Carla Azouri Maalouf. Photo : Studio Halloum

En novembre dernier, l’auteure Carla Azouri Maalouf était à la bibliothèque de Cartierville pour une rencontre autour de son parcours littéraire et de la genèse de son premier roman Mazra. C’était l’un des événements marquants dans notre quartier de la deuxième édition du Mois du patrimoine libanais au Canada.

La création littéraire chez cette Canadienne d’origine libanaise est marquée notamment par le devoir de mémoire quant aux conséquences dramatiques sur plusieurs générations des tragédies arménienne et libanaise. Dans son roman Mazra, elle aborde la tragédie arménienne à travers la vie de sa grand-mère, qui a survécu au génocide de 1896 et dont les parents comptaient parmi les victimes. L’œuvre retrace la vie de Zeina, orpheline élevée par des sœurs religieuses, dans son pays d’exil, le Liban.

En entrevue avec le JDV, Carla Azouri Maalouf explique que l’écriture de ce roman obéit à son désir profond de rendre hommage à sa grand-mère et à son parcours de vie exceptionnel, à la recherche de la liberté et de l’amour.

«Le livre vise aussi à faire sortir de l’oubli des pans entiers de la tragédie arménienne, dit-elle. Le monde est au courant du génocide de 1915, mais il ne connaît pas grand-chose de plusieurs autres génocides, tels que celui de 1896.» Le titre Mazra signifie «ferme» en arabe et évoque la naissance de son village natal, Azour, qui était à l’origine une ferme autour de laquelle s’est tissée sa communauté d’origine. Carla note que le titre évoque aussi métaphoriquement la situation chaotique actuelle au Liban. «C’est la même histoire tragique qui se répète indéfiniment. On dirait que les deux peuples arméniens et libanais sont marqués à jamais par la fatalité de la souffrance», dit celle qui a fui le Liban pour entamer une nouvelle vie à Montréal avec sa famille aux débuts des années 1990.

Retrouver la joie de vivre

Dans ce même esprit créatif, le deuxième livre de Carla Azouri Maalouf, Le fleuve du chien, sorti fin novembre dernier, est largement autobiographique. Il aborde la guerre au Liban de 1975 à 1990, à travers le regard d’une enfant âgée de huit ans quand la guerre éclate. Dans sa trame narrative, la romancière n’accorde guère d’importance aux dimensions politiques de cette guerre. Même si le titre renvoie au nom du fleuve chargé d’histoire qui délimite géographiquement la partie est de Beyrouth [majoritairement chrétienne] et la partie ouest [majoritairement musulmane]. L’approche est principalement une introspection portant sur les sentiments de désarroi et de révolte qui grandissaient en elle au vu des absurdités de la guerre. Ces sentiments nourrissaient en elle le désir urgent de quitter le pays vers un ailleurs où elle pourrait retrouver sa joie de vivre et poursuivre ses rêves. «Le choix du Québec comme destination s’imposait naturellement», dit celle qui a été élevée dans un milieu familial francophone où l’on apprécie la littérature française.

 

Dur de se faire publier!

«Longtemps, on avait gardé les réflexes dus aux traumas de la guerre, raconte Carla. Comme, par exemple, le fait de regarder constamment derrière son épaule. Et le plus drôle, c’était quand on entendait des feux d’artifice. Un sentiment de panique nous envahissait. Et, inconsciemment, on avait le réflexe de réagir comme si on cherchait où on pourrait se réfugier. Dans notre esprit, on n’avait pas encore quitté complètement le pays meurtri. Guérir complètement des traumas de la guerre, ça prend du temps!»

Mais ce qui a été moins drôle dans l’expérience québécoise de cette nouvelle écrivaine, c’est son parcours du combattant pour trouver un éditeur québécois pour son livre. En fin de compte, elle a été contrainte de recourir à une maison d’édition française et de le publier à son propre compte. Pis encore, Carla évoque les démarches marathoniennes pour que le réseau des bibliothèques municipales accepte d’acquérir son œuvre. Cela est dû au fait que ce réseau n’achète pas les livres publiés par des maisons d’édition étrangères ou qui sont autoédités. Le comble!

Reste à espérer que son invitation par la bibliothèque de Cartierville et plusieurs autres bibliothèques municipales au Québec pour des rencontres avec le public québécois permettra enfin de reconnaître la valeur ajoutée que cette nouvelle plume apporte à la diversité culturelle québécoise.



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