
Rarement, un projet immobilier aura fait autant l’unanimité contre lui. La transformation en ensemble de logements du couvent des sœurs de Miséricorde, à Cartierville, fait face à l’opposition farouche des riverains. Ils trouvent que le nombre d’appartements envisagés n’est pas du tout approprié pour leur quartier.
Lors de la séance d’information publique tenue le 20 août à la mairie de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, ils étaient près d’une centaine de voisins du vieux couvent situé au 12435, avenue de la Miséricorde à venir exprimer clairement leur rejet du projet.
«J’ai de gros doutes sur la capacité du quartier. En tout cas, il faudrait qu’on puisse nous convaincre que cette résilience est possible», a questionné Imen, une résidente de la rue de Serres.
Le promoteur demande un changement d’usage pour passer dans la catégorie H7, permettant des ensembles d’habitation de 37 logements et plus. Il n’opère aucune transformation sur le site. La configuration actuelle de la propriété demeure. Les appartements seraient aménagés dans les murs du couvent.

Pourtant, le projet inquiète et, durant près de quatre heures, des dizaines de riverains n’ont pas manqué de le répéter.
Initialement, le promoteur prévoyait 132 logements. D’après l’architecte Etienne Taillefer, du cabinet MDTP Atelier d’architecture, le promoteur a déclaré qu’il allait diminuer la quantité d’unités à 126. Elles seraient toutes sur le marché locatif.
Le nombre d’appartements familiaux passerait de deux à 13. Toutefois, le nombre de studios et de petites unités demeure excessif aux yeux des riverains. Pour rappel, le site hébergeait des sœurs religieuses et offrait un environnement paisible au quartier.
Une saga
Bâtiment du couvent des Sœurs de Miséricorde, à Cartierville. Photo: JDV.
Le bâtiment des sœurs de Miséricorde est vacant depuis le départ des dernières religieuses en mars 2020.
Avant cela, elles continuaient d’occuper les lieux alors qu’elles avaient vendu la propriété à une compagnie à numéro pour la somme de sept millions $ en avril 2018. L’entreprise, dont certains actionnaires étaient liés au crime organisé selon Le Journal de Montréal, voulait aménager une résidence pour personnes âgées. Elle a déclaré faillite en octobre 2019.
Le bâtiment s’est retrouvé en liquidation par un syndic de faillite.
Comme révélé par le JDV, le propriétaire actuel, Tahir Hanif, a acquis l’édifice des mains du syndic de faillite BLT Lapointe en février 2024.
Le changement perturbe déjà le voisinage et certains ont signalé des travaux effectués de nuit dans la bâtisse. Ces transformations génèrent beaucoup d’incertitudes.
L’insistance sur le nombre de logements donnera-t-elle à l’arrondissement la possibilité d’imposer un chiffre?
«Il n’est pas exclu qu’on puisse venir limiter le nombre de logements dans les bâtiments existants», a dit Clément Charrette, chef de division à l’arrondissement.
Trop de voitures
Une interrogation assez bien partagée par le voisinage, comment les nouveaux locataires se déplaceront-ils dans le quartier?
«J’aimerais savoir s’il y a eu une étude de circulation reliée à ce projet», a demandé Vicky Gosselin, résidente du secteur.
Déjà, deux écoles privées situées dans le secteur obligent les riverains à des acrobaties pour sortir de chez eux le matin. Les usagers et visiteurs de l’hôpital Sacré-Cœur à proximité, viennent aussi se stationner dans leurs rues.
Le projet prévoit 76 cases de stationnement, dont 10 pour les visiteurs et deux pour les personnes à mobilité réduite. Ce sont toutefois des espaces déjà existants sur le site.
«C’est le statu quo au niveau des places de stationnement. Il n’y a pas eu d’étude de circulation», a souligné M. Charrette.
S’il devait y en avoir une, ce serait au promoteur de la fournir.
Crainte du futur
Des citoyens ont exprimé une perte de confiance dans l’avenir. Beaucoup ont exigé une sorte de garantie, une interdiction, pour empêcher de nouvelles constructions sur le site.
Outre les bâtiments, le site dispose d’un grand parc en bordure de la rivière des Prairies et également un vieux cimetière. Ils pourraient servir d’assiette à de futurs développements.
Vers un référendum?
Il y aura un second projet de résolution qui sera présenté à un Conseil d’arrondissement à venir. Il sera soumis à l’approbation référendaire. Un avis public informera les personnes concernées de la façon de présenter une demande d’approbation référendaire auprès du bureau du secrétaire d’arrondissement. Puis le conseil d’arrondissement adoptera la résolution lors d’une autre séance si une demande valide est reçue. La procédure de tenue de registre sera alors ouverte.
Les citoyens souhaitent qu’on ne permette aucune nouvelle construction sur le site, dès maintenant. Ils demandent une délimitation au sol précise.
«C’est pour la geler dans le futur», a indiqué Mme Di Zazzo, voisine du couvent.
«Si une demande est faite à l’arrondissement pour ajouter d’autres volumes sur le terrain, celles-ci devraient devoir faire l’objet d’une analyse et d’un nouveau règlement», a précisé M. Charrette.
Par ailleurs, le site est classé patrimonial et ne peut être transformé et aucun étage supplémentaire n’est inscrit dans la demande actuelle.
L’édifice est fermé depuis cinq ans. Il a connu des dégradations dues à des travaux antérieurs inachevés et à des squatters. Il a aussi encaissé l’effet du temps.
«Il est encore possible de récupérer le bâtiment», avait souligné en début de séance Nicolas Boulanger, conseiller en aménagement à l’arrondissement.
Toutefois, ce n’est pas tant l’opposition aux logements que les citoyens ont exprimés, mais plutôt à leur nombre. Ils souhaiteraient des changements qui prennent en compte la nature du quartier.
«Un édifice habité sera toujours plus sécuritaire qu’un édifice vacant», a déclaré pour sa part Emilie Thullier, mairesse de l’arrondissement.
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Le syndrome pas dans ma cours… encore une fois. Ici on a un beau projet de création de logements à l’intérieur d’un bâtiment existant qui est actuellement vide. On ajoute aucun espace de stationnement. On ne parle pas d’une industrie polluante ! Juste de créer des logements dans un édifice patrimonial, alors que la ville est en situation de pénurie de logement. Aux citoyens concernés qui s’y opposent, svp un peu de considération !
C’est bien connu, la pénurie de logement montréalaise ne saurait se régler dans la cour de qui que ce soit !
Voilà un cas classique de « pas dans ma cour » Au moment d’une grave crise de logements , des propriétaires bien nantis s’opposent a une heureuses initiative en invoquant toutes sortes de prétextes..
Cette réaction purement anti-sociale est fort compréhensible chez tous les possédants qui ne veulent pas se faire déranger par des personnes qui ne sont pas de leur classe.
Mais ce qui est déconcertant c’est la possibilité d’un référendum évoqué par l’arrondissement. .
Le gouvernement du Québec. a donné aux villes le pouvoir de ne pas tenir de referendum . Alors pourquoi en faire un, quand on sait d’avance le résultat.?
La réponse est simple , les politiciens de l’arrondissement ne veulent pas perdre les votes à quelques mois des élections.
Donc, grâce au mécanisme du référendum les politiciens vont donner raison aux riches propriétaires et prétendre que c’est un choix démocratique dont ils ne sont pas responsables.
Pour ce qui est des éventuels locataires, qui nécessairement ne voteront ni au referendum ni aux élections ,s’ils ne sont pas contents ils iront ailleurs ou deviendront sans abris., cela ne nous regarde pas.
Convertir cet ancien couvent pour augmenter l’offre de logements était une tres bonne idée. Malheureusement nos politiciens n’ont pas le courage politique de faire face a un petits groupes d’opposants et leur donne le moyen de tuer le projet.
Durant la campagne les mêmes politiciens vont tenter de nous faire croire qu’ils vont combattre la crise du logement..
Avant de faire un plaidoyer contre la critique légitime des habitants du quartier, prouvez-nous donc que ce sera des logements sociaux. Car ni la mairesse ni le promoteur n’ont voulu divulguer quoique ce soit. Pire la mairesse a confirmé dans la réunion que le promoteur allait donner une ristourne parce qu’il n’y aura pas de logements sociaux. Expliquez-nous donc en quoi ceci est la faute des résidents que vous blâmez?
Je fais partie des propriétaires du quartier. En fait je demeure sur la rue Fréchette. D’abord, je dois mentionner que tous les résidents ne forment pas un bloc monolithique. Ils n’ont pas tous la même vision du projet et tous ne souffrent pas du syndrome du « pas dans ma cour« !
Au contraire, un petit comité de personnes du quartier s’était constitué et avait fait de nombreuses démarches pour que la maison mère des sœurs de Miséricorde puisse servir et conserver une vocation similaire à celle des sœurs. Il aurait fallu avoir un coup de pouce de la Ville centre et de l’arrondissement qui s’était doté du droit de préemption: « puisque notre administration est très proactive sur le dossier des logements sociaux et communautaires, il y a plusieurs années, nous nous sommes dotés du droit de préemption à cette fin. » En fait l’arrondissement s’est tourné vers la ville centre, en la personne de M. Dorais. « L’objectif de ce droit de préemption est d’acheter des édifices pour en faire des logements sociaux et communautaires. Mais ce n’est pas la Ville qui construit les logements. La Ville (et non l’arrondissement) cible des édifices qu’elle souhaite acquérir pour par la suite les transmettre à des GRT qui construirons des logements sociaux et communautaires. Et tout cela est très normé par la Loi. Ce droit de préemption ne peut servir qu’à cela. Par exemple, nous avons dû récemment voter un autre règlement de droit de préemption pour donner le droit à la Ville d’acquérir des terrains pour fins de parc. En effet, le droit de préemption pour le logement ne pouvait pas servir pour un parc. Je vous passe la mécanique du droit de préemption, mais nous pourrons en reparler de vive voix. j’ai communiqué avec la Ville et le Service de l’habitation a visité le bâtiment pour vérifier s’il souhaitait l’acquérir pour des logements sociaux et communautaires. La réponse fut négative. C’est pour cela qu’il n’y a pas de droit de préemption pour ce bâtiment. » QUELLES ÉTAIENT LES RAISONS ?
« Sachez que j’ai envoyé votre correspondance à mon collègue Benoit Dorais, élu responsable de l’habitation, afin que le service de l’habitation se repenche sur le dossier. » (1)
Entretemps, un deuxième acheteur a pu acquérir l’immeuble des Sœurs à un coût minime, faisant en sorte que des citoyens, le temps manquant, ne puissent participer à l’élaboration d’un projet de logements principalement pour des femmes chef de familles monoparentales. Celles-là même qui sont aux premières loges quant aux difficultés à se loger et loger leur famille de façon décente.
Ce dont j’ai honte et je crains c’est que le phénomène de la spéculation immobilière soit à la base même de tout projet d’un propriétaire immobilier, que la logique même de densification et de rentabilité foncière guide la suite des choses pour la ville et ça va de soit pour l’actuel propriétaire.
À la crainte que certains résidents entretiennent à l’idée qu’une clientèle moins fortunée, ayant eu accès à des logements, aurait pu faire baisser la valeur de leur propriété, ceux-là seront très surpris et déçus de se rendre compte des risques de hausses vertigineuses des évaluations foncières de leur propriété, conséquence d’une mise à niveau du rôle foncier occasionné par l’ajustement de la nouvelle valeur marchande de l’immeuble des Sœurs.
À ce titre, voir l’article d’Annie Hudon-Friceau sur un exemple de ce phénomène lié à la spéculation, ayant cours à Ste-Marguerite-du-Lac-Masson : Après la rénoviction, la taxéviction. LL
(1) Source: correspondance avec la mairesse Madame Thuillier