréal a avisé les résidants que la construction commencerait à l’automne, mais voilà que la construction est de nouveau repoussée au printemps, puisque le Ministère du Transport n’a toujours pas donné son autorisation.

En fait, la Ville de Montréal a choisi de prendre le projet sous sa responsabilité pour accélérer le processus, puisque le Ministère des Transports du Québec (MTQ) traîne tellement dans ce dossier. « Ce n’est clairement pas une priorité pour le MTQ », déplore le conseiller du district et président du comité exécutif de Montréal, Pierre Desrochers. M. Desrochers promet que la construction commencera au printemps.

« Il n’y a aucune raison pour avoir d’autres délais. Le contrat est octroyé, l’argent est là. Ce n’est plus qu’une question d’obtenir la permission de voirie du MTQ. »

Par ailleurs, Annick Germain ajoute qu’il était naïf de penser que la petite place au centre du projet conviendrait à tous ces résidants.

« Ce parc aurait mieux correspondu à un développement résidentiel de plus basse densité », dit Mme Germain, qui ajoute que les résidants se plaignent également que cet endroit public est mal entretenu.

De plus, les jeunes n’ont pas d’endroit où jouer à l’extérieur et traverser le boulevard l’Acadie pour accéder au parc Marcelin-Wilson est souvent difficile et dangereux pour les piétons.

D’ailleurs, une des seules parcelles de verdure qui reste doit être reconvertie en stationnement en raison des problèmes de circulation.

Cauchemar pour le stationnement

Le manque de stationnement est tellement important autour de la Place l’Acadie que certaines épiceries refusent de livrer et des policiers ont déploré le fait qu’ils aient de la difficulté à garer leur véhicule lorsqu’ils doivent intervenir sur le site.  En fait, la problématique du stationnement met de la pression sur tout le secteur.

Pierre Desrochers avoue que les besoins de stationnements ont été sous-évalués au départ.

« Ça devient un cas d’espèce. On ne veut pas le répéter », dit-il, soulignant qu’il était par contre difficile d’utiliser l’argent dédié au logement social pour du stationnement.

Mme Germain ajoute que le fait qu’il n’y ait qu’une seule voie d’accès au site est aberrant, considérant la quantité de personnes qui y réside.

Le conseiller Desrochers affirme que l’arrondissement a aidé les organismes et les syndics de copropriétés qui gèrent le site à trouver une solution, mais qu’aucune décision n’a été prise depuis plusieurs années. « Je ne sais pas ce qui tarde. »

Des bons côtés

Par contre, Annick Germain estime que la grande quantité de logements sociaux sur le site est une très grande victoire pour les organismes qui se sont longtemps battus pour les résidants.

La présence d’une garderie, d’une pharmacie et d’un dépanneur sont également très appréciés, dit-elle.

Enfin, la cohabitation entre les copropriétaires et les résidants des logements sociaux et la question de la grande diversité ethnoculturelle ne semblent pas poser trop de problèmes.

« Il y a un pari qui a été réussi dans cette expérience, même si les organismes communautaires sont un peu déçus de l’absence de vie communautaire plus intense. Je pense que dans ce contexte de grande densité, la mixité sociale n’était pas évidente. »

Pour en savoir plus sur le projet qui avait été présenté par l’INRS et subventionné par la Ville de Montréal en vue de cette étude, cliquez ici.

Pour en savoir plus sur les projets de mixité sociale, de gentrification, et de changements urbains à travers le Canada, cliquez ici.

 

 



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