Des études publiées en 2016, 2017 et 2018 confirment que le risque des commotions cérébrales durant un sport de contact comme le football fait craindre ce sport par les jeunes et leurs familles. Ici même, dans nos quartiers, la crainte des commotions cérébrales au football a jeté une douche froide sur plusieurs équipes étudiantes. Certaines écoles ont réduit le nombre d’équipes, tandis que d’autres peinent à payer pour les nouvelles réglementations de sécurité mises en place par le gouvernement depuis la mise sur pied d’un groupe de travail en 2015.
La tradition du football était bien ancrée au Collège Mont-Saint-Louis. Les listes d’inscription se remplissaient rapidement et les jeunes de sixième année qui étaient acceptés pour l’automne participaient même à la session d’entraînement du printemps. Et pourtant, cette année, il n’y aura qu’une équipe de football.
En 2015, certains parents du collège ont commencé à poser des questions sur les commotions cérébrales au football, un sujet qui a été grandement médiatisé. Que faisait leur école pour assurer la sécurité de leurs enfants sur le terrain?
« On leur dit que tout est bien encadré, mais je ne peux pas dire « votre enfant n’aura pas de commotion cérébrale, tout comme il ne se cassera pas une jambe ». C’est un sport de contact », dit Dominique Delhaes, directrice de la vie étudiante et des affaires corporatives, au Collège Mont-Saint-Louis.
Mme Delhaes et l’entraîneur de l’équipe ont alors suivi une formation sur les commotions cérébrales, puis ont établi un protocole de gestion des commotions, basé sur les recommandations de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Des physiothérapeutes sont maintenant toujours présents lors des matchs et des entraînements et le retour au jeu et en classe se fait selon des règles très strictes.
« C’est le physiothérapeute qui décide quand un enfant peut retourner à l’école ou au jeu – pas l’école, ni les entraîneurs, ni les parents ».
Après avoir sondé les parents et remarqué une réticence de leur part à inscrire leurs jeunes au football, le Collège Mont-Saint-Louis a décidé de ne plus offrir le football en première secondaire. L’équipe Atome a été fermée en 2015. Ils ont plutôt offert du flag football aux jeunes. 29 garçons se sont inscrits la première année, presque autant d’inscriptions que lorsqu’on offrait du football.
Puis, l’école a décidé de ne plus offrir l’équipe Cadet en 2016.
« On aura qu’une équipe composée de 3e, 4e et 5e secondaires. On se base sur ce qui se fait aux États-Unis – qu’un enfant ne devrait pas jouer au football avant l’âge de 14 ans », précise Mme Delhaes.
Protocoles de gestion coûteux
Au Collège Ahuntsic, le nombre de joueurs n’est pas en baisse, mais l’école a implanté un protocole de gestion des commotions très strict, explique le directeur adjoint au Service des affaires étudiantes, Christian Moisan.
Les deux écoles n’ont donc pas attendu les nouvelles directives du gouvernement du Québec en la matière.
Très bientôt, toutes les écoles qui offriront du football devront prouver que les jeunes sont très bien encadrés pour éviter des blessures majeures.
L’équipe du Collège Ahuntsic compte toujours sur deux physiothérapeutes durant les matchs et pendant les entraînements. L’école a également ajouté 15 détecteurs de commotions cérébrales dans les casques des joueurs.
« Le physio peut voir immédiatement sur l’ordinateur quand un joueur reçoit un coup », dit M. Moisan.
Le collège a aussi établi un partenariat avec la clinique du Complexe sportif Claude-Robillard.
Mais ces nouvelles mesures sont très onéreuses.
« On impose de nouvelles règles, mais on ne donne pas d’argent aux écoles pour les implanter », déplore M. Moisan.
Avec les nouvelles directives du ministère de l’Éducation, certaines écoles publiques ne seront peut-être pas en mesure de payer pour mettre en oeuvre les nouvelles réglementations, craignent M. Moisan et Mme Delhaes.
D’ailleurs, au Collège Ahuntsic, certaines disciplines sportives, comme le volleyball masculin, le badminton et le flag football, ont été supprimées en 2016, en raison d’importantes compressions budgétaires et de l’augmentation des coûts pour certains sports, comme le football.
Des effets qui font peur
Souvent, ce n’est pas la première commotion qui cause le plus de dommages, c’est la deuxième ou la troisième. Et cela, deux étudiants ahuntsicois l’ont appris à leurs dépens.
Après avoir joué pendant quatre ans au Collège Regina Assumpta et avec les Spartans de Saint-Laurent, Sergio Chiraz se prépare à jouer avec l’équipe de l’Université McGill. Il a subi une commotion lors de la dernière session.
« Je ne pensais pas que c’était une commotion. Le lendemain, alors qu’on regardait la vidéo du match avec les coachs, je n’étais pas capable de regarder l’écran sans avoir mal à la tête. C’est à ce moment-là que j’ai compris ce qui m’était arrivé ».
Il n’a pas rejoué de la saison et a manqué presque la moitié de sa session scolaire.
« Chaque jour, j’espérais que ça irait mieux. »
Chaque fois qu’il pensait aller mieux, ses symptômes réapparaissaient.
« J’ai passé sept semaines dans le noir dans mon appartement. »
Il était sensible à la lumière et au bruit et avait des nausées.
Craint-il de revivre un tel épisode? Non, dit Sergio Chiraz, qui estime que les commotions « font partie du sport».
« Être à la mauvaise place au mauvais moment, ça peut arriver à n’importe qui », dit-il, tout en ajoutant que ses études seront toujours la priorité.
En 2015. l’un des joueurs au Collège Ahuntsic a subi une commotion et n’a pas écouté les conseils des physios; il n’a pas arrêté toutes activités afin de permettre un rétablissement complet.
« Résultat? Au lieu de perdre trois ou quatre semaines, il a perdu toute sa saison. Cette année, il a bien compris que les commotions doivent être prises au sérieux », dit M. Moisan.
Finissant du Collège André-Grasset en 2016, Adam Masmoudi a joué au secondaire pendant cinq ans. Il a subi au moins trois commotions cérébrales.
« Sur le coup, tu veux vraiment continuer de jouer. J’ai déjà menti (à propos de la sévérité du coup reçu). Je le regrette aujourd’hui », dit-il.
Il s’est remis assez rapidement de ses deux premières commotions. La troisième a été plus difficile : « en classe, j’étais perdu, j’étais dans la lune, je ne pouvais pas me concentrer. »
Malgré ces épisodes, il dit surtout avoir compris la dangerosité des commotions cérébrales lorsque son frère a dû quitter l’école après avoir subi une importante commotion.
« Ses symptômes ont duré six mois. Les effets secondaires ont été très durs. Ça a complètement bouleversé la vie de tous les membres de ma famille. »
Adam Masmoudi est devenu arbitre au flag football. Il a remarqué que plusieurs personnes avec qui il a joué au football optent désormais pour le flag football en raison des dangers moindres de commotions.
Par contre, Adam et Sergio affirment que les athlètes et les entraîneurs sont de plus en plus conscients des dangers des commotions.
« La mentalité a beaucoup changé », dit Sergio Chiraz.
Et les autres sports?
La sécurité au football est sur toutes les lèvres, mais Mme Delhaes et M. Moisan précisent que les commotions peuvent se produire aussi souvent, sinon plus, dans certains sports, comme le soccer.
M. Moisan ajoute que certains joueurs de soccer ont commencé à porter des bandeaux protecteurs, mais ce souci n’est pas ancré dans la culture de ce sport.
« Plusieurs n’osent pas, de peur de mal paraître ».
En septembre 2017, soit deux ans après la mise sur pied d’un groupe de travail par le Gouvernement du Québec sur la question, le journaliste Michel Marois signait un article très pertinent sur le sujet dans La Presse+; on peut le lire ici.
Cet article a été publié dans le mag papier de septembre 2016 et mis à jour par Christiane Dupont en août 2018.
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