Bague de Jésuite Fort-Lorette
Une première bague Jésuite découverte à Fort-Lorette. Photo : JDV / Amine Esseghir

Les premières découvertes de la dernière campagne de fouilles sur le site de Fort-Lorette sont très prometteuses. Cependant, les archéologues ont encore du travail avant de pouvoir avancer de nouvelles hypothèses, notamment sur l’orientation du fort et la vie qui s’y déroulait à la fin du 17e siècle.

La fouille, initialement prévue pour trois semaines, a bénéficié de quelques jours supplémentaires et devrait se terminer le 27 septembre. Ce délai en plus a été bien accueilli par Justine Bourguignon-Tétreault, responsable des recherches et archéologue chez Arkeos. La découverte d’artefacts uniques pour ce site lui a certainement donné le sourire également.

«Nous avons trouvé notre première bague dite “jésuite”. Cela fait partie des objets qui étaient échangés ou donnés en guise de souvenirs, un peu comme quand on visite un lieu saint et qu’on nous offre un chapelet», explique-t-elle.

Les bagues étaient distribuées dans les communautés par les religieux au début de leurs missions. Plutôt que d’être considérées comme des objets rituels, elles étaient vues comme des ornements ou des parures.

Fort-Lorette Justine Bourguignon-Tétreault et Émilie Desrosiers, archéologue à la Ville de Montréal
Justine Bourguignon-Tétreault archéologue chez Arkeos, à droite, en compagnie d’Émilie Desrosiers, archéologue à la Ville au-dessus des vestiges d’une cheminée découverte sur le site de Fort-Lorette. Photo: JDV / Amine Esseghir.

«C’est une belle bague, en cuivre, et [les Autochtones] en portaient souvent. Il en existe de toutes sortes, avec des symboles gravés, souvent en lien avec la religion catholique. Celle que nous avons trouvée présente un décor que nous n’avions jamais vu auparavant», souligne Mme Bourguignon-Tétreault.

L’objet sera montré à des spécialistes des bagues anciennes pour vérifier s’ils en ont déjà vu avec un motif similaire.

Objets et relations

«Cette année, nous avons également découvert d’autres petits cônes clinquants, en cuivre. Ils étaient utilisés pour orner les vêtements, les accessoires ou les cheveux et faisaient un léger bruit de clochette quand on les bougeait. Ils en mettaient beaucoup sur les habits», ajoute la chercheuse.

Ces objets, bien que simples, illustrent l’appropriation des matériaux et leur usage par les membres des Premières Nations vivant près du fort.

Petit cône en cuivre découvert à Fort-Lorette. Photo: JDV / Amine Esseghir
Petit cône en cuivre découvert à Fort-Lorette. Photo: JDV / Amine Esseghir

«Ce sont de petits objets que nous aimons retrouver, car ils témoignent d’une période culturelle spécifique. Cette année, nous en avons trouvé trois nouveaux, ce qui porte à quatre ou six le nombre de cônes retrouvés sur le site de Fort-Lorette [depuis les premières fouilles].»

Les cônes étaient fabriqués à partir des parois de chaudrons en cuivre. Les gens découpaient des petits trapèzes qu’ils roulaient pour en faire des clochettes.

«On pouvait en faire beaucoup avec un chaudron. Les Autochtones préféraient utiliser leurs contenants traditionnels [pour faire la cuisine]», estime-t-elle.

Le site a également révélé quelques petits objets en os travaillés, des fragments de peignes ainsi que des perles.

Que mangeait-on?

Les ossements d’animaux fournissent des informations sur le régime alimentaire des habitants.

«Ce qui est intéressant, c’est que nous avons dans l’équipe un zooarchéologue spécialisé dans l’identification des restes d’animaux. Il peut donc déterminer le régime alimentaire des habitants du fort», précise la spécialiste.

La chasse et la pêche étaient pratiquées pour se nourrir dans la région. Les chercheurs ont découvert des ossements de castors, de rats musqués, de renards et même d’ours. La présence des missionnaires européens a toutefois introduit des animaux d’élevage tels que des cochons, des bovins, des moutons et des poules.

«On voit ici la rencontre de deux mondes culturels : le monde autochtone et le monde européen, ce dernier ayant introduit l’élevage», explique-t-elle.

Fouiller pour savoir

Au-delà des objets et des restes, la prolongation des fouilles permet de creuser plus longtemps et de mieux comprendre le site.

«Il est rare que nous puissions mener une intervention vraiment planifiée pour la recherche, en ciblant des connaissances spécifiques, sans être pressés par un projet de construction», observe Mme Bourguignon-Tétreault.

Souvent, les fouilles archéologiques, en milieu urbain, visent à préserver des vestiges menacés par un chantier.

«La bonne nouvelle ici, c’est qu’il s’agit d’un projet de la Ville. Nous sommes mandatés par elle sur un terrain qui lui appartient, ce qui nous donne une certaine liberté et une marge de manœuvre quant à l’organisation des travaux», souligne-t-elle.

Cette latitude a, par exemple, permis de mener les recherches de manière stratégique, comme elle le souligne.

«Nous nous sommes aperçus, en analysant nos données, que certaines zones du site étaient plus stratégiques, là où nous avions obtenu les meilleurs résultats. C’était un peu comme un filon, il restait encore beaucoup à découvrir», illustre l’archéologue.

Cela a permis de mettre en lumière des vestiges et des objets intéressants rapidement.

Est-ce que cette fouille sera la dernière ? Rien ne permet de l’affirmer pour l’instant.
Le site est destiné à devenir un parc avec des installations d’interprétation. La Ville prévoit de l’aménager de manière à le rendre accessible aux visiteurs, en tenant compte des recommandations des chercheurs.

«À la fin de cette intervention, après l’analyse des données et les recommandations qui en découleront, nous déciderons s’il est nécessaire de poursuivre avec une ou deux nouvelles interventions, ou si nous avons suffisamment de données pour le moment», commente Émilie Desrosiers, archéologue à la Ville de Montréal.

Un rapport sur les fouilles actuelles devrait être publié d’ici un an, apportant plus de détails sur l’avenir du site de Fort-Lorette.



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