Alors que l’organisme Aéroports de Montréal (ADM) a lancé tout récemment un sondage sur «la gestion du climat sonore», autrement dit sur le bruit des avions au-dessus de la tête des Montréalais, jour et nuit, journaldesvoisins.com reproduit ici une chronique de notre mag papier publié à l’été 2017, dans notre numéro spécial sur le bruit. Écrite par la politologue Diane Éthier, cette chonique «Elle tourne la terre» relate la mobilisation citoyenne contre le bruit des avions, ici et ailleurs dans le monde. Si vous désirez par ailleurs faire entendre votre voix auprès d’ADM, par ce sondage, vous avez jusqu’au 31 mars pour ce faire. Sachez toutefois qu’il y a une cinquantaine de questions et que vous pouvez y laisser vos commentaires. Vous devez d’abord vous inscrire en ligne, et soyez prêt à tout, notamment que certaines questions suggèrent les réponses, et que d’autres sont tout sauf simples ! (La rédaction)

Montréal

Le Comité des citoyens « Les Pollués de Montréal-Trudeau », créé en 2010, n’a cessé de dénoncer la pollution sonore des avions de l’aéroport Montréal-Trudeau au-dessus des quartiers résidentiels de Montréal.

Cet aéroport est en effet l’un des rares dans le monde qui, d’une part, est situé en plein coeur d’une ville, et qui d’autre part, refuse d’interdire le vol des avions pendant la nuit entre 24 heures et 6 heures. Il refuse également de prendre d’autres mesures pour atténuer le bruit des avions comme l’ont fait plusieurs aéroports, notamment en Europe.

Trois mille citoyens, de plusieurs arrondissements, opposés aux nuisances sonores de l’aéroport Montréal-Trudeau ont signé la pétition lancée par les Pollués de Montréal-Trudeau. Ces derniers ont également installé à des endroits stratégiques 11 stations de mesure dont l’achat a été défrayé par les deniers des membres. Ces stations prennent la mesure des décibels émis par les avions. Ces mesures ont révélé que le niveau de décibels aux endroit vérifiés dépassait la norme acceptable prescrite par l‘Organisation mondiale de la santé (OMS).

Malgré tout cela, et en dépit des résolutions votées par le Conseil municipal de Montréal et les élus de plusieurs arrondissements en faveur d’une interdiction des vols la nuit et d’un survol plus élevé de ces derniers, Aéroports de Montréal (ADM) et le ministère fédéral des transports sont demeurés muets.

Les Pollués de Montréal-Trudeau ont donc décidé, en 2016, d’engager un recours collectif contre ADM, propriétaire de l’aéroport Montréal-Trudeau.

Ce recours arrive à point, car le trafic aérien de l’aéroport de Montréal-Trudeau ne cesse d’augmenter. En 1990, le nombre de passagers était de 1,750 million. En 2016, il a atteint 16 millions, notamment parce que l’on offre désormais 87 vols directs vers des destinations internationales.

M. Rainville, nouveau PDG d’Aéroports de Montréal (ADM), veut d’ailleurs augmenter le nombre de ces vols directs et envisage même de construire un nouveau terminal dans les années à venir. (La Presse Plus, 4 et 5 mai 2017).

Selon un communiqué émis par ADM en octobre dernier, l’aéroport Montréal-Trudeau continue d’accueillir de plus en plus de voyageurs, soit 6,0 millions de passagers pour le troisième trimestre de 2019 (+3,2%) et 15,7 millions pour les neuf premiers mois de 2019 (+4,8%).

Concernant le sondage auquel ADM invite les citoyens à répondre, voici ce que l’info-lettre la plus récente de l’organisme Les Pollués de Montréal-Trudeau en dit:

« Le sondage mené par ADM ne répond pas aux critères de diffusion de l’information, de la transparence, de la reddition de compte, de l’indépendance et de la crédibilité, qui font partie des meilleures pratiques qui doivent se retrouver dans toute consultation publique».

Saint-Hubert

Des citoyens se sont battus sans relâche de 2000 à 2015 contre le bruit des avions de l’école de pilotage de l’aéroport de Saint-Hubert. Après plusieurs déconvenues et un recours collectif déposé en 2011, une entente est intervenue entre le « Comité antipollution des avions » et la ville de Longueuil en août 2015.

En vertu de cette dernière, des silencieux devaient être installés sur les avions des écoles de pilotage. Les écoles ne pourront pas effectuer des manœuvres de décollage et d’atterrissage le samedi à partir de 15 heures, le dimanche et les jours fériés. Un comité a été créé pour examiner tout problème soulevé par le bruit des avions.

Depuis, toutefois, la situation a dégénéré. Ainsi, de gros avions, des Boeing 737-200, décollent et atterrissent maintenant à l’aéroport de St-Hubert, et les vols de nuit ne sont pas rares, indisposant à outrance les résidants de Longueuil, Saint-Hubert, Saint-Bruno, notamment. Une pétition a d’ailleurs été mise en ligne par une résidante de Saint-Bruno sur le site de la Chambre des Communes invitant les citoyens à dénoncer les nuisances sonores aériennes dont ils sont victimes.

Au conseil d’agglomération de novembre dernier, des citoyens des différentes municipalités jouxtant l’aéroport ont dénoncé cette situation; certains se sont même fait expulser de la salle après ou pendant qu’ils s’invitaient au micro.

Présent à cette réunion, le maire de Saint-Bruno, Martin Murray, a pris la parole pour appuyer les citoyens. Il a notamment déclaré :

Moi-même, je vois des avions passer au-dessus de ma tête, à la queue leu leu. Ça devient abusif, aberrant. (…) Je ne pense pas que le développement économique doit se faire au détriment de la santé et la sécurité des citoyens. L’aéroport est là pour rester et doit recevoir des avions, mais pas n’importe quand, pas n’importe comment et pas n’importe quel type.

Toronto

Les citoyens de la Ville Reine, qui ont acheté à fort prix des condos sur la rive du lac Ontario, se sont mobilisés en grand nombre contre la décision des autorités de l’aéroport Billy Bishop, situé sur une île en face de leurs demeures, de construire de nouvelles pistes d’atterrissage pour accueillir des jets à réaction, dont ceux de la C-Series de Bombardier.

Cette bataille a été très acrimonieuse et a duré quelques années. Mais elle s’est terminée par une victoire totale des opposants, lorsque le ministre des Transports du nouveau gouvernement libéral fédéral élu en 2016, Marc Garneau, leur a donné raison – au grand dam des supporteurs de Bombardier au Québec.

Londres

Les habitants de Londres se sont mobilisés en 2007 contre la construction d’un cinquième terminal à l’aéroport de Heathrow, qui est l’un des plus importants au monde. Ils ont perdu cette bataille, faute d’une stratégie adéquate.

En 2014, leur lutte contre la création d’une nouvelle piste d’atterrissage à Heathrow a été victorieuse, parce qu’ils se sont alliés avec plusieurs groupes environnementaux et ont invoqué la nécessité de diminuer les gaz à effet de serre, objectif avoué du gouvernement conservateur au pouvoir.

Nantes

Les citoyens français luttent depuis 1963 contre la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, au nord-ouest de Nantes, où existe déjà un aéroport international. Au cours des 54 dernières années, cette lutte a donné lieu à de multiples manifestations, occupations, études, recours devant les tribunaux, référendums et sondages d’opinion.

Tous les recours des opposants devant les tribunaux ont été déboutés. Les sondages d’opinion démontrent, quant à eux, que lorsqu’ils consultent les citoyens qui habitent loin du projet, une faible majorité est en faveur.

Par contre, lorsqu’ils ciblent les Français habitant à proximité du nouvel aéroport projeté, le nombre des opposants atteint près de 80 %.

La question est tellement sensible qu’aucun gouvernement n’a donné son accord à la construction de ce nouvel aéroport au cours des quatre dernières décennies.

Mobilisation en nombre

Nous n’avons pu tenir compte ici de toutes les mobilisations citoyennes contre le bruit des aéroports à travers le monde, notamment celles qui ont lieu au Japon, en Inde et aux États-Unis.

Deux leçons sont toutefois à retenir :

• Ces mobilisations continueront à se multiplier, en raison de l’augmentation phénoménale du trafic aérien (plus de 3 milliards de passagers en 2017), qui incite les aéroports des grandes villes à s’agrandir au détriment de la qualité de vie des résidants;

• Le succès de ces mobilisations dépendra de leur capacité à rallier le plus grand nombre possible d’acteurs à leurs causes, tout en misant sur les politiques des gouvernements axées sur la protection de l’environnement et de la qualité de vie des citoyens.

Cette chronique a été publiée dans le mag papier à l »été 2017 et mise à jour en janvier 2020 par la rédaction.

 



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