Les cercles de paroles interculturels représentent un inestimable espace de dialogue et d’échange. (Photo: courtoisie Concertation-Femme)

Parmi les initiatives interculturelles fort louables dans notre quartier, il faut souligner l’expérience des cercles de paroles interculturels, que l’on doit à un partenariat entre l’organisme communautaire Concertation-Femme et les bibliothèques publiques de l’arrondissement. 

Lancée en 2018, cette belle aventure a, au fil des rendez-vous, fini par mériter ses lettres de noblesse, en dépit de l’épineuse question de financement… 

«La peur de l’inconnu, la peur de l’autre», «L’amour au temps de l’interculturel», «Le déconfinement de nos pensées», «Le racisme systémique, existe-t-il au Québec?», «Ni d’ici ni d’ailleurs», «Les institutions ethniques et religieuses favorisent-elles l’intégration?»… Tous ces thèmes ont été abordés dans ces cercles de paroles avec la participation d’auteurs, chercheurs universitaires, anthropologues, romanciers, poètes, essayistes et journalistes.

Ces rendez-vous interculturels, qui ont bénéficié jusqu’à mars 2021 d’un financement de Patrimoine Canada, se poursuivent en 2023, grâce à la détermination de ses vaillants animateurs et collaborateurs. 

«Depuis la fin du financement, nous n’avons jamais arrêté cette activité. Concertation-Femme, les bibliothèques et les animateurs des cercles avons décidé de continuer d’organiser ces rendez-vous d’échange, en se partageant les frais», dit Maysoun Faouri, directrice générale de Concertation-Femme.

Maysoun Faouri, directrice générale de Concertation-Femme. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Elle précise que Cercle de paroles est l’un des volets du grand projet intitulé À la rencontre de l’autre qui a duré deux ans d’avril 2019 à mars 2021. Ce projet englobait d’autres activités telles que la bibliothèque vivante, les ateliers sur les droits des citoyens, les valeurs de la société, entre autres. 

Le cercle de paroles du 15 février dernier portait sur le thème du choix de carrière des jeunes issus de l’immigration. Il a eu lieu au café de DA, avec comme invité l’écrivain, résidant d’Ahuntsic, Karim Akouche. Maysoun Faouri précise que le choix du thème découle du constat selon lequel la plupart des parents immigrants souhaitent que leurs enfants deviennent ingénieurs, médecins, pharmaciens, etc.; le plus souvent sans égard ni à la passion de l’enfant ni à son profil et à ses compétences potentielles. 

La vie de l’invité lui-même reflète cette problématique. Karim est titulaire d’une maîtrise en ingénierie. Il a toutefois choisi de laisser tomber l’idée de faire carrière dans ce domaine pour consacrer sa vie à sa passion: l’écriture. Il vient de publier son nouveau roman La musique déréglée du monde (Éditions Druide). Son credo: la passion n’est point négociable!

C’est dire la passion qui anime la belle équipe qui veille à l’organisation et à l’animation de ces cercles interculturels: Maysoun Faouri, de Concertation-Femme, Sylvie Payette, de la bibliothèque Ahuntsic, Lucie Bernier, ancienne directrice de la bibliothèque Ahuntsic, Claude Gravel, professeur d’histoire à la retraite, André Campeau, anthropologue, membre de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC), et Michèle Blais, ancienne responsable de la communication à l’arrondissement. L’équipe des cercles de paroles organise d’autres rencontres ce printemps (voir au calendrier d’événements aux dates suivantes: mercredi 22 mars, mercredi 26 avril et mercredi 24 mai).
Univers fascinant!

Pour Maysoun Faouri, les échos positifs des cercles de paroles auprès du public plaident pour faire rayonner encore et encore cet espace de dialogue et d’échange. Voilà une expérience qui permet de libérer la parole et surtout invite à transcender tout ce qui nuit à la rencontre de l’autre: nos a priori, nos malaises, nos convictions figées, nos préjugés, etc. 

«Nous nous sommes inspirés d’une approche de dialogue ancestrale des peuples autochtones pour traiter des thèmes sensibles que plusieurs évitent d’aborder en public, par crainte de se faire traiter de raciste, de xénophobe ou de mal intégré, note la directrice. Chez Concertation-Femme, nous ne sommes pas des théoriciennes de l’interculturel, mais des femmes d’action. Nous croyons qu’il faut libérer la parole plutôt que de nous demander si son expression est convenable.» 

Selon Maysoun, le travail communautaire est un univers fascinant où l’on peut développer toutes sortes d’activités socioculturelles, notamment dans un quartier qui rassemble plus de 80 origines culturelles différentes.

Soulignons que ces cercles de paroles ont donné lieu à un recueil intitulé À la rencontre de l’autre, qui présente des comptes-rendus résumés des 14 rencontres qui se sont déroulées en 2019 et 2020. Ce recueil, disponible dans les bibliothèques du quartier, met en exergue les propos des participants et leurs histoires hautement significatives. 

À ce propos, voici le témoignage de Ghada Krouachan, l’une des participantes à ces cercles, exprimant son appréciation du recueil: «Quand j’ai reçu le recueil, j’ai été émerveillée devant ce chef-d’œuvre. Son aspect élégant et artistique m’a attiré au début, mais le contenu m’a touché au plus profond de mon cœur. Dans ce recueil, et entre les lignes, j’ai retrouvé chacun des participants et participantes. J’ai senti la franchise et la sincérité dans leurs paroles, leurs histoires et leurs témoignages. J’ai savouré le pouvoir des mots qui peuvent changer notre perception de l’autre, nous aide à mieux le connaître et déconstruire les préjugés. N’est-ce pas vrai qu’on dit: les mots qui sortent du cœur entrent dans le cœur. J’ai lu la déception de quelqu’un et le bonheur de l’autre dans l’histoire de leur immigration (…). J’ai pensé aux rêves non réalisés d’un participant et l’espoir qui anime le cœur d’un autre pour un avenir meilleur. J’ai réalisé que dans la vie il n’y a pas des réponses, mais des histoires.»

NDLR : Concertation-Femme célébrait hier (8 mars) ses 40 ans d’existence et Maysoun Faouri, directrice générale de l’organisme, a été nommée «Bâtisseuse de la Cité» par la Ville de Montréal cette semaine!

Ce texte de la chronique Nos voisins venus du vaste monde a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de février 2023, à la page 28.



Restez informé

en vous abonnant à notre infolettre


Vous appréciez cette publication du Journal des voisins? Nous avons besoin de vous pour continuer à produire de l’information indépendante de qualité et d’intérêt public. Toute adhésion faite au Journal des voisins donne droit à un reçu fiscal.

Nous recueillons des données pour alimenter nos bases de données. Pour plus d’informations, veuillez vous reporter à notre politique de confidentialité.

Tout commentaire sera le bienvenu et publié sous réserve de modération basée sur la Nétiquette du JDV.

S'abonner
me prévenir de
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
Vous pourriez aussi aimer ces articles

Roberto López, la curiosité artistique sans frontières

En 2010, l’auteur-compositeur-interprète Roberto López, résident d’Ahuntsic, recevait le prix Révélation Radio-Canada…

Les animaux de moins en moins acceptés dans les logements

Difficile de trouver un logement locatif abordable qui nous convienne de nos…

Page d’histoire – Les Sœurs de Miséricorde et la santé des femmes

Rosalie Cadron-Jetté et Sophie Desmarets, toutes deux veuves et laïques, s’installent en…

Une page d’histoire – Henri Bourassa n’était pas n’importe qui

Henri Bourassa n’aurait pas reculé devant une discussion houleuse au sujet de…