Faut-il accueillir plus ou moins d’immigrants? Comment le Québec devrait-il procéder pour que l’immigration soit une valeur ajoutée socio-économique plutôt qu’une menace socioculturelle? Faut-il privilégier les critères linguistiques et culturels (fait français et valeurs québécoises, d’abord!) ou plutôt ceux dictés par les besoins économiques urgents en main-d’œuvre?
Les débats et controverses autour de l’immigration n’ont jamais été aussi intenses et surtout révélateurs du tournant sociodémographique historique que le pays est en train de vivre. La récente campagne électorale, particulièrement marquée par cette thématique politique très clivante, a démontré de manière éloquente que l’immigration constitue une problématique socio-économique majeure et sérieuse, qui impose aux acteurs politiques de faire preuve d’une clairvoyance et d’une lucidité au-delà des surenchères partisanes.
Heureusement, il y a les sociodémographes, économistes et autres analystes scientifiques pour nous éclairer et nous aider à faire la part des choses et mettre les énoncés politico-politiciens à l’épreuve des faits.
À ce propos, une toute récente note de Statistique Canada tombe à point nommé. Elle nous révèle que le pays vient de battre un record (depuis la constitution de la confédération, il y a 150 ans) en ce qui concerne la proportion d’immigrants dans sa population, qui atteint 23 %, soit le taux le plus élevé parmi les pays du G7.
Parmi ces Néo-Canadiens, originaires notamment de l’Asie (incluant le Moyen-Orient), d’Afrique et des Amériques, Montréal en a accueilli un peu plus de 12 %, avec une présence immigrante de l’ordre d’environ 30 %. Ce qui est à peu près la même proportion dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, qui figure parmi ceux les plus marqués par cette diversité ethnoculturelle grandissante.
La langue
Bien évidemment, parmi les questions qui suscitent le plus d’intérêt, notamment pour notre Belle Province, figurent en premier ordre les questions liées à l’usage de notre langue nationale et à la contribution réelle à l’effort économique. Rappelons à cet égard les propos de Jean Boulet, l’ancien ministre (sortant) de l’Immigration, qui a été reconduit dans le nouveau gouvernement caquiste comme ministre du Travail.
Il avait jeté un pavé dans la mare en pleine campagne électorale en déclarant que « 80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise. La clé, c’est la régionalisation et la francisation ».
À cet égard, Statistique Canada constate que plus de la moitié des nouveaux arrivants reçus récemment sont issus de l’immigration économique et peuvent pallier la pénurie de main-d’œuvre dans un certain nombre de secteurs et de régions à l’échelle du pays. L’agence ajoute que la pandémie de la COVID-19 a mis en évidence la contribution des immigrants au marché du travail du Canada.
Étant donné que le nombre de postes vacants à la fin de 2021 était 80 % plus élevé qu’avant la pandémie et que la population active vieillit, l’immigration est encore plus importante que jamais pour le marché du travail. Les immigrants récents, dont la structure d’âge est plus jeune que celle de la population générale, constituent un bassin de travailleurs qui peuvent aider à atténuer les répercussions des pénuries de main-d’œuvre dans un certain nombre de secteurs et de régions à l’échelle du pays.
De 2016 à 2021, les immigrants représentaient les quatre cinquièmes de la croissance de la population active. De plus en plus d’immigrants ont eu une expérience au Canada préalable à l’admission et une grande proportion d’immigrants récents ont été sélectionnés en raison de leur capacité de contribuer à l’économie du pays. Bref, la situation des immigrants sur le marché du travail s’est améliorée au cours des dernières années et, depuis 2016, le taux d’emploi des immigrants a augmenté de 2 %.
L’exception québécoise
Pour ce qui est du Québec, soulignons que les programmes d’immigration économique sont du ressort du gouvernement provincial. Ainsi, plus de 46 % des nouveaux arrivants récents ont été admis comme travailleurs qualifiés.
À cet égard, Statistique Canada ne manque pas de souligner les défis qui demeurent en ce qui concerne l’utilisation optimale de ces compétences venues du vaste monde, et qui sont si précieuses pour notre prospérité économique. C’est que le pourcentage d’immigrants récents ayant un grade universitaire, qui occupaient un emploi requérant un diplôme universitaire, a diminué et est bien inférieur à la proportion de leurs homologues nés au Canada.
À noter aussi qu’au Canada, neuf provinces et deux territoires ont établi leur propre programme de sélection des candidats des provinces, mais Ottawa a le dernier mot. Le Québec et le Nunavut se distinguent sur ce plan. Le Québec administre ses propres programmes d’immigration économique depuis 1991 dans le cadre de l’Accord Canada-Québec, qui confère à la province plus d’autonomie en matière de sélection et d’intégration de ses immigrants (excluant la réunification des familles et les réfugiés).
La question qui fâche
En ce qui concerne l’usage des deux langues officielles, Statistique Canada relève que la grande majorité (92,7 %) des immigrants récents sont en mesure de soutenir une conversation en français ou en anglais. Cependant, 69,4 % des immigrants récents ont déclaré ne pas avoir le français ou l’anglais comme langue maternelle. L’arabe (10,3 %), le tagalog (8,4 %), le mandarin (7,9 %) et le pendjabi (6,5 %) sont les langues non officielles les plus fréquemment déclarées par les immigrants récents comme langue maternelle, seule ou avec une autre langue. Quant à la langue française, 6,5 % l’ont déclarée langue maternelle, seule ou avec une autre langue.
Pour ce qui est du Québec, on apprend que plus de la moitié (54,5 %) des immigrants récents avaient le français comme première langue officielle parlée (PLOP). La proportion d’immigrants récents au Québec ayant le français et l’anglais comme PLOP est de 14,7 %, et un peu plus de 1 sur 4 (25,5 %) n’avait que l’anglais comme PLOP. La proportion d’immigrants récents au Québec qui n’avait ni le français ni l’anglais comme PLOP était de 5,3 %.
Dans notre arrondissement, signalons que le plus récent Profil sociodémographique (2016) établit qu’une majorité de la population, dans une proportion de 56 %, est apte à entretenir une conversation à la fois en français et en anglais. Le français demeure toutefois la langue la plus couramment utilisée au quotidien, à la maison. L’anglais, l’arabe, l’espagnol, l’italien et l’arménien font également partie des principales langues en usage à domicile. On apprend aussi que 11 % de la population parle plus d’une langue à la maison.
Ce qui est le plus intéressant à noter est qu’environ 65 % parlent exclusivement le français à la maison. Avec une population qui se compose à plus de 60 % de citoyens qui sont soit nés à l’étranger ou ont au moins un de leurs deux parents nés à l’extérieur du pays, il vaut mieux voir le verre à moitié plein (en interprétant ces chiffres) pour continuer à croire volontairement en notre capacité à sauvegarder le fait francophone face à la déferlante anglophone. Nos gouvernants sont plus que jamais interpellés par cette urgence nationale. Une cause des plus nobles qui impose des garde-fous… mûrement réfléchis.
NDLR : Le Journaldesvoisins.com (JDV) rapportait servir d’outil à l’apprentissage du français, au centre communautaire Concertation-Femme!
Ce texte a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de décembre 2022, à la page 18.
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