La crise du logement qui frappe de plein fouet Montréal depuis quelques années continue de faire des ravages. Le 1er juillet, synonyme de jour de déménagement, s’annonce particulièrement éprouvant cette année. Plusieurs acteurs du milieu communautaire s’attendent à une période très difficile dans Ahuntsic-Cartierville et des résidants de l’arrondissement peuvent en témoigner. L’été 2021 avait été difficile, cet été le sera encore plus.
Trouver un nouveau chez-soi à un prix abordable est un défi pour de nombreuses personnes à l’heure actuelle. La diminution du nombre de logements disponibles, l’augmentation des loyers, le manque de logis social et l’absence de mesures structurantes de la part des différents gouvernements, sans compter le phénomène des « rénovictions », y seraient tous en cause.
Selon Catherine Lussier, organisatrice au FRAPRU, ce problème, qui était auparavant réservé à certains secteurs, touche désormais toute la ville :
« Dans les quartiers plus centraux comme Ville-Marie, le Plateau ou Villeray ça fait longtemps que les logements sont de moins en moins abordables. Depuis deux ans, dans les quartiers davantage en périphérie, qui étaient encore abordables, comme Ahuntsic-Cartierville ou Montréal-Nord, les loyers ont aussi énormément augmenté. »
En effet, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), avec des hausses de loyer moyen de 42 % et 43 % depuis 2010, Ahuntsic et Cartierville se classent respectivement quatrièmes et cinquièmes à Montréal à ce chapitre.
Ces fortes augmentations engendrent un grand sentiment d’urgence chez les gens qui se cherchent un nouveau logement. Plusieurs d’entre eux craignent de ne pas être en mesure de trouver une habitation dans le secteur qu’ils affectionnent à un prix qui respecte leur budget.
Les conséquences de la crise du logement frappent davantage certains groupes plus marginalisés, tels que les personnes à faible revenu, les familles monoparentales et les personnes immigrantes ou autochtones.
Certains se tournent donc vers le Comité logement Ahuntsic-Cartierville (CLAC), un organisme qui peut les aider en leur procurant les outils nécessaires à leur recherche.
Yvon Dinel, organisateur communautaire au CLAC, mentionne que déjà six personnes les ont déjà appelés parce qu’ils n’arrivent tout simplement pas à trouver un logement. Il estime que ce nombre devrait augmenter d’ici le 1er juillet.
Dernier recours
Lorsque des gens font appel à eux, le CLAC prend leurs coordonnées en note afin d’effectuer un suivi. Il les réfère aussi à l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) qui peut les aider à trouver un logement privé subventionné ou encore un logement social.
La liste d’attente pour ce type d’habitation est cependant longue et il est possible d’attendre plusieurs mois avant d’en obtenir un.
Selon Mathieu Vachon, directeur des communications à l’OMHM, la flexibilité dans le lieu de résidence et le type de logement visé sont les clés pour se trouver une résidence plus rapidement :
« Tout dépend du secteur ou du nombre de chambres. C’est un secret de Polichinelle que les grands logements de trois, quatre ou cinq chambres à coucher sont plus rares. »
Il note qu’entre le 1er janvier 2022 et le 6 juin, une vingtaine d’appels pour des logements dans Ahuntsic-Cartierville ont été faits à l’OMHM.
Des exemples concrets
Des résidants de l’arrondissement ont témoigné au JDV des difficultés qu’ils vivent à l’heure de la crise du logement. Par peur de représailles de la part des locateurs, ils ont décidé de parler sous le couvert de l’anonymat.
Une dame dans la soixantaine, résidante de longue date d’Ahuntsic, estime avoir été victime d’une « rénoviction ». Elle s’est fait évincer par les propriétaires d’un logement où elle vivait depuis plusieurs années. Ils auraient affirmé avoir trouvé un nouveau locataire qui emménagerait une fois que les rénovations seraient terminées. La recherche d’un nouveau toit s’est avérée très difficile :
« Dans le quartier, l’équivalent me coûte 600 $ de plus par mois. Je ne peux pas me permettre ça. »
Elle passera donc d’un grand 5 ½ à un petit 3 ½. Le loyer est similaire, mais il équivaut tout de même à près de 50 % de ses revenus. Elle s’éloigne aussi de la rue Fleury, artère névralgique pour faire ses courses.
Malgré une contestation au Tribunal administratif du logement (TAL), elle a seulement été indemnisée pour le déménagement, ce qui n’est tout simplement pas assez selon elle :
« J’ai dû vendre une partie de mes meubles à rabais puisqu’ils étaient trop grands pour mon nouveau logement. Je dois aussi débourser d’important frais de réinstallation, comme pour la peinture, par exemple. Je vis sur une petite retraite non indexée, donc tout cela me coûte très cher. »
Une autre femme raconte s’être fait évincer de son appartement dans lequel elle vivait depuis 30 ans par un nouveau propriétaire.
Puisque la dame de 57 ans résidait dans le logement de Nouveau-Bordeaux depuis si longtemps, elle jouissait d’un excellent prix et de très bonnes conditions dans son bail. En attendant le verdict du TAL, la recherche d’une nouvelle résidence est très difficile :
« Je payais 800 $ par mois pour un 5 ½, alors je sais qu’il sera très difficile de trouver quelque chose d’aussi bon. À l’heure actuelle, tout ce que je vois est trop cher et plus petit. »
Problèmes de qualité
Se trouver un logis abordable est une chose, mais en trouver un qui est décent en est une autre. À Cartierville, les problèmes de salubrité sont bien connus et rajoutent aux maux de tête des locataires.
Selon M. Dinel, plusieurs résidants du secteur acceptent de vivre dans des lieux insalubres puisqu’il serait impossible de se reloger dans le secteur à un prix similaire :
« Il y a les problèmes qu’on rencontre souvent comme la vermine, les coquerelles, les punaises de lit ou la moisissure. Malheureusement, des locataires subissent cette situation parce que s’ils déménagent, ils ne trouveront pas un logement au prix qu’ils paient en ce moment. »
Une résidante du district du Sault-au-Récollet raconte avoir vécu une situation très similaire. Elle s’était trouvé un logement à un bon prix sur la rue Rancourt avant de réaliser qu’il était infesté par de la moisissure. Rapidement, elle a développé des allergies et a dû quitter cet appartement.
Elle se dit désormais dans l’impossibilité de dénicher un logement accessible dans le secteur qu’elle affectionne tant :
« Ahuntsic, c’est mon quartier préféré, mais je suis incapable de trouver quelque chose à un bon prix. Même si j’ai augmenté mon budget, je n’arrive pas à trouver un logement décent abordable. »
La femme de 33 ans se dit désormais obligée de chercher un logis à l’extérieur de Montréal, mais même en banlieue, les prix restent très élevés.
Des solutions
Lorsqu’ils sont interrogés sur ce qui peut être fait pour remédier à la situation, les acteurs communautaires sont unanimes : à court terme, il n’y a pas réellement de solution, mais à long terme, il faut mettre en place des mesures structurantes.
M. Dinel propose d’établir un registre des loyers, de construire davantage de logements sociaux et d’empêcher la spéculation immobilière.
Mme Lussier insiste aussi sur l’importance de construire davantage de logement social. Elle estime que les services d’accompagnement mis en place par la Ville de Montréal fonctionnent bien, mais que ce n’est pas assez. Malgré tout, le nombre de ménages sans logement le 1er juillet ne cesse d’augmenter :
« Sans mesures plus structurantes, on ne fait que mettre un pansement sur le bobo. »
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