Décembre et le temps des Fêtes sont derrière nous. Un peu partout sur le territoire, il y a quelques semaines à peine, les familles s’activaient afin de faire de Noël et de cette période de l’année un moment mémorable pour la parenté. Au fil des jours, odeurs de tourtière ou de pâtisseries flottaient dans l’air des logis et s’entremêlaient à celles du sapin et du parfum imprégnant le châle de grand-maman. Si, durant cette période festive, chants et fous rires ont résonné dans certaines demeures, dans d’autres ni anecdote ni embrassade ne sont venu ponctuer les festivités. La solitude est un plat qui se mange seul, temps des fêtes ou pas.
«Avec le rétrécissement des familles et l’individualisation du mode de vie, on n’a pas besoin d’avoir un portrait plus grand que ça pour supposer qu’il y a beaucoup de gens vivant l’isolement, explique Pauline Dion du Comité Isolement de la Table de concertation et d’action pour les aînés d’Ahuntsic. Quand on parle des aînés, il y a un risque par la force des choses : ta famille meurt, tes amis disparaissent, ton conjoint n’est plus là, tu te refermes sur toi-même…»
Il est difficile d’estimer le nombre de personnes âgées susceptibles de vivre une forme d’isolement, mais le profil sociodémographique d’Ahuntsic-Cartierville permet de présumer qu’elles sont nombreuses sur le territoire. Dans l’arrondissement, plus d’un aîné sur trois vit seul. De plus, selon le recensement de 2016, 19 % de la population du secteur est âgée de 65 ans ou plus, comparativement à une proportion de 15 % à Montréal.
Le plus grand défi
Pour la directrice générale d’Entraide Ahuntsic-Nord, un OBNL du quartier Ahuntsic, le plus grand défi est de parvenir à rejoindre les aînés isolés.
« On les appelle parfois les personnes fantômes. Ils sont là, mais on n’a pas de prise sur eux », explique Roxanne Hamel.
Au dire de Mme Hamel, ce ne sont pourtant pas les activités qui manquent. L’offre est variée. La méfiance rencontrée sur le terrain est l’un des facteurs contribuant à rendre l’approche difficile.
« Dans l’ensemble, on fait face à une grande réticence liée à différentes peurs comme la peur d’être abusé, la peur de l’inconnu, d’être envahi, d’être délogé », constate Mme Hamel.
La peur d’être placé en résidence, confirme Pauline Dion, favorise la réclusion.
«Quand ils commencent à sentir qu’ils perdent de leur autonomie, ils ont tellement peur qu’ils ne répondent ni au téléphone ni à la porte. La crainte du travailleur social ou de l’infirmière, c’est dommage, mais c’est réel», affirme la dame.
Vaincre la méfiance
Afin d’apprivoiser même les plus réticents, le Comité Isolement a décidé d’organiser des salons de ressources dans les HLM pour aînés d’Ahuntsic. C’est une occasion de faire connaître les services disponibles tout en favorisant les échanges.
Pour plusieurs, la socialisation passe par les services répondant aux besoins fondamentaux.
«Sur 700 personnes desservies en 2014, illustre Mme Hamel d’Entraide Ahuntsic-Nord, 130 ont eu recours au service de popote roulante, 270 à l’accompagnement médical et seulement 44 aux visites d’amitié.»
Les services alimentaires, par exemple, deviennent donc une solution à la perte d’autonomie et à la solitude.
«On a eu des témoignages de membres pour qui la visite du bénévole qui remet le plat est aussi importante que le repas en soit», raconte la directrice générale d’Entraide Ahuntsic-Nord.
C’est aussi «un filet de sécurité», ajoute Marilena Huluban, directrice générale du Centre d’action bénévole de Bordeaux-Cartierville.
«Les bénévoles qui vont à domicile disent bonjour et s’assurent que les aînés vont bien.»
Barrières linguistiques
De nombreux facteurs, outre l’état de santé et la méfiance, tendent à précipiter l’isolement des aînés, dont la pauvreté et le manque de moyens de transport. Dans Bordeaux-Cartierville, les barrières linguistiques s’ajoutent à la liste.
Les immigrants comptent pour plus de la moitié des aînés du territoire et, parmi eux, 9 % ne connaissent ni le français ni l’anglais, selon un portrait réalisé par InterActions.
« Ces gens-là se retrouvent isolés parce que dès qu’ils sortent de la maison, si personne autour d’eux ne parle leur langue, ils ne sont pas capables de communiquer », résume Marjolaine Larocque, organisatrice communautaire au sein du CSSS de Bordeaux-Cartierville–Saint-Laurent.
Socialiser favorise un meilleur vieillissement, explique Mme Larocque. Il est donc primordial d’inciter les gens du troisième âge à demeurer actifs aussi bien pour leur santé physique que morale.
«Aider est gratifiant!»
Lise est tout à fait en accord sur ce point: aider est gratifiant. L’Ahuntsicoise de 77 ans consacre beaucoup de son temps à épauler des aînés dans le besoin. Tout comme ceux qu’elle aide, elle retire beaucoup de ce contact humain.
«Ça me donne la satisfaction de faire plaisir, d’avoir été utile. Ça meuble mon temps et donne un sens à ma vie vers la vieillesse, confie-t-elle. Moi aussi je vais vieillir un jour. Si je ne suis plus alerte comme maintenant, je serai très heureuse que quelqu’un, par moment, me tienne la main.»
Cet article a été publié dans le mag papier de décembre 2015 et mis à jour par Christiane Dupont en janvier 2018.
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