Marc Chapdelaine, Martin Chapdelaine, Christine Barakett et Sam-Philip Maliha, des riverains de l’établissement de détention Tanguay, refusent d’avoir une nouvelle prison sous leurs fenêtres. (Photo : Amine Esseghir / JDV)
[Mise à jour le 27 juin 2024: visite de François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, au terrain de la prison Tanguay, déclaration du ministère et ajout à l’encadré précédent.]

Les riverains de la prison Tanguay ne veulent pas d’un autre établissement carcéral près de leurs maisons. Ils redoutent de voir doubler les désagréments qu’ils subissent déjà avec la prison de Bordeaux située à quelques mètres de chez eux.

Ce n’est pas une réaction de «pas dans ma cour». C’est plutôt «pas encore dans ma cour», observe Martin Chapdelaine, dont le domicile jouxte aussi le terrain de la prison.

Cet ancien ingénieur est devenu le porte-parole des résidents des rues Tanguay et Poincaré, et même d’autres habitants résidant plus loin encore dans l’arrondissement.

Le JDV a appris que François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, a visité le terrain de la prison Tanguay dans la matinée du 25 juin. Il a pu rencontrer les représentants du comité citoyen qui s’oppose au projet et un représentant du comité de bon voisinage.
Il était accompagné lors de cette visite, qui n’était pas annoncée, par le député de l’Acadie, André A. Morin.
Le ministère de la Sécurité publique a indiqué au JDV dans un courriel que «Le ministre est allé à la rencontre des résidents qui habitent à proximité de l’Établissement de détention de Montréal (Bordeaux) et de l’Établissement de détention Maison Tanguay plus tôt cette semaine. Nous avons profité de l’occasion pour entendre de nouveau leurs inquiétudes et leur rappeler l’engagement du gouvernement à trouver des mesures de mitigations pour réduire les nuisances lors de la reconstruction et la réouverture de l’établissement.»
Un article à paraître très prochainement dans le JDV donnera plus de détails sur le cheminement de ce projet.

«On a fait du porte-à-porte de Berri à Poincaré et de Gouin à Sauvé», raconte Christine Barakett, voisine de la prison également et membre du comité citoyen. Elle et d’autres ont fait signer plus de 2000 personnes contre le projet.

Ces citoyens ont déjà vécu aux abords de l’ancienne prison Tanguay quelques années. Ils étaient soulagés quand le gouvernement a fermé l’établissement carcéral, mais depuis décembre 2022, ils ont perdu le sommeil.

François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, a annoncé la démolition de l’ancienne prison Tanguay d’ici l’été 2024 et la construction d’un nouvel établissement carcéral pour femmes de 237 places. L’occupation est prévue en 2030. Le budget alloué est de 400 M$.

«On veut aller ailleurs en 2024. On ne veut pas encore d’une prison sous nos fenêtres», lâche M. Chapdelaine. Pour lui, un tel projet au milieu d’un secteur résidentiel est une aberration.

 

Le ministre ne rencontrera pas les contestataires

[Mise à jour et précision: Le JDV avait dans un courriel adressé au ministère de la Sécurité publique le 30 mai, demandé : Est-ce que M. Bonnardel accepte de rencontrer les citoyens tels qu’ils le demandent ?

«La demande est déclinée», avait-on répondu.]

Le ministère de la Sécurité publique (MSP) dit comprendre les appréhensions des citoyens. Toutefois, il «souhaite que la réalisation du projet se fasse dans le respect des considérations du voisinage».

C’est dans cet esprit que des fonctionnaires du ministère et de la société québécoise ont rencontré les citoyens, le 5 février, lors d’une assemblée publique. Quant à la pétition déposée à l’Assemblée nationale, le MSP y répondra selon les procédures parlementaires.

« Le terrain choisi appartient au gouvernement du Québec et a une vocation carcérale depuis plus de 100 ans », souligne le ministère. Le site répondrait aux meilleures conditions pour la construction d’un nouvel établissement carcéral, notamment en matière de réglementation municipale et de proximité du palais de justice, des transports en commun et des organismes communautaires.

Voir ailleurs
«Toutes les recommandations d’experts disent qu’il ne faut plus construire des prisons en milieu urbain», s’insurge Sam-Philip Maliha. Ce riverain de la prison et ancien ingénieur, armé de documents glanés partout au Canada et aux États-Unis, se fâche à force d’entendre parler de la construction d’une nouvelle prison dans le quartier.

Le terrain de la prison Tanguay vu d’un balcon riverain. (Photo : Amine Esseghir / JDV)]

L’argument du ministère de la Sécurité publique est, entre autres, le règlement d’urbanisme favorable. Le terrain appartient au gouvernement et il serait toujours zoné pour recevoir une prison.

La coexistence avec la prison de Bordeaux est déjà problématique. Les drones, notamment, pour la livraison de drogue, de tabac, de téléphones, voire d’armes inquiètent. Ils survolent leurs demeures. Il n’est pas rare que des colis tombent sur leurs toits ou dans leurs jardins, alors que leurs enfants ou petits-enfants peuvent y jouer.

Pour autant, les gens ne se sentent pas encore devant le fait accompli. M. Chapdelaine croit qu’il est encore possible de faire valoir les arguments des citoyens auprès des autorités.

Que faire du PPU Henri-Bourassa Ouest?
Après plusieurs consultations, pour limiter les hauteurs des immeubles à venir dans le secteur, mais aussi pour imaginer l’avenir des terrains proches de la prison de Bordeaux, l’arrondissement avait adopté le Programme particulier d’urbanisme (PPU) Henri-Bourassa Ouest.«À l’heure actuelle, le PPU est toujours en vigueur», assure Emilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement, en entrevue avec le Journal des voisins. Ce PPU prévoit une école et un parc sur le terrain de la prison.Mme Thuillier indique qu’une rencontre avait eu lieu avec le ministère de la Sécurité publique pour parler aux élus et aux fonctionnaires du sujet, il y a deux ans. «Mais depuis, ils ne nous ont pas rappelés.»
En quelques dates
1964 : inauguration de l’établissement de détention Tanguay près de la prison de Bordeaux. Avec une capacité de 220 places, c’est le plus gros centre de détention pour femmes au Québec.
1990 : le projet de construction de la prison Parthenais, entre Tanguay et Bordeaux, est abandonné après la mobilisation des résidents.
2008 : l’agrandissement de la prison de Bordeaux qui devait se faire en dehors des murs est finalement ramené dans l’enceinte de l’établissement de détention.
Mai 2015 : adoption du Plan particulier d’urbanisme (PPU) Henri-Bourassa Ouest par l’arrondissement et adopté un mois plus tard par le conseil municipal et intégré au plan d’urbanisme de la Ville.
Septembre 2015 : le ministère de la Sécurité publique confirme son intention de fermer la prison Tanguay à cause de la vétusté du bâtiment.
Février 2016 : fermeture effective de la prison Tanguay. Les détenues sont transférées à l’établissement Leclerc à Laval, une ancienne prison fédérale passée au provincial. Rénovée en 2014, elle accueille 248 femmes et 80 hommes dans deux ailes séparées.
2018 : rumeurs de réouverture ou de reconstruction de la prison Tanguay. La députée provinciale de l’Acadie, Christine Saint Pierre, tire la sonnette d’alarme.
Décembre 2022 : annonce de la construction d’un nouvel établissement carcéral pour femmes à la place de Tanguay.
Février 2024 : rencontre des citoyens avec des fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique et de la Société québécoise des infrastructures. Présentation des esquisses de la nouvelle prison.
Mai 2024 : dépôt d’une pétition citoyenne appuyée par le député provincial de l’Acadie André A. Morin pour demander l’abandon du projet. Le ministère de la Sécurité publique lance un appel pour la création d’un comité de bon voisinage en prévision des travaux de construction de la nouvelle prison.

Cet article est tiré du numéro d’été du Journal des voisins (version imprimée) dont le dossier principal est consacré au logement.



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