Pour célébrer le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, l’organisme Concertation femme publie L’hymne d’une rivière inconnue, un recueil de textes qui met en évidence le deuil migratoire de jeunes filles d’Ahuntsic-Cartierville.
Le livret est accompagné d’une série d’affiches avec textes et dessins qui circulent à Ahuntsic-Cartierville et ailleurs à Montréal.
«Nous avons actuellement des expositions dans 13 lieux différents. Le 18 mars, il y aura le vernissage à l’école Regina Assumpta», souligne Maysoun Faouri, directrice de Concertation femme, en entrevue avec le Journal des voisins (JDV).
Établissements scolaires, bibliothèques, maison de jeunes, l’exposition est demandée un peu partout.
«Il y a une école de Saint-Léonard qui vient de nous contacter et une autre à Montréal-Nord nous demande aussi l’exposition», avise Mme Faouri.
Ces textes et dessins sont le fruit d’un travail mené l’été avec des jeunes filles, élèves des écoles secondaires La Dauversière et Évangéline, qui fréquentent l’organisme durant huit semaines.
Elles y sont pour des activités artistiques ou de loisirs, toutefois, Concertation femme ne se contente pas d’occuper des jeunes durant leurs vacances.
«Quand on veut parler de deuil, finir avec les sentiments de déchirement entre le pays d’origine et le Québec, ne pas être tout le temps là-bas [mentalement], c’est chercher un certain équilibre», souligne la directrice de l’organisme.
Toute une équipe
Pour y arriver, les jeunes filles ont la possibilité de parler à une psychologue dans le cadre de ces activités. L’organisme a recruté Ghayda Hassan pour aider les participantes à exprimer ce qu’elles ressentent.
«Elle est venue rencontrer les filles durant l’été pour leur parler et les aider à exprimer et vivre leurs émotions», souligne Mme Faouri.
Mme Hassan a organisé avec elles ce qui est appelé la marche des privilèges. Un exercice ludique pour prendre conscience de leurs points forts et de ce qu’elles ont accompli.
«Les filles ont beaucoup apprécié cela avec Ghayda», relève Mme Faouri.
Mme Hassan est psychologue clinicienne et professeure au département de psychologie de l’UQAM. Elle est notamment cotitulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents.
La directrice de Concertation femme a fait également appel à Claude Gravel, professeur d’histoire à la retraite, mais aussi conteur capable d’explorer le passé du Québec de manière plus intéressante qu’un cours d’histoire.
L’écrivain Karim Akouche a organisé quant à lui les ateliers d’écriture qui ont permis aux jeunes filles de pourvoir mettre en mots ce qu’elles ressentent et ce qu’elles vivent.
Avec l’Aide de Raluca Mihaela Muraru, les participantes ont réussi à mettre en dessins ce qu’elles ont exprimé par les textes.
Semer des mots
L’exercice permet aux jeunes de prendre conscience du lieu où elles habitent, de son histoire, de ses valeurs sans renier ou ignorer leurs propres origines.
Je suis ici et ailleurs, entre mon passé et mon futur. À la recherche d’une île où déposer mon âme, écrit Soumaya.
Je me souviens. Tel un saumon, je porte en moi les souvenirs indélébiles de mes racines. Je me souviens. Pourtant, je monte sur un navire, je sillonne terre et mer en quête de nouveaux horizons. J’ai le monde à bout de bras , évoque Yasmine.
Le recueil tire son titre d’un texte de Ciline.
Ce matin, je suis une rivière
Je cours, je vole tel un huron
j’abreuve de ma rosée au nectar de lys et de rose
les oliviers si doux et amers d’hiver.
Concertation femme en est à son cinquième recueil du genre. Les précédents ont abordé le dialogue entre les générations, la violence conjugale et intrafamiliale, les relations amoureuses chez les ados ou encore le déracinement et la perte des origines.
L’exercice, tout en subtilité, est un moyen offert pour ces quelques jeunes de matérialiser des émotions et des idées et voir aussi leurs créations prendre vie sous forme de livret et d’une exposition. C’est une valorisation assez exceptionnelle pour des gens qui n’en demandaient pas tant.
«Il y avait une jeune fille dont le père est originaire de l’Ouzbékistan et sa mère canadienne. Le père, après avoir vu l’effet des rencontres sur sa fille, est venu nous faire un don de 200 $ comme pour nous dire que c’est la première fois que sa fille de 15 ans aime participer à une activité et se sent transformée», raconte Mme Faouri.
Le projet qui est financé ces deux dernières années par le ministère de l’Immigration est assuré d’une nouvelle édition l’année prochaine.
Mme Faouri cherche des financements pour poursuivre l’expérience.
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