
La science le dit : le nombre idéal d’immigrants permanents au Québec serait de 70 000 personnes par an.
Dans son rapport publié en mai, Planifier un atterrissage en douceur : analyse économique des enjeux en immigration au Québec, la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques de HEC Montréal met dans la balance deux éléments essentiels. La nécessité vitale pour la province de continuer à accueillir des immigrants, et les moyens disponibles pour bien les accueillir et les intégrer.
« L’immigration commence toujours avec des objectifs. Il y a cependant une partie de la définition de ce qu’on appelle la capacité d’accueil qui est un peu subjective ou normative. La science peut aider là-dedans, mais à un certain moment, il y a aussi un aspect difficile à chiffrer pour lequel il y a plein de bonnes réponses », indique Pierre-Carl Michaud, économiste et titulaire de la Chaire de recherche Jacques-Parizeau.

Pour lui, le plus important, lorsqu’on donne un chiffre, c’est de pouvoir le justifier. « C’est sûr qu’aux niveaux observés en 2024-2025, la capacité d’accueil est limitée, puisqu’il y a des pressions sur toutes sortes de services, notamment en économie et en infrastructures. » L’homme ajoute que la science aide à juger des arguments autour de la question de l’immigration, même si, admet-il, cela reste difficile.
La science dit que la nécessité démographique fait que le Québec est obligé de maintenir un niveau d’immigration important. Les études statistiques soutiennent qu’une immigration à zéro aujourd’hui signifierait rien de moins qu’une perte nette de population de deux millions de personnes d’ici 45 ans !
« On parle beaucoup du poids du Québec, de la population totale de la province, dit M. Michaud. C’est un enjeu pour les démographes. Mais pour un économiste, la taille n’est pas le facteur le plus important pour la croissance du niveau de vie. Cependant, pour la répartition par âge, donc pour tout ce qui est relatif au vieillissement économique, à la capacité de financer les services publics, s’il n’y avait pas d’immigration, notre taux d’activité – à l’heure actuelle de 62 à 64 % – passerait à 40 ou 42 %. Le défi serait alors de taille. Ça demanderait des gains de productivité énormes pour compenser ça [l’écart de plus de 20 %] et maintenir les services publics. Un gouvernement qui ferait le choix de l’immigration zéro devrait faire face à de très fâcheuses conséquences. »

Plus que des chiffres
« L’immigration est très importante, nous dit l’économiste. Elle l’a toujours été. Le Québec est une terre d’accueil qui a reçu des nombres de populations élevés d’un point de vue international, quoique certes un petit peu plus bas que le reste du Canada. L’immigration a toujours fait partie de l’ADN québécois. »
M.Michaud souligne aussi la dimension humanitaire de l’immigration au Québec et cite à cet égard Gérald Godin, poète, écrivain, journaliste et indépendantiste convaincu qui fut ministre de l’Immigration sous René Lévesque et qui nous a laissé cette fameuse pensée : « Les immigrants sont des poèmes au Québec. »
La nécessité vitale de maintenir un certain niveau d’immigration pourrait-elle estomper le discours qui fait de l’immigration une menace et un facteur du déclin culturel du Québec ? Pour M. Michaud, il y a une formule à trouver, une formule qui n’a rien de magique et sur laquelle les Québécois, anciens, de souche ou nouveaux arrivants, n’ont pas encore mis la main. « Si on parvient à trouver la recette d’une immigration soutenue, francophone ou en voie de le devenir, notre projet de société peut survivre à l’intérieur de l’Amérique du Nord. »
Comment séduire ?
Selon les analyses de notre interlocuteur, sans immigration, il y a menace de régression sociale et économique ; et avec une immigration effrénée sans souci d’intégration et de préservation de la langue française, ce sont l’identité et la langue qui sont menacées. « Il faut donc trouver la bonne combinaison qui fait en sorte qu’on puisse donner le goût aux nouveaux arrivants d’intégrer le projet de société du Québec. »
M. Michaud plaide pour l’explication en douceur des sensibilités du Québec aux nouveaux arrivants. « On ne peut pas simplement s’attendre à ce qu’ils arrivent et intègrent un ensemble multiculturel. » Reste qu’immigrer au Québec, c’est aussi adhérer à un projet commun.
Mesurer ses paroles
Pour déterminer le nombre d’immigrants à accueillir annuellement, le gouvernement du Québec lance à la fin de l’été une consultation générale et des audiences publiques sur la planification de l’immigration au Québec pour la période 2026-2029.
M. Michaud craint toutefois des débordements dans la foulée : « Ce qui me fait peur dans le débat qui s’en vient au cours des prochains mois, c’est que des mots malheureux vont être prononcés. Ce n’est souvent pas intentionnel, mais il y a de tous les côtés des craintes ou des peurs qui peuvent sortir et faire en sorte d’éloigner les gens au lieu de les rapprocher. »
Ce texte a été publié dans la version papier du JDV d’août 2025.
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