Mélanie Chartrand et Vanessa Lemire dans la cuisine de l’école Félix-Antoine. Photo : Amine Esseghir / JDV

L’école Félix-Antoine reçoit les élèves adultes que plus aucun établissement ne veut accueillir. Elle risque de fermer après la fin de l’année scolaire si elle ne trouve pas de financement pour se relocaliser.

L’école de la dernière chance, qui célèbre bientôt ses trente ans d’existence, cherche les moyens financiers pour poursuivre sa mission.

Actuellement, une soixantaine d’élèves, notamment des adultes ayant abandonné leurs études depuis longtemps, tentent d’obtenir leur diplôme d’études secondaires (DES) dans les locaux situés à l’angle du boulevard Henri-Bourassa et de la rue Chambord, à Ahuntsic.

C’est une ancienne école. Le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) veut la récupérer pour y installer des classes d’appoint. « Cet immeuble excédentaire servira à répondre à nos besoins de scolarisation. Nous reprenons l’immeuble à usage transitoire pour permettre la réhabilitation du parc immobilier. Il pourrait ainsi accueillir les élèves et le personnel lors d’une délocalisation en raison de travaux à effectuer dans une école », indique Alain Perron, responsable des relations de presse du CSSDM. On pense au chantier de Sophie-Barat, mais le CSSDM ne précise pas quel établissement aurait précisément besoin de ces espaces.

La direction de l’école Félix-Antoine ne s’oppose pas à la reprise du bâtiment. Le plus urgent est de trouver le financement nécessaire pour se relocaliser.

En quête d’argent

Une collecte de dons a été lancée sur La Ruche, mais ce n’est pas suffisant. Il faut trouver une nouvelle bâtisse où s’installer, et aussi de l’argent pour le loyer. « Et de l’argent pour le déménagement, relève Mélanie Chartrand, intervenante sociale. Il y a une douzaine d’années, quand on a déménagé ici, on parlait, je crois, de 10 000 $ ou 12 000 $. » La direction s’attend à une facture de 25 000 $.

Comme un problème ne vient souvent pas seul, l’école doit également renouveler son permis cette année. Cela passe par des exigences de superficies et d’agencement. Trouver des locaux avec la même surface au même prix est quasiment impossible. « Nous avons à peu près 510 mètres carrés [5500 pieds carrés]. On se rend compte qu’on ne payait pas trop cher, finalement », sourit Vanessa Lemire, la directrice de l’école.

Avec un budget similaire, elle est convaincue qu’il faudra réduire ses ambitions, s’organiser autrement et croiser les doigts pour que l’école passe le test des exigences réglementaires. On ne peut pas aménager une école dans n’importe quel sous-sol ou garage. Une fois passée cette étape, il faudra assurer à l’établissement la pérennité financière indispensable pour poursuivre son activité.

Ce n’est pas la première année que l’école sollicite des dons et des aides pour payer les salaires et les charges. Mais elle avait un bâtiment. « On ne demande pas grand-chose. On ne veut pas grossir. La clé de notre succès est modeste. Nous avons en fait besoin de 500 000 $ par année », indique Mme Lemire.

Légalité

Depuis sa création, l’école se bat pour maintenir les financements, notamment gouvernementaux. Alors que les élèves payent ce qu’ils peuvent, l’établissement se définit comme école privée.

Cela reste un OBNL, quasiment de charité. Grâce à un accord avec Moisson Montréal, l’école assure aussi le rôle de banque alimentaire pour des élèves qui font face à de nombreux défis. « On a toujours eu des problèmes. Ça fait quand même 20 ans que je suis ici, remarque Mme Chartrand. J’ai été longtemps bénévole. Le financement que l’on reçoit vient de l’enveloppe dite de “soutien aux partenaires en éducation”. Ce sont vraiment les organismes communautaires qui en font la demande. »

Les sommes en question peuvent sauver la situation quand les locaux sont assurés, mais, dans les conditions actuelles, il faudra convaincre un propriétaire que l’école aura les moyens de se financer. « Nous avons toujours payé notre loyer à temps », ajoute Vanessa Lemire. Un gage de sérieux auquel serait sensible un propriétaire.

Des fragilités à conjuguer

La vulnérabilité de l’école Felix-Antoine se conjugue à la délicatesse de la situation de ses élèves. Ceux qui fréquentent ses cours nécessitent un soutien personnalisé. « Pensez, par exemple, à ce garçon reclus depuis huit ou dix ans dans son sous-sol, et qu’un intervenant qui connaissait l’école nous a amené après l’avoir rencontré », explique Mélanie Chartrand.

Ce jeune est extrait d’un milieu qui soulageait ses troubles anxieux et d’autres problèmes, et il n’aurait jamais pu aller dans une école ordinaire. « Parce qu’il n’est pas capable d’arriver à l’heure ; ça fait dix ans qu’il se lève à l’heure qu’il veut », relève celle qui a suivi les cours de cette école avant d’y travailler.

Au-delà de l’enseignement, l’école offre une rééducation à la vie normale, une réadaptation sociale. Vanessa ajoute : « On ne fait pas que donner une structure scolaire à cette personne. Éventuellement, nous lui donnerons la possibilité d’aller travailler. »

« Le gouvernement reconnaît que nous faisons un travail formidable ; il ne veut pas qu’on meure. Mais personne ne prend de décision. Pour le ministère de l’Éducation, il n’y a pas d’enveloppe budgétaire allouée à ce que nous sommes. Il faudrait changer la loi. Mais personne n’est prêt à changer la loi, pour nous », plaide Vanessa Lemire.

Cet article est paru dans la version papier du JDV d’avril 2025.



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