Le remplacement des fenêtres de l’aile arrière de la prison de Bordeaux est-il fait pour respecter le caractère patrimonial de l’édifice? (Crédit-photo: jdv J. Marquis)

Dans le Grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal, le Centre de détention de Montréal, plus connu sous le nom de Prison de Bordeaux, situé dans l’arrondissement, est étiqueté sous la mention «immeuble de valeur patrimoniale exceptionnelle». Dans ce cas, s’interrogent quelques citoyens des environs, comment se fait-il que l’administration de l’établissement ou le ministère de la Sécurité publique du Québec ait récemment fait procéder au remplacement des fenêtres sur l’aile arrière, par des fenêtres différentes de celles qui s’y trouvaient, notamment par la couleur, ce qui jure un peu dans le paysage.

 «J’habite derrière la prison de Bordeaux. Cette prison fait partie de notre patrimoine urbain… en prenant mon café ce matin, je remarque que de nouvelles fenêtres blanches ou grillages blancs se font installer sur l’aile l’arrière. Ce n’est pas beau, aucun soucis d’esthétisme, aucun respect de l’architecture et de la vue d’ensemble. Pourquoi ne sont-elles pas noires?», nous a écrit l’un d’entre eux.

Certaines règles ne devraient-elles pas s’appliquer pour le remplacement de pièces de l’édifice (comme les fenêtres par exemple) ou, plus largement, la rénovation à plus grande échelle?

Une action qui interpelle

À Héritage Montréal, on estime que le bâtiment fait partie du patrimoine immobilier de Montréal et de l’arrondissement à cause de son intérêt architectural. Par conséquent, certaines règles devraient normalement s’appliquer à sa rénovation.

«Il s’agit, en effet, d’un bâtiment exceptionnel par son architecture, signée de J-Omer Marchand, montréalais et premier canadien français diplômé de l’École des beaux-arts de Paris. Il témoigne notamment d’une époque où la construction d’un édifice public – même une prison – se donnait le devoir de créer un patrimoine digne de notre société. Un bâtiment de cette qualité de propriété gouvernementale doit être l’objet de travaux exemplaires qui respectent sa valeur patrimoniale, notamment son architecture. Il s’agit d’un devoir d’exemplarité alors que le gouvernement par ses lois se donne le droit d’exiger que les propriétaires privés respectent le patrimoine», explique Mélinda Wolstenholme, porte-parole d’Héritage Montréal.

Selon Mme Wolstenholme, il est légitime pour les résidants qui ont fait état du remplacement des fenêtres de se demander si le tout est fait dans les règles.

«L’image prise par les citoyens pose de sérieuses questions sur les choix de fenêtres faits par les gestionnaires et les responsables gouvernementaux des travaux. On est en droit de demander des explications», insiste la porte-parole d’Héritage Montréal.

De façon plus générale, Mélinda Wolstenholme souligne que, même à l’heure actuelle, la conservation du patrimoine est mal assurée au Québec.

«Malgré ces principes élémentaires, les demandes répétées depuis au moins 30 ans et les consultations menées par plusieurs ministres de la Culture dont Lise Bacon, Liza Frulla, Agnès Maltais, Christine Saint-Pierre et Luc Fortin, le Québec n’a toujours pas de politique du patrimoine pour donner de l’excellence et de la cohérence à son action dans le domaine», affirme-t-elle.

Patrimoine: ce qui est visible de la voie publique

Du côté du Ministère de la Sécurité publique, journaldesvoisins.com a voulu savoir si l’établissement avait des règles à suivre en matière de rénovation, étant donné que le bâtiment était considéré comme un bâtiment patrimonial exceptionnel par la Ville de Montréal.

En outre, votre média voulait également connaître le budget dévolu à la rénovation du bâtiment existant.

Au moment de mettre en ligne, nous attendions toujours une réponse de la Sécurité publique, bien que nous ayons reçu un accusé-réception à notre demande par courriel en début de semaine.

⌈Mise à jour 2018-03-02, 15 h 16⌋: 

Selon la porte-parole du Ministère de la Sécurité publique, Louise Quintin, aucune fenêtre n’a été remplacée.

«Les travaux en cours visaient à changer le grillage de protection (acier rouillé pour acier galvanisé) et ce pour des raisons de sécurité.»

Toutefois, ces nouveaux grillage sont sans conteste blancs. À cela, Mme Quintin précise:

«Seules les interventions qui touchent les façades principales de l’immeuble, visibles de la voie publique, sont assujetties au CCU (comité consultatif d’urbanisme) pour approbation et recommandation, ce qui n’est pas le cas pour les travaux actuels. De plus, le Comité consultatif d’urbanisme de la ville de Montréal a été consulté au sujet de ces travaux.»

Vérification faite par journaldesvoisins.com, ces changements sont visibles de la voie publique (du boulevard Gouin, à la hauteur de la rue Tanguay), pour peu qu’on y prête attention.

En ce qui a trait au budget dévolu pour rénovations au Centre de détention de Montréal, nous n’avons pas eu de réponse.

Il y a près d’une dizaine d’années, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Jacques P. Dupuis, avait annoncé  lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale, un ajout de 50 millions de dollars pour la rénovation de la prison de Bordeaux. Mais du même souffle, il faisait allusion au nombre de places qui allait être augmenté au 1er juillet de l’année 2009, et non pas à des travaux de rénovation patrimoniale.

Même le grand cinéaste y a tourné…

Au sujet des particularités architecturales de la Prison de Bordeaux, voici ce qu’en disait notre collaborateur Samuel D-Foisy dans sa chronique Page d’histoire, en août 2013:

«Sa construction, qui a débuté en 1907, s’est terminée en 1912, à la suite de nombreux retards et d’importants dépassements de coûts. Son style architectural, dit pennsylvanien, car inspiré par l’Eastern State  Penitentiary de Philadelphie, construit en 1829, a été choisi par le gouverneur de la prison, Charles-Amédée Vallée. (…) D’ailleurs, sa façade apparaît dans une scène du chef-d’œuvre de Sergio Leone, Once Upon a Time in America, réalisé en 1984.»

De juridiction provinciale, la Prison de Bordeaux a été conçue par le même architecte que l’école de la Visitation dans le Sault-au-Récollet, Jean-Omer Marchand.

Sur le site de l’arrondissement, au chapitre des « Circuits culturels », on peut lire au sujet du bâtiment:

«Ce grandiose édifice de pierre et d’acier, érigé selon les principes du style Beaux-Arts, est remarquable pour son corps central qui est surmonté d’un dôme imposant et qui se prolonge en six ailes distinctes, formant ainsi une configuration d’étoile hexagonale. À l’époque, on aurait reproché au gouvernement d’avoir construit un véritable château. Cette critique visait surtout à dénoncer les quelque trois millions de dollars dépensés pour les travaux, un montant qui représentait une somme colossale au début du XXe siècle.»

(Crédit-photo: jdv J. Marquis)



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