Le bâtiment vacant au 745, boulevard Crémazie Est
Un important incendie a touché, le 13 octobre, le bâtiment vacant au 745, boulevard Crémazie Est. Photo: JDV / Amine Esseghir

L’incendie récent dans un bâtiment vacant sur le boulevard Crémazie a rappelé brusquement le problème des fantômes urbains à Ahuntsic-Cartierville, ces bâtiments barricadés qui pourraient être utilisés judicieusement comme logements sociaux.

Dix jours après le sinistre, l’odeur âcre de bois brûlé est encore tenace aux abords du 745, boulevard Crémazie Est. La cause : des itinérants auraient allumé un feu à l’intérieur le 13 octobre au soir, probablement pour se réchauffer. L’incendie a nécessité l’intervention de 80 pompiers qui ont lutté durant deux heures contre le brasier.

L’incendie a d’abord inquiété les riverains et a rappelé le danger que constituent ces bâtiments vacants, ces histoires d’horreur, pour le voisinage.

Un cas

L’immeuble de deux niveaux est un ancien funérarium, fermé depuis quelques années. Il est la propriété de la compagnie 745 Cremazie Inc., détenue par une entreprise à numéro, 9460-8072 Québec inc.

La valeur du bâtiment au rôle d’évaluation foncière frôle les 2 M$. Les taxes municipales pour l’année 2024 s’élèvent à près de 46 000 $.

L’immeuble était sur la liste des immeubles mis en vente pour défaut de paiement de taxes foncières, publiée en septembre. L’adresse a disparu de l’état rendu disponible en octobre. La Ville réclamait aux propriétaires 53 154 $. Le bâtiment demeurait la propriété de l’entreprise Urgel Bourgie jusqu’en 2019.

Il y en a quelques-uns à Ahuntsic-Cartierville et l’arrondissement détient une liste qu’il ne peut pas transmettre aux médias directement.

Cela dit, pour établir cette énumération, l’administration municipale se fie, d’abord aux constats des inspecteurs qui notent l’existence de ces édifices, puis aux plaintes des riverains qui arrivent au bureau de l’arrondissement.

Quelques bâtiments vacants célèbres

– L’ancien consulat d’Irak au 100, rue Somerville.
– L’ancienne station-service au 2715, rue Fleury Est à l’angle de l’avenue Vianney et de la rue Fleury Est (en face du parc des hirondelles).
– Le 355-361, boulevard Henri-Bourassa Est.
– Le 2320, boulevard Henri-Bourassa Est.

Pour gérer ces situations, le conseil municipal avait adopté, en 2023, le Règlement 23-016 sur l’occupation et l’entretien des bâtiments.

«Ce règlement vise, à terme, l’enregistrement par les propriétaires de leurs bâtiments vacants, mais ces dispositions ne sont pas en application pour le moment», souligne l’Arrondissement dans un échange de courriels.

Les propriétaires ne sont pas tenus de signaler que leur immeuble est inoccupé.

«Cela va se faire. C’est juste que lorsqu’on fait un règlement, il y a après tellement de choses à mettre en place que tout n’est pas prêt au début. Mais oui, assurément, on cite [dans le règlement] les propriétaires responsables et toutes les démarches qu’on est en train de mettre en place», précise Emilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement.

Préserver les immeubles

En attendant, l’autre partie du règlement est entrée en vigueur, notamment l’obligation de maintenir en bon état les bâtiments vacants.

«La réglementation en vigueur vise la conservation en état et l’entretien du cadre bâti montréalais et non sa démolition; et cette responsabilité de conservation revient au propriétaire de ces immeubles inoccupés», souligne l’Arrondissement.

Ceci vaut pour interdire l’accès aux immeubles ou pour prévenir tous types de dangers.

«Le travail des inspecteurs, c’est d’appeler le propriétaire, et de lui dire qu’il faut qu’il vienne barricader son bâtiment», observe Mme Thuillier.

Autrement, le travail ne se fera pas par l’arrondissement, si ce n’est dans des cas exceptionnels.

Le bâtiment vacant au 745, boulevard Crémazie Est
Le bâtiment vacant au 745, boulevard Crémazie Est présente un danger. Photo: JDV / Amine Esseghir

Dans l’histoire récente d’Ahuntsic-Cartierville, l’Arrondissement a démoli un seul immeuble privé faute d’entretien. C’était en 2016, pour le 12284, rue Grenet, non loin du boulevard Gouin Ouest. La décision de démolir l’immeuble fut le dernier recours après pas moins de 16 interventions pour éviter qu’il ne s’effondre.

La facture des travaux a été envoyée au propriétaire. Aujourd’hui, à l’emplacement de cette bâtisse, c’est un terrain vague, envahi par les détritus.

Quels leviers?

Mais c’est toute la nuance de la capacité de l’administration municipale d’intervenir.

La mairesse souligne qu’une des façades du 745, boulevard Crémazie est fragilisée après l’incendie et pourrait tomber.

«Elle pourrait s’effondrer sur le domaine public. Sur le trottoir, par exemple. Dans ce cas, on aurait les pouvoirs d’agir. On le dira au propriétaire. S’il a l’air de ne rien faire, dans ce cas, nous ferons les travaux, puis nous lui enverrons la facture», relève Mme Thuillier.

Autrement, les inspecteurs signalent le manque d’entretien et il ne s’agit pas de refaire la peinture au goût du jour.

«Le nouveau règlement nous permet d’exiger aux propriétaires qu’ils s’occupent de leurs bâtiments. C’est bien stipulé. On peut citer, comme exemple, le chauffage. Nous avons le droit d’inspecter un immeuble en hiver pour vérifier s’il est chauffé à la température requise [au moins 10°C ] qui est dans le règlement»,

Outre l’aspiration courante des citoyens de transformer ces bâtiments en projets immobiliers attrayants, en équipements publics ou encore en logements sociaux, ce règlement ne prévoit rien de tel.

La mairesse rappelle que ce sont des propriétés privées dont on parle. L’intervention pourrait se faire dans le cadre des autres règlements municipaux, comme les demandes de permis.

«À un moment donné, le propriétaire voudra rénover son bien et devra se rendre au service des permis pour présenter son plan », explique-t-elle.

Sinon, il existe le droit de préemption de la Ville. Cela veut dire que Montréal est prioritaire pour acheter des édifices quand les prioritaires voudront les vendre. Dans ce cas aussi, il y a des nuances.

«Ce n’est pas parce qu’un bâtiment ou un terrain est vacant qu’il doit être sur la liste du droit de préemption, ou que la Ville y voit un intérêt», prévient Mme Thuillier.

Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte et les moyens financiers pour ce type d’acquisitions ne sont pas illimités.



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