Gilbert Goyer dans sa boutique Autos-suggestions à Ahuntsic-Cartierville
Gilbert Goyer dans sa boutique Autos-suggestions à Ahuntsic-Cartierville contenant plus de 3 000 modèles de voitures miniatures. (Photo : François Robert-Durand)

Résidant d’Ahuntsic-Cartierville, Gilbert Goyer a fondé Autos-suggestions, le seul magasin spécialisé en achat, vente et échange de voitures miniatures sur l’île de Montréal.

Il a ouvert sa boutique dans la rue Sauvé Est, à quelques mètres de la station de métro. Au fil de notre discussion, on apprend que les petites voitures renferment de très grandes histoires.

Journaldesvoisins.com (JDV) : Cela fait combien de temps que vous avez ouvert ici?

Gilbert Goyer : Autos-suggestions existe depuis 2009. Je suis ici depuis six ans, après avoir été sept ans un petit peu plus au nord, rue Salaberry, mais toujours dans le quartier. J’habite à Cartierville depuis 36 ans. C’est ici que j’ai élevé mes enfants.

Pourquoi vendre des petites voitures?

Je suis ingénieur chimiste de formation. Après avoir travaillé 30 ans dans l’industrie pharmaceutique arrive une restructuration. Mon poste est aboli. J’avais ce projet-là pour ma retraite, mais pas à 45 ans. J’ai réfléchi pendant 24 h et j’ai décidé de prendre le package [indemnités de licenciement]. Cela m’a donné les moyens de me lancer en affaires.

Êtes-vous vous-même collectionneur? Sinon ça ne marcherait pas!

J’avais la passion des automobiles, oui, mais je n’étais pas collectionneur. Je ne suis pas le genre à avoir gardé mes petites Matchbox d’enfance. C’est un peu ma femme qui a déclenché cette passion. On n’était pas encore mariés et elle était passée devant une boutique de J. A. Merette, dans Villeray, où elle a vu ces belles voitures à l’échelle 1/18e (la plus grosse). Elle m’en a offert une. C’était une Jaguar MK VI grise. C’est là que j’ai attrapé le virus. 

Pourquoi sommes-nous attirés par les modèles réduits, souvent sans être collectionneurs? 

Je crois que ça éveille beaucoup de souvenirs. J’ai un collectionneur qui a 88 ans et il a toujours cette passion, cette petite étincelle dans les yeux. Je me suis dit à moi-même, et mon gars aussi me l’a répété : « J’espère que rendu à cet âge-là j’aurais la santé et la capacité de toujours pouvoir avoir ce plaisir-là. »

J’ai aussi un client qui venait assez régulièrement, dont le père est en résidence, souffrant d’Alzheimer. Il m’a confié que quand il lui a acheté une auto de collection, un modèle des années 1950, ça l’a comme éveillé. C’est une de ces choses enfouies qui est remontée à la surface et leur a permis de parler voitures. Cela a créé un sujet de discussion qu’ils n’auraient peut-être pas pu entretenir. Donc, à chaque occasion qu’il a de voir son père, il vient ici pour choisir une voiture. Il m’évoque tel ou tel modèle et on essaie d’en trouver une qui s’en rapproche le plus.

Face à un proche qui a perdu ses capacités, on a envie de retrouver quelque chose qui nous rattache à cette personne, à l’époque où on l’a connue alors qu’elle était en bonne santé. Dans ce cas, les voitures constituent un point d’ancrage.

En dehors des collectionneurs, qui achète ces voitures? On peut imaginer des gens qui font des cadeaux d’anniversaire.

Oui, j’ai des clients comme ça, qui vont venir chercher une voiture pour un cadeau. J’ai eu le cas de gens qui en voulaient une pour des funérailles; le défunt, qui s’était suicidé, était amateur de Jeep. Ça m’a beaucoup touché. Quand la personne m’a raconté tout ça, j’ai répondu que je ferais tout ce que je peux pour obtenir le modèle recherché. J’ai été chanceux de le trouver.

Souvent, on a l’impression que ces petites voitures sont juste des jouets. Quelle est la différence entre un jouet et une pièce de collection?

Cela dépend de l’éducation qu’on reçoit. Mon fils me voyait collectionner. Le dimanche matin, on sortait une voiture du présentoir, puis je lui montrais. À quatre, cinq ou six ans, il comprenait que ce n’était pas fait pour jouer. Ensuite, on lui achetait une voiture chez Toys“R”Us pour jouer et il ne voulait pas la déballer!

J’entends souvent des clients me dire : « Je vais acheter un cadeau à un enfant ». Là, je demande son âge et le but de la transaction. Car ces voitures ne sont pas très robustes. Il faut faire attention, parce qu’il y a les rétroviseurs, les essuie-glaces, les antennes. Ça se casse vite.

Sinon, je dirais qu’à huit, neuf ou dix ans, les jeunes commencent à comprendre. J’ai même de jeunes collectionneurs…

Il y a aussi la valeur des voitures de collection. D’où cela vient-il? 

D’abord, la rareté. Mais il faut faire le tri entre les valeurs financière, sentimentale et autre. Les clients se demandent si leurs voitures prendront de la valeur, surtout les nouveaux collectionneurs, parce qu’ils croient faire un investissement. Je leur rétorque qu’il ne faut pas collectionner en pensant pouvoir spéculer, comme on le fait avec les cartes de sport, les timbres ou la monnaie. Si la voiture prend de la valeur, tant mieux. Mais pour 100 voitures, il y en a peut-être une qui va éventuellement valoir cher, surtout les éditions limitées ou les modèles très populaires.

Et puis, la voiture vaudra ce que le collectionneur est disposé à payer. Et, souvent, le montant n’a pas d’importance. Par exemple, j’ai déjà refusé 600 $ pour une boîte vide. Le collectionneur qui m’offrait cette somme avait une voiture très rare, qui valait environ 2 000 $, mais pas la boîte. Il voulait donc me l’acheter. J’avais aussi cette voiture et sa boîte. Je me serais retrouvé avec l’objet sans son emballage. J’ai préféré garder la boîte plutôt que de gagner 600 $.

Qui sont les collectionneurs? 

J’ai été commanditaire jusqu’à l’an dernier pour le magazine L’auto ancienne, du club Voitures anciennes du Québec. On m’avait offert de publier un petit article sur les modèles réduits pour chacune de ses publications mensuelles. On avait écrit un texte, mon garçon et moi, sur la psychologie des collectionneurs. On avait défini cinq ou six types. Je me classe donc dans la catégorie des collectionneurs quasiment impulsifs. Quand j’ai les moyens et que la voiture me plaît, je l’achète. Ma collection est hétéroclite.

Il y a les collectionneurs qui vont hésiter beaucoup. Genre « Gilbert, qu’est-ce que tu ferais à ma place? ». Je leur dis toujours, ironiquement, de faire attention de ne pas faire partie du club des « j’aurais donc dû ».

D’autre part, il y a des collectionneurs avec des thématiques particulières. J’aime beaucoup les mini Austin et les mini Cooper : j’en ai presque 1 000 différentes.

D’autres vont se limiter aux Ferrari. Certains vont se donner un thème comme les véhicules de compagnies précises, tels que les camions de Coca-Cola. D’autant plus que ces entreprises ont beaucoup d’objets promotionnels, dont des voitures miniatures. 

Il y a aussi les voitures de films et de séries télé. Rien que pour la franchise des films Fast and Furious (Rapides et dangereux), j’ai plus de 60 modèles à l’échelle 1/48e et 1/24e. C’est un beau thème, parce que ça rapproche les gens.

Ce texte a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier d’octobre 2022, aux pages 20 et 21. 



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