La question des taxes municipales ne soulève pas les foules à l’approche de l’élection du 5 novembre même si elle occupe une place importante dans la catégorie «dépense» pour les contribuables ou «payeurs de taxes», pour reprendre un cliché venant de la langue de Shakespeare.
Et il y a peu de débats à ce sujet, si bien que les gens devront s’habituer à des hausses suivant à peu près le taux de l’inflation, qui risque fort bien d’augmenter dans les prochaines années, à l’instar des taux d’intérêt.
Le maire de Montréal, Denis Coderre, qui sollicite un deuxième mandat, s’est récemment engagé à faire un «copier-coller» de ce qu’il a fait depuis quatre ans, soit de limiter les hausses de taxes au taux d’inflation en puisant dans les prévisions du Conference Board.
Mais au cours du mandat du maire sortant, il est arrivé que l’inflation se soit révélée moindre, ce qui fait que les contribuables ont payé «plus que l’inflation».
Pierre Desrochers, conseiller de Saint-Sulpice (il ne se représente pas) et président du comité exécutif de la ville jusqu’en novembre prochain, avait déjà dit au journaldesvoisins.com que les gens acceptaient d’emblée une hausse à ce niveau compte tenu des responsabilités de la Ville.
Pour sa part, Projet Montréal s’est engagé à réduire la taxe dite «de bienvenue». La formation écologique veut baisser le taux pour les familles.
Le troisième parti, Coalition Montréal, suggère pour sa part une baisse des taxes de l’ordre de 10%. Cette annonce n’a pas suscité un grand intérêt.
Et cela a peut-être contribué à la prise de décision de son candidat à la mairie, Jean Fortier, de jeter l’éponge. Il vient d’annoncer qu’il se retire de la course à la mairie (même si son nom apparaitra sur le bulletin de vote) et qu’il donne son appui à la leader de Projet Montréal, Valérie Plante, même s’il la trouvait trop à gauche sur le plan politique, il y a quelques jours à peine.
Il y a quatre ans, M. Fortier (qui fut l’ancien président du comité exécutif de Montréal sous le règne de Pierre Bourque) avait aussi lancé la serviette en début de campagne après avoir annoncé qu’il faisait équipe avec Mélanie Joly et Vrai changement pour Montréal.
Montréal pour tous fait des pressions
De son côté, le groupe d’intérêt Montréal pour tous profite de la campagne électorale en cours pour tenter de sensibiliser les gens aux risques des augmentations du compte de taxes; cela pourrait miner le tissu social de la métropole, notamment dans certains quartiers «chauds» en termes de demande de propriétés.
« La situation se détériore très vite dans plusieurs secteurs des quartiers centraux où les prix de vente augmentent de façon notable depuis quelques mois, a indiqué son porte-parole Pierre Pagé. Les prochaines évaluations foncières des propriétés résidentielles vont suivre ce mouvement à la hausse. Les Montréalais ont besoin maintenant de bien cerner ces réalités, ⌈et qu’il y ait⌋ des mesures d’apaisement pour éviter que plusieurs quartiers deviennent inaccessibles aux classes populaires, comme c’est le cas dans plusieurs autres villes comme Vancouver et Toronto » a-t-il indiqué, précisant même que 12 de ses voisins de rue s’interrogent à savoir s’ils pourront continuer à vivre dans leur quartier montréalais.
De l’avis de Montréal pour tous, cette surévaluation des propriétés dans Faubourg St-Laurent, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont-Petite-Patrie, entre autres, est bien documentée par des chercheurs universitaires et par la Société canadienne d’hypothèque et de logement.
Le groupe aimerait que l’on se penche sur des pistes de solutions pour réduire le fardeau des contribuables.
« Nous avons des exemples ailleurs pour stopper l’hémorragie, a indiqué Pierre Pagé de Montréal pour tous. Le maire sortant Denis Coderre, aime beaucoup parler d’Anne Hidalgo, mairesse de Paris, mais il devrait justement s’inspirer de Paris pour imposer une taxe sur la spéculation, à ceux qui achètent et revendent rapidement. Montréal pourrait imposer une taxe aux acheteurs étrangers similaire à celles de Vancouver ou de Toronto, avec un taux moindre toutefois. Comme les prêts du gouvernement aux étudiants, on pourrait aussi offrir des prêts à tarif préférentiel à des gens qui veulent rester dans leur maison et en arrachent pour payer les taxes», a-t-il suggéré.
Montréal pour tous travaille avec le professeur en économie Luc Godbout pour peaufiner ses demandes.
Par ailleurs, un membre du groupe, Pierre-René Perrin, témoin expert en fiscalité municipale, a suggéré que l’on pourrait prévoir une «taxe de départ» plutôt que la taxe sur les mutations immobilières ou «de bienvenue».
Bref, les idées ne manquent pas alors que M. Pagé, comme beaucoup d’autres personnes, s’interrogent sur les prix des immeubles qui montent sans arrêt (et les taxes) alors que la capacité de payer des Québécois est limitée, avec un taux d’endettement inquiétant…
Taxes toujours en hausse
Pour sa part, la CORPIQ, qui représente les propriétaires d’immeubles (surtout les petits ayant des duplex ou triplex, souvent parce qu’ils n’ont pas de caisse de retraite, avait déjà dit la Chambre de Commerce du Montréal métropolitain) s’interroge sur les hausses plus fortes que prévues des comptes de taxes.
« Si les taxes foncières avaient réellement suivi l’inflation depuis 2009, le compte de taxes moyen serait moins élevé d’un peu plus de 300 dollars », a affirmé le groupe d’intérêt.
On sait que l’administration municipale se base, en préparant son budget, sur les prévisions du Conference Board du Canada. Et ces dernières années, le Board s’est fourvoyé et l’inflation a été moindre.
«Quand le taux d’inflation se révèle moins haut que prévu, l’administration devrait répercuter les économies réalisées dans le budget suivant », recommande la CORPIQ.
En fait, on devrait «retourner» aux contribuables le trop-perçu, tout simplement.
Il faut dire que les locataires de Montréal aussi y goûtent.
Car toute hausse du compte de taxes peut être refilée aux locataires au prorata des loyers. Ainsi, pour une hausse de 100 dollars dans un duplex, si les deux logis sont en location, chaque locataire aurait à subir une hausse de plus de quatre dollars par mois, hausse qui ne peut pas faire l’objet de contestation devant la Régie du logement.
Selon des informations colligées récemment par Radio-Canada, en 2016, la maison unifamiliale moyenne à Montréal avait un fardeau fiscal de 3462 $, le plus haut score au Québec. Nos voisins de Laval se retrouvent avec une facture de 3129 $. Québec et Terrebonne sont aussi à un niveau «élevé».
D’après l’analyse, les contribuables de Montréal payent plus en raison des services offerts comme le métro ou la police qui a des responsabilités plus grandes qu’ailleurs. On aurait pu ajouter les généreuses conventions de travail (pompiers, policiers, cadres, cols blancs, etc.) consenties au personnel municipal au cours des dernières décennies .
Mais reconnaissons que ces coûts ont diminué un peu, avec des caisses de retraite mieux partagées (la formule des coûts partagés à 50-50 entre employeur et employés pour limiter les risques), gracieuseté de l’intervention du gouvernement du Québec après des pressions du monde municipal, notamment des maires sortant de Québec et Montréal, Régis Labeaume, et Denis Coderre.
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