Lundi 9 septembre, 17 h 30, Saint-Laurent et Henri-Bourassa: une dame de 41 ans a été happée par une voiture alors qu’elle traversait l’intersection vers le nord. Ayant subi des blessures importantes à la tête, il s’en est fallu de peu pour qu’elle devienne une autre victime de la circulation et des gens pressés aux heures de pointe du matin et du soir. Rappelons que lundi 26 août, très tôt le matin, une piétonne qui traversait Saint-Laurent et Sauvé était frappée fatalement par un autobus de la STM. Il y a un an, jour pour jour, le 10 septembre 2018, une autre piétonne résidante du secteur de Cartierville était blessée gravement par une bétonnière, en traversant l’intersection Salaberry/O’Brien. La cohabitation avec les voitures et les véhicules lourds est-elle harmonieuse ici, à Ahuntsic-Cartierville? Tour de la question sans angle mort.

La circulation a été interrompue le 9 septembre, à l’heure de pointe, sur le boulevard Henri-Bourassa, angle St-Laurent, à la suite d’un accident impliquant une voiture et une piétonne (Photo: jdv. P. Rachiele)

Selon des données expédiées par la Ville-centre, au moins sept personnes sont mortes dans des collisions avec des véhicules lourds dans l’agglomération de Montréal l’année dernière, et 18 piétons en tout sont décédés des suites d’accidents. Et depuis le début de 2019, selon le SPVM, on dénombre 15 décès de piétons par accident sur rue dans la région montréalaise, dont 10 aînés.

Pour le commandant du poste de quartier 27, Dany Diotte, les artères majeures ayant des intersections avec de la signalisation constituent souvent les zones les plus accidentogènes à Ahuntsic-Cartierville.

« Ça va être Papineau, Crémazie, Henri-Bourassa, Saint-Laurent; ce sont toutes les rues où les gens vont circuler plus vite et où il y a un plus grand flot de circulation », ajoute-t-il.

En effet, près de 75 % des accidents avec blessures se produisent à une intersection.

« Pour les deux principales causes de collision avec blessure, on parle de distractions ou de passage non cédé. Le camion ne verra pas le piéton ou ça va être un automobiliste qui ne verra pas le piéton, précise M. Diotte. C’est souvent ça notre problématique la plus majeure. »

Du côté d’Ahuncycle, un organisme militant pour le transport actif dans Ahuntsic-Cartierville, on estime que la grosseur des camions complique la circulation des piétons et des cyclistes.

« Dans le quartier Ahuntsic, il y a des camions semi-remorques qui bloquent les rues et les trottoirs régulièrement en semaine, comme sur la rue Meilleur, indique Frédéric Bataille, porte-parole pour l’organisme. Les camions sont beaucoup trop gros, c’est difficile de circuler à pied et à vélo la semaine ».

Selon le commandant Diotte, le danger des angles morts des poids lourds est souvent sous-estimé par les piétons, les automobilistes et même les chauffeurs de camion.

« Ce sont de gros véhicules qui circulent dans les rues de Montréal. Il y a une population importante. Quand on arrive à un coin de rue, lorsque le camionneur doit tourner il va parfois empiéter sur le trottoir et on ne le verra pas parce que c’est vraiment un angle mort », ajoute-t-il.

Toutefois, on rapporterait moins d’accidents impliquant des blessures dans l’arrondissement, selon M. Diotte.

« Pour le total des deux postes en 2019, on parle de 189 accidents versus 204 l’année dernière. On est quand même en baisse pour nos accidents avec blessés », explique le commandant.

Sensibiliser et agir

D’après l’Association du camionnage du Québec (ACQ), l’évolution du tissu urbain montréalais au cours des dernières années impose de nouveaux défis aux camionneurs.

Par ailleurs, l’ACQ a participé aux consultations du projet Vision Zéro, un plan d’action de la Ville adopté en 2019 pour diminuer les accidents mortels lors de déplacements sur le réseau routier montréalais.

« Le message qu’on a tiré de nos rencontres, c’est de sensibiliser nos milieux par de l’éducation et de faire de la prévention à plus grande échelle auprès de nos usagers », affirme Axel Rioux, porte-parole de l’ACQ.

Selon Audrey Gauthier, relationniste à la Ville de Montréal, plus d’une vingtaine d’actions sont inscrites dans le plan d’action.

« Parmi celles-ci, on note les partenariats avec la SAAQ, la STM et le SPVM pour sensibiliser la population au partage de la route entre les véhicules lourds et les piétons/cyclistes, la révision de la carte de camionnage à l’échelle de l’agglomération ainsi que l’obligation pour les fournisseurs de la Ville d’équiper leurs véhicules lourds de barres de protection latérales et de miroirs antéviseurs », écrit-elle par courriel.

Les coûts d’une barre latérale variaient entre 1 000 et 2 500 $ par véhicule selon le type d’équipement. La Ville avait annoncé son intention d’en équiper sa flotte et ses fournisseurs plus tôt en octobre 2018.

« Les barres latérales sont personnalisées afin de s’adapter aux différents types de véhicules de la Ville de Montréal et ainsi d’en optimiser l’efficacité et la sécurité », affirme Mme Gauthier.

Des activités de sensibilisation par le SPVM ont également été organisées à Ahuntsic-Cartierville dont l’activité Partage de la route en mai dernier, de concert avec la SAAQ, activité qu’a d’ailleurs couverte journaldesvoisins.com dans ses Actualités Web.

Des pistes de solutions pour l’avenir

Pour Vélo Québec, il faudrait aller jusqu’à interdire l’accès à Montréal aux camions ne possédant pas de barres latérales et revoir le design des camions, comme les modèles de camions européens dont le nez est plat.

« Un camion qui est bien conçu pour favoriser la vision directe du conducteur et réduire les angles morts a beaucoup moins besoin de systèmes supplémentaires », estime Magali Bebronne, chargée de programme chez Vélo Québec.

L’organisme aimerait d’ailleurs s’inspirer des standards de sécurité londoniens où les caméras et les systèmes de détection d’angles morts sont obligatoires.

« À partir de 2020, les différents modèles de camions vont être classifiés d’une à cinq étoiles selon le degré de vision directe des conducteurs et la ville [Londres] va bannir les camions qui n’ont aucune étoile », explique Mme Bebronne.

Selon l’Association du camionnage du Québec, les barres latérales ne sont pas optimales dans tous les types d’accidents. M. Rioux craint également un impact sur l’économie si l’on appliquait le système londonien à la Ville de Montréal.

« Nous sommes dans une ville où il y a beaucoup de commerces, dans laquelle on veut que l’économie fonctionne, on ne veut manquer de rien et on veut que nos commerçants aient une activité économique prospère », souligne M. Rioux.

Toutefois, selon M. Rioux, l’industrie du camionnage travaillerait à mettre au point de l’équipement capable de détecter les angles morts et les objets derrière les véhicules. Certains camions au nez plat auraient même commencé à circuler dans les rues.

Selon Frédéric Bataille, d’autres avancées technologiques majeures sont également à surveiller.

« Ce qui s’en vient, c’est la conduite autonome sans conducteur. Les études nous démontrent que c’est plus sécuritaire lorsque c’est un ordinateur qui conduit le véhicule et non un humain qui le fait. »

Cet article a d’abord été publié dans le mag papier de la rentrée 2019 et mis à jour le 10 septembre 2019.



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