Le professeur Sébastien Mussi, co-auteur du livre «Bienvenue dans la machine». (Photo: François Robert-Durand, JDV)

La pandémie a été marquée par l’enseignement en ligne. Plutôt que de faire face à de véritables étudiants en chair et en os, les professeurs avaient bien souvent l’impression de parler dans le vide et faisaient face à des écrans noirs. Certes, quelques étudiants éprouvaient des problèmes de caméras, mais beaucoup, happés par toutes sortes de stimuli, avaient tout simplement décroché.   

Ce texte de réflexion de notre collaborateur Nicolas Bourdon est paru dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier d’août-septembre 2023, à la page 10.

«On constate tous que ça ne marche pas, mais on le fait quand même!» me dit Sébastien Mussi en entrevue pour le Journal des voisins. Il est professeur de philosophie au Collège de Maisonneuve et auteur, avec Éric Martin, de Bienvenue dans la machine (éditions Écosociété, 2023, 186 p.), un essai très critique des technologies de l’information et des dérives qu’elles entraînent en éducation. L’essai de MM. Mussi et Martin est bien documenté et ils citent plusieurs études à l’appui de leur point de vue.        

« Non seulement l’enseignement à distance rend le plagiat plus facile, déplore M. Mussi, mais surtout il entraîne de graves retards d’apprentissage. Une importante étude des chercheurs Christian Boyer et Steve Bissonnette se penche sur des données provenant de sept pays et conclut que l’enseignement en ligne, pendant la pandémie, a entraîné des retards importants en lecture et en mathématique. On sait aussi qu’un étudiant de cégep sur deux n’a pas du tout apprécié l’expérience de l’enseignement en ligne et que deux étudiants sur trois rapportent que leur santé psychologique s’est détériorée.» 

Les études de la psychologue Sherry Turkle montrent aussi que la surexposition aux écrans entraîne, chez les enfants, une perte d’empathie envers leurs semblables et des difficultés à contrôler leurs émotions. 

«Les données ne manquent pas: les technologies de l’information sont néfastes sur plusieurs plans. La majorité des étudiants et des profs savent qu’elles le sont et pourtant elles envahissent le monde de l’enseignement. C’est maintenant 30 % des étudiants de l’Université Laval qui suivent des cours à distance. À l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, c’est plus de la moitié des étudiants qui suivent une formation à distance! Et cette croissance fulgurante des cours en ligne touche aussi le cégep.» 

Le livre «Bienvenue dans la machine» est un véritable plaidoyer en faveur d’une école sans écrans.

L’essai des deux professeurs est un véritable plaidoyer en faveur d’une école sans machines. 

«Nous avons besoin de renouer des relations concrètes avec les autres et avec le vivant», écrivent-ils. 

«Et pour ce faire, m’explique M. Mussi, il faut interdire les cellulaires dans les classes: ils nuisent énormément à la concentration. C’est quand même étonnant que le Québec, contrairement à d’autres États dans le monde, n’impose aucune limitation aux cellulaires!»

Le professeur insiste : «Il ne faut pas non plus avoir peur d’interdire les ordinateurs et les tablettes: il est prouvé que la prise de notes à l’aide d’un papier et d’un crayon favorise davantage l’apprentissage que les notes prises à l’aide d’un ordinateur.» 

Comment leur essai a-t-il été accueilli? «Nous avons étonnamment reçu de bons commentaires de la part de chroniqueurs aux positions politiques diamétralement opposées. Ceux qui nous ont critiqués nous ont traités de technophobes, mais ils apportent très peu de données pour montrer les bénéfices d’une école branchée. Savons-nous vraiment à quoi servent toutes ces machines qui envahissent l’école et quels intérêts elles servent en définitive? Nous répondons qu’elles servent les intérêts des géants du numérique, mais qu’elles ne servent malheureusement pas le bien commun!»    



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