Groupe de dames en apprentissage du français avec le mag papier du Journal des voisins (Journaldesvoisins.com) chez Concertation Femme, dans Cartierville. (Photo: courtoisie)

Votre média de quartier permet à des femmes immigrantes de parfaire leur français. Et ça marche!

L’organisme communautaire Concertation Femme offre des cours de francisation depuis 1991. Les responsables de l’organisme se servent de journaux depuis une dizaine d’années pour permettre aux femmes immigrantes récemment arrivées de s’initier à la langue de Félix Leclerc. Depuis l’an dernier, l’organisme distribue le mag papier du Journaldesvoisins.com (aussi surnommé le JDV) à la vingtaine de participantes (elles étaient 40 avant la pandémie).

«L’apprentissage du français, ça ne passe pas toujours par la grammaire et la conjugaison. C’est plus concret avec un journal. On leur donne un exemplaire du JDV et quelques questions simples. Elles doivent trouver les réponses dans le journal. Et si elles butent sur certains mots, elles peuvent consulter le dictionnaire», explique Maysoun Faouri, directrice générale de Concertation Femme

La formatrice pose des questions très variées, portant sur des articles du journal triés sur le volet et qui se rattachent à la vie de quartier. Elle donne également plusieurs indices pour guider les participantes. Certaines prennent l’habitude de lire le JDV quand il est livré à leur domicile.

«Elle s’approprient ainsi leur journal de quartier, mais connaissent ainsi mieux la vie de quartier, les enjeux, les réalités, poursuit Mme Faouri. Elles développent ainsi un fort sentiment d’appartenance à leur communauté et, par extension, à leur pays d’accueil.»

C’est d’autant plus important que plusieurs participantes sont des réfugiées, qui aboutissent souvent chez nous alors qu’elles ont été forcées de quitter leur pays d’origine, car leur vie était menacée. Elles doivent faire le deuil de leur terre natale, et l’exercice permet de faciliter cette étape.

Cultiver la langue

L’usage de ce journal s’inscrit dans des groupes de conversation en français, organisés par Concertation Femme, qui s’étirent de septembre à juin, et même durant l’été. Les cours sont offerts en collaboration avec le CSDM, qui fournit une enseignante. L’été, l’encadrement est assuré par l’organisme communautaire.

«Je dis toujours qu’une langue, c’est comme une plante, reprend Mme Faouri. Il faut l’arroser souvent pour qu’elle survive. Une langue, tu dois la parler chaque jour pour mieux la maîtriser. Or, certaines femmes vivent dans un milieu où on ne parle jamais le français. Pourtant, si on veut que nos participantes s’intègrent et deviennent autonomes, elles doivent maîtriser le français.»

Plusieurs ne baragouinent que quelques mots lorsqu’elles commencent la formation. Quelques mois plus tard, elles se débrouillent fort bien. Cependant, même si elles sont toutes dans le même groupe, elles ne progressent pas toutes au même rythme. Le niveau d’apprentissage varie selon les réalités de chacune. L’âge, la condition socio-économique, le niveau d’instruction, la disponibilité ou l’écoute d’émissions de télé influent le rythme d’apprentissage.

En lisant le journal et en répondant aux questions de la formatrice, les participantes réalisent rapidement qu’elles maîtrisent mieux le français qu’elles ne le croyaient.

À l’heure actuelle, la plupart des participantes sont des réfugiées syriennes qui ont fui la guerre civile et qui sont arrivées ici entre 2016 et 2018. S’ajoutent quelques femmes qui viennent d’autres pays, comme le Japon ou le Liban. Plusieurs n’ont pas encore leur citoyenneté.

Du concret

Concertation Femme a aussi produit un programme d’apprentissage basé sur les noms des rues de l’arrondissement. Qui sont Henri-Bourassa, Laure Conan ou Alice Parizeau? Quand ont-ils vécu? Quelle fut leur contribution à la société? Les participantes cherchent à savoir qui se cache derrière le nom de la rue où elles habitent.

« Les femmes apprennent à leur rythme l’histoire et la langue de leur terre d’accueil, commente Maysoun Faouri. C’est un processus très agréable, car ça pique leur curiosité. »

Les immigrants forment 40 % de la population d’Ahuntsic-Cartierville et le quart d’entre eux le sont de fraîche date, selon le dernier Profil sociodémographique de l’arrondissement (tiré du recensement de la population en 2016 par Statistique Canada), publié en 2018 par la Ville de Montréal. La majorité des nouveaux immigrants proviennent de l’Algérie (14,2 %), de la Syrie (12,3 %), du Maroc (12,3 %), d’Haïti (8,3 %), du Cameroun (4,9 %) et de la Côte d’Ivoire (4,3 %).

Plus de 56 % de la population de l’arrondissement se dit apte à entretenir une conversation en français et en anglais. Fait à signaler: 65 % de la population totale parle uniquement le français à la maison, 10 % l’anglais. Outre le français et l’anglais, l’arabe, l’italien, l’espagnol, le grec, les langues créoles et l’arménien sont les langues maternelles les plus présentes dans Ahuntsic-Cartierville.


¹ Mme Maysoun Faouri est aussi membre du conseil d’administration du JDV.



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