Une élève pratique un jeté sous l’œil attentif de la professeure de danse Mélanie Lebrun, à l’Académie de danse du Centre culturel et sportif Regina Assumpta. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Il est des enseignants qui nous marquent à jamais. Par leur passion, par leur bienveillance, par le regard qu’ils portent sur leurs jeunes élèves en pleine construction, ils arrivent sans en avoir conscience, à révéler le meilleur chez eux. Mélanie Lebrun est de ceux-là. Portrait d’une danseuse devenue professeure par amour de son art.

Professeure de danse au Centre culturel et sportif Regina Assumpta pour le compte de l’école Côté Cour Côté Jardin, Mélanie Lebrun n’a pas hésité à reprendre le flambeau lorsque celle-ci a dû fermer ses portes à la suite de soucis financiers. Grâce à elle, les 85 élèves de cette école de danse se produiront sur la scène de la salle Marguerite Bourgeois dimanche 4 juin: une création originale baptisée «Excursion à New York».

Une carrière de danseuse atypique

«J’ai commencé à danser à l’âge de 3 ans; j’ai toujours dansé», se souvient Mélanie Lebrun. Bonne élève et ayant des facilités dans les matières scientifiques, elle se dirige toutefois vers un baccalauréat en biologie, tout en continuant de danser durant son parcours scolaire. Celle qui a grandi dans une famille populaire et amatrice d’art se destinait à une carrière de médecin.

«Lorsque j’étais à l’université, j’ai intégré un ensemble de danse et on faisait six ou sept représentations dans un théâtre de 100 places. Je pense que c’est là que j’ai eu le déclic», confie-t-elle. À 23 ans, elle décide donc de se mettre sérieusement à la danse pour atteindre un niveau professionnel sans avoir fait d’école de ballet.

«J’ai travaillé très fort avec une professeure qui est une très bonne technicienne et j’ai fini par décrocher des contrats», explique cette femme au chignon impeccable, d’un roux flamboyant.

Mélanie Lebrun, de l’Académie de danse du Centre culturel et sportif Regina Assumpta. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Au ballet, à l’opéra, au théâtre…, Mélanie Lebrun voit la vie en pointes. Participant à 35 à 40 représentations par année, elle vit enfin de sa passion. «Je n’aurais jamais imaginé pouvoir en faire mon métier; c’était impensable pour moi», souligne celle qui a su dépasser ses propres barrières mentales pour poursuivre son rêve. En 2006, elle se joint à la compagnie de danse Sursaut où elle brille pendant onze années.

La passion de la transmission

Parallèlement à sa carrière de danseuse, elle donne ses premiers cours de danse à l’école de ballet Anjou, là même où elle a esquissé ses premiers sauts de chat quand elle n’était encore qu’une petite fille. Puis elle rejoint l’équipe de l’école Côté Cour Côté Jardin qui assure l’enseignement de ballet au centre culturel Regina Assumpta. «J’aime vraiment enseigner. J’aime montrer aux enfants que la danse classique n’a pas besoin d’être apprise dans la sévérité et la souffrance. Je veux avant tout que mes élèves prennent plaisir à danser», assure-t-elle.

L’enseignement prendra une part d’autant plus importante dans sa vie professionnelle que le corps de la danseuse a été éprouvé. «Comme tous les sportifs de haut niveau, on travaille très fort, on recherche toujours la perfection et notre corps est mis à rude épreuve», souligne Mélanie Lebrun.

Des élèves en répétition à l’Académie de danse du Centre culturel et sportif Regina Assumpta. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

Après des années à danser des heures entières tous les jours, la «douleur» est telle qu’elle doit accepter de se faire opérer de la hanche malgré ses réticences. Par chance, l’opération est un véritable succès et elle rechausse ses pointes moins d’un an plus tard, même si elle en garde quelques séquelles mineures. Elle se consacre donc majoritairement à transmettre son savoir et sa passion.

Reconnue par ses pairs, elle devient notamment professeure à la prestigieuse École supérieure de ballet du Québec, tout en devenant directrice artistique au centre ahuntsicois. Toutefois, l’année dernière, la fermeture inattendue de l’école Côté Cour Côté Jardin la pousse à sortir une fois de plus de sa zone de confort.

En juillet 2022, la professeure de danse apprend en effet que l’école va devoir baisser le rideau, et que ses cours à Regina Assumpta sont amenés à disparaître. «Je me suis tout de suite dit que je ne pouvais pas laisser tomber mes élèves que je suis depuis des années et que j’ai vu grandir », livre-t-elle avec une émotion non feinte.

«Elle a fait beaucoup pour les enfants»

Si elle a hésité un certain temps, c’est d’abord par manque de confiance. «On m’a souvent demandé pourquoi je n’ouvrais pas d’école de danse, mais moi ce que j’aime c’est la danse et transmettre ma passion. Ça sonne un peu cliché, mais je me disais que ce n’était pas pour moi.»

Pourtant, lorsque la fermeture est officiellement annoncée, la «peur» laisse place à la détermination. «J’étais en route pour New York, juste avant la frontière, quand j’ai reçu la nouvelle. J’ai immédiatement écrit au centre culturel et sportif pour dire que j’étais prête à prendre la relève», se remémore celle qui a choisi le thème de la «Grosse pomme» pour le spectacle de fin d’année, comme un clin d’œil à ce moment.

Grâce à elle, et après de nombreuses démarches administratives, les élèves du centre Régina Assumpta ont pu retrouver le parquet de danse dès la rentrée de septembre 2022. «C’est une super professeure, elle fait beaucoup pour les enfants et elle les a beaucoup aidés, même pendant la pandémie de COVID», témoigne une mère d’élève reconnaissante.

Des élèves en cours de répétition à l’Académie de danse du Centre culturel et sportif Regina Assumpta. (Photo: François Robert-Durand, JDV)

C’est donc avec le sourire et sous le regard bienveillant de leur professeure de danse dévouée que les apprentis rats d’opéra ont répété tout au long de l’année pour offrir un spectacle à la communauté le 4 juin prochain. «Avec elle on a moins l’impression que le cours est une tâche, mais un plaisir; j’adore ça», confie une élève en justaucorps. «Elle chante parfois quand on danse», chuchote une autre, déclenchant les rires de ses camarades.

À la barre, les filles enchaînent les positions de ballet, le port de bras gracieux et les pieds pointés. Car elles le savent, le jour du grand spectacle approche à grands pas. Avec des tableaux de danse sur le thème de Central Park, Broadway, ou encore l’opéra, les 85 élèves du centre Regina Assumpta (dont quatre garçons) espèrent faire voyager le public lors d’une «Excursion à New York» le 4 juin prochain. C’est la plus belle récompense pour Mélanie Lebrun, qui ne regrette pas un instant son choix.



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