« Vous ne passerez pas! », était-il écrit en gros traits sur l’imposante pancarte annonçant le stand du comité Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC), fièrement installé sur la populaire vente-trottoir de la Promenade Fleury, le week-end dernier. Véritable résistance citoyenne contre le passage d’Énergie Est et le transit pétrolier, la campagne « Vous ne passerez pas! », lancée le 22 avril dernier à Bécancour, souhaite mobiliser le Québec en entier.
Le MEAC a ajouté sa voix à celle des quelque 130 comités citoyens prenant part à cette campagne. Et c’est cette même voix qui, du 15 au 18 juin, sensibilisait les passants de la Promenade Fleury aux dangers encourus par le passage du pipeline Énergie Est en sol québécois.
L’idée de TransCanada, qui pilote le projet, est d’acheminer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta de l’ouest vers l’est du pays, puis de l’exporter vers l’Europe.
Naissance en pleine action
Le MEAC a été fondé à l’été 2015 pour dénoncer expressément ce projet d’oléoduc, alors que les élections fédérales battaient leur plein.
Si, à l’époque, les partis canadiens – outre le Parti vert – hésitaient à condamner fermement le projet d’oléoduc, le virage que prend actuellement le gouvernement libéral de Justin Trudeau est inquiétant, expliquent Colombe Larivière et Bruno Detuncq, membres actifs du MEAC.
« La position du gouvernement Trudeau est loin d’être satisfaisante, car il a donné le feu vert pour trois projets de pipeline et il n’a pas encore adopté une position ferme contre Énergie Est », dénonce Mme Larivière.
M. Detuncq s’indigne quant à lui du grave manque de transparence de TransCanada, peu friand des groupes environnementaux.
« Selon un rapport d’Équiterre, TransCanada ne sait pas encore exactement comment le pipeline traversera le fleuve Saint-Laurent, la rivière des Outaouais et les autres cours d’eau principaux », signale-t-il, avant de tendre à un citoyen la pétition préparée par le MEAC, décrétant son opposition à l’exploitation et au transport des sables bitumineux.
Sur la table, devant le stand, se trouvait également un pacte de résistance, qui adjure les gouvernements du Québec et du Canada de mettre fin aux subventions accordées à l’industrie des hydrocarbures.
Un chimiste en visite
Le 16 juin, les deux militants du MEAC étaient flanqués de Mario Taillon, enseignant au Centre national de formation en traitement de l’eau. Avec quelques collègues enseignants, le chimiste de formation est cosignataire d’un mémoire portant sur les conséquences d’un déversement majeur du pipeline Énergie Est.
Le trajet du pipeline, long de milliers de kilomètres, ne traverserait pas Ahuntsic-Cartierville, mais il ne fait pas de doute qu’une fuite de pétrole dans la rivière des Mille-Îles ou dans le fleuve Saint-Laurent pourrait affecter de manière directe les résidants, avance M. Taillon.
En cas de déversement majeur de pétrole, 23 des 26 prises d’eau potable de la région montréalaise seraient inutilisables, peut-on lire dans son mémoire.
« Bien que la rivière des Mille-Îles ne s’étende que sur une distance d’à peine 50 km : 400 000 personnes en dépendent pour leur approvisionnement en eau potable, explique M. Taillon. Et on parle du plus gros oléoduc en Amérique du Nord, qui transporterait un million de barils par jour », poursuit-il, sans entendre à rire.
En plus, les usines de filtration des eaux n’ont pas été conçues pour retirer les hydrocarbures en cas de déversement, ce que n’est pas sans savoir l’enseignant du Centre national de formation en traitement de l’eau.
Une campagne de résistance
« Les citoyens, ce sont aussi les pétrolières et le gouvernement. Mais, s’ils font la sourde oreille, nous devons résister et nous faire entendre », insiste Colombe Larivière.
Le MEAC, comme les autres organismes qui assistent religieusement aux rencontres du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), compte mener une réelle campagne de résistance contre TransCanada et les différents paliers de gouvernement.
Pour Bruno Detuncq, le rôle du MEAC est entre autres celui de révéler au grand jour les incohérences du gouvernement canadien, et de défendre le rapport de force des citoyens face au pouvoir.
« Le gouvernement canadien signe l’Accord de Paris sur le climat et vient nous dire qu’un pipeline n’augmentera pas de manière considérable les gaz à effet de serre. C’est contradictoire! »
« L’eau est un bien commun. Il est plus important que le pétrole. Il faut se tourner résolument vers des énergies renouvelables. Les citoyens sont prêts », poursuit Mme Larivière.
Le pétrole extrait des sables bitumineux de l’Alberta est destiné à l’exportation vers l’Europe; il ne créera qu’une poignée d’emplois et menace le sol et les cours d’eau québécois, ajoutent tour à tour M. Detuncq, Mme Larivière et M. Taillon.
« Le Québec a tous les risques environnementaux, aucun avantage », conclut Bruno Detuncq, le pacte de résistance aux projets de la filière des hydrocarbures à la main.
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Petite précision, le gouvernement Trudeau a approuvé deux projets de pipelines qui contribueront à la croissance de l’exploitation des sables bitumineux : Trans Mountain (vers la Colombie-Britannique) et le remplacement de la Ligne 3 de la compagnie Enbridge (de l’Alberta au Wisconsin). En mars, M. Trudeau applaudissait aussi la décision du président Trump d’aller de l’avant avec la construction du pipeline Keystone XL. Ce sont 3 prises de position qui vont à l’encontre d’un véritable leadership en matière de climat ! Colombe Larivière