Journaldesvoisins.com est allé à la rencontre de résidants d’Ahuntsic-Cartierville pour qu’ils nous fassent part de leur expérience de rencontres de nouveaux voisins venus de divers horizons lointains et faisant maintenant partie de la société québécoise. Portrait.
Au Marché Central, dans les allées du magasin Bureau en Gros, Suzanne Bergeron, 65 ans, retraitée ayant fait carrière dans le commerce en alimentation, nous dira après un long silence, comme pour bien se remémorer :
« De par mon métier, j’ai régulièrement rencontré de nombreux immigrants. Personnellement, j’ai dans ma famille des proches venus de loin, et aussi une grande amie, depuis l’âge de 6 ans, dont les parents ont quitté l’ancien Congo belge (RDC actuelle) comme réfugiés de guerre pour s’installer à Montréal. »
L’amie de Suzanne, ainsi que ses deux frères, ont réussi leur intégration ici d’une façon extraordinaire, ajoute-t-elle. Seulement, dans les années 60, « l’immigration était moins importante que de nos jours », souligne-t-elle.
Dans son propre entourage, les grands-parents de son mari étaient italiens, mais la grand-mère, demeurée allophone, « a vécu très difficilement son installation avant de réussir », dira-t-elle en substance. Elle fait valoir que, parfois, l’immigration est perçue comme la source du chômage, lors des crises économiques, alors que les raisons sont tout autres.
Occasion d’ouverture
Par ailleurs, Suzanne, nous dira :
« Les gens que j’ai la chance de rencontrer au cours de ma vie n’ont jamais été une menace pour moi, mais au contraire une occasion d’ouverture sur l’autre. J’ai d’excellents souvenirs de ces gens humbles qui ont réussi leurs vies dans le respect des autres et de la société ».
Caroline S., une quadragénaire, enseignante à l’école secondaire Lucien-Pagé, abonnée assidue de la bibliothèque Ahuntsic, nous racontera, entre les rayons des livres, le début d’une grande amitié avec une famille marocaine, par un « simple hasard ».
« Une fois, ici même, il y avait une jeune femme qui cherchait un ouvrage, tout comme moi. Sans que l’une fasse attention à l’autre, nos mains se sont rencontrées alors que nous allions prendre le même livre sur l’étagère… Nous avons éclaté de rire. Je ne me rappelle pas du titre, mais l’auteur est Tahar Ben Jelloun. Elle a insisté pour que je le prenne et le lise… Nous avions entamé une discussion sur l’écrivain, une source intarissable. Et l’amitié est ainsi née entre nos deux familles respectives comme dans les romans. Mon amie Nadia, psychologue de formation, m’a appris à connaître sa société d’origine tout en s’adaptant rapidement à la nôtre. »
Peu importe la langue!
Richard Duhaime, 71 ans, brigadier scolaire pendant 16 ans, dont 12 ans à l’angle des rues Meunier et Legendre, a connu plusieurs familles et leurs enfants auxquels il a fait traverser les rues pour rejoindre l’école Saint-Simon-Apôtre.
Pour chaque nouvelle famille qui arrive, il devient un ami, parfois un conseiller, compte tenu de son âge, de sa simplicité et, surtout, de sa sagesse. M. Duhaime inspire la confiance. Le sourire toujours aux lèvres, « Monsieur Richard » comme tout le monde l’appelle, ne se lasse pas de raconter anecdotes et histoires amusantes aux parents et aux écoliers, et ce, peu importe leurs langues. Inutile de dire que les bambins l’adorent! « Monsieur Richard » nous dira :
« J’ai connu des tout-petits qui sont revenus me saluer, plus tard. Ils reviennent parfois me parler et me rappellent ce que je leur ai dit ou raconté! Pour moi, c’est une grande satisfaction d’avoir bien fait mon travail auprès des enfants.»
Le premier apprentissage des écoliers venus de loin est celui que transmet le brigadier scolaire : lui apprendre à traverser la rue en toute sécurité. Par la suite, il apprendra à mieux traverser les différents chemins de la vie, une leçon retenue de l’enfance.
Jaser sous un parapluie
Et, avant de terminer, une belle histoire d’un résidant d’Ahuntsic, Hugues Albert, qui a communiqué avec journaldesvoisins.com en 2016.
« Belle histoire! Je venais du métro Henri-Bourassa et me dirigeais vers Grande-Allée. Il pleuvait; j’avais oublié mon parapluie, souligne M. Albert. Tout à coup, poursuit-il, à mi-chemin, un homme m’accoste et m’offre de partager son parapluie. Il venait probablement d’un pays du Maghreb ou du Moyen-Orient. Il était au Canada depuis peu, car il craignait l’hiver. Nous avons parlé de choses et d’autres jusqu’au carrefour Henri-Bourassa et Grande-Allée avant de nous séparer gentiment. J’en garde un excellent souvenir et salue la gentillesse de cet homme qui nous fait oublier les préjugés qui existent trop souvent par rapport aux immigrants. »
Le mot de la fin revient à Suzanne Bergeron, notre interviewée du début :
« Peu importe d’où l’on vient, notre seule langue commune est le sourire pour s’ouvrir sur le monde, m’a souvent dit ma mère. »
Cette chronique a été publiée une première fois dans le mag papier en février 2017, et mise à jour par Christiane Dupont en janvier 2019.
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