
« C’est une catastrophe », déclare d’emblée Yvan Noé Girouard, directeur général de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ), face au débrayage du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) annoncé le 25 septembre 2025.
Le déclenchement de la grève nationale à Postes Canada va causer un préjudice qui pourrait s’avérer fatal à la survie des médias écrits communautaires. Plus de 95 % de ces médias assurent en effet leur mission par la voie traditionnelle, à savoir l’édition papier.
Otages d’un bras de fer
« Le courrier et les colis ne seront pas traités ni livrés durant la grève nationale, et certains bureaux de poste seront fermés. Les garanties de service sont suspendues pour les articles déjà dans le réseau postal », indique Postes Canada dans la foulée de l’annonce de la grève.
Des composantes de la société canadienne se retrouvent ainsi en otage, et de nombreux citoyens devront attendre la fin de la grève du STTP pour recevoir leurs colis ou leur courrier, inclusion faite de médias écrits communautaires comme le Journal des voisins (JDV), qui se retrouvent malgré eux au cœur de ce bras de fer.
« Nous étions très heureux de l’accord que nous avions conclu avec Postes Canada, précise Isabelle Quentin, directrice du Journal des voisins, parce que, pour la première fois, nous pouvions rejoindre tous les citoyens de l’arrondissement. C’est notre mission d’informer les gens d’Ahuntsic-Cartierville, mais ça fait déjà trois fois que nous sommes obligés de faire livrer le journal par d’autres groupes, et bien que la dernière entreprise à prendre le relais de Postes Canada en situation de grève ait effectué un travail appréciable, elle ne peut faire aussi bien que Postes Canada. »
Ces grèves à répétition privent en effet de nombreux résidents d’informations sur leur environnement immédiat, ce qui est en soi une forme de « discrimination », souligne Mme Quentin. Ce sont environ 20 000 foyers d’Ahuntsic-Cartierville, situés dans de grands immeubles, qui en font les frais, car seuls les agents des services postaux ont une clé spéciale permettant d’ouvrir les boîtes postales de ces complexes d’habitation.

La catastrophe
Plateformes de renforcement du tissu social et d’une démocratie participative, les médias communautaires pourraient mettre la clé sous le paillasson. En effet, cette cessation de service met en péril l’existence, déjà fragile, de l’édition papier des journaux communautaires, des médias dont le modèle économique repose en partie sur leur capacité à entrer dans chaque foyer de la communauté qu’ils desservent.
« C’est une source de grande inquiétude quant à l’avenir de notre journal. Et je sais que nous ne sommes pas le seul journal communautaire pessimiste face à une telle grève, qui pourrait perdurer », écrit, dans une lettre d’humeur, Danielle Goyette, rédactrice en chef au journal L’écho de Compton.
Comment intéresser les opérateurs économiques si vous rejoindre, vous, nos lecteurs, relève du casse-tête ? Où trouver le capital nécessaire pour solliciter la prestation d’un livreur privé ?
La légitimité de ces réflexions et questions réside dans le fait que le Journal des voisins, comme d’autres médias du même genre, est gratuit. Toutefois, comme aime à le rappeler à juste titre Isabelle Quentin, la gratuité a un prix ! En faisant abstraction du coût de l’impression, la distribution du journal par Postes Canada permet d’économiser des milliers de dollars sur l’année.
Le tarif préférentiel de Postes Canada et l’assurance de rejoindre la quasi-totalité des adresses dans l’arrondissement contribuaient non seulement à assurer la poursuite de notre mission, mais aussi à attirer les opérateurs économiques. « Les publicitaires comptent sur le nombre de personnes que nous atteignons », précise la directrice du JDV.
La grève à Postes Canada ébranle donc l’écosystème des médias écrits communautaires. « C’est une catastrophe. C’est une catastrophe, insiste Yvan Noé Girouard. J’ai notamment parlé avec le directeur d’Hebdo Québec, qui est confronté au refus des partenaires économiques de régler la facture, car le journal n’a pas été distribué. »
L’AMECQ suit l’évolution de la crise existentielle qui sévit à Postes Canada, car elle représente pour elle une épée de Damoclès. « J’espère que le cas d’Hebdo Québec ne fera pas boule de neige, car un journal imprimé qui n’est pas distribué constitue une perte », analyse le directeur général de l’association, dont tous les membres se retrouvent au cœur de la tourmente.
Cet article a été publié dans la version papier du JDV du mois d’octobre 2025.
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