Si tout se passe comme prévu, l’Arrondissement devrait adopter d’ici février un nouveau règlement pour éviter les démolitions déguisées, notamment quand il s’agit de rénovation de bâtisses à valeur patrimoniale. Avant qu’il ne soit voté par les élus, le texte fera l’objet d’une consultation publique le mois prochain.
Le règlement actuel rend très difficile la demande de transformation de bâtisses à valeur patrimoniale. En fait, pour pouvoir raser la moindre demeure à valeur historique ou bâtie sur un terrain classé, il faudrait qu’elle soit dangereuse ou qu’elle ait perdu au moins la moitié de sa valeur, à la suite d’un sinistre.
Autrement, des situations comme celle de la maison de type «Shoebox» de l’avenue Péloquin ne devraient plus être vécues dans l’arrondissement.
Après avoir essuyé un refus de permis de démolition, son propriétaire a demandé un permis de transformation et a tout simplement enfoui la moitié de la maison ancienne — comme le règlement le lui permettait — sous trois grandes maisons en rangées toutes neuves.
«On a clairement dit qu’on voulait mieux encadrer les démolitions pour éviter que des gens utilisent des astuces. Nous ne parlons pas que de l’avenue Péloquin. Des gens utilisent des astuces pour déposer un projet de transformation, présenté comme une rénovation, en respectant tous les critères, mais, dans les faits, on se retrouve sur la rue avec une démolition déguisée», assure Jérôme Normand, conseiller de Ville du Sault-au-Récollet, qui siège également au Comité consultatif d’urbanisme (CCU) traitant des demandes de rénovations.
M. Normand rappelle aussi que ce règlement vient à la suite d’une consultation citoyenne tenue en 2023 sur la révision réglementaire d’urbanisme.
Plus de balises
Lorsqu’une demande de transformation touche 50 % ou moins d’une bâtisse, le permis de rénovation est accordé. Cependant, le nouveau texte, qui se conforme à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, étend la définition de démolition.
Ainsi, une façade est considérée comme démolie si plus de 25 % de sa surface cumulée est détruite ou démantelée.
Si plus de 50 % de la surface cumulée d’une bâtisse est détruite ou démantelée, cela signifie qu’il y a démolition. Un permis de rénovation est alors refusé dans ce cas. Et la démolition ne signifie pas un geste unique.
Des murs extérieurs ainsi que des ouvertures, par exemple, qui disparaissent derrière des murs neufs ne sont plus une rénovation.
«On considère qu’un mur qui est englobé dans un nouveau mur est considéré comme démoli, ce qui n’était pas le cas avant», observe M. Normand.
Cela vaut aussi pour les planchers ou le toit. Quand le toit devient un plancher ou qu’un plancher est rehaussé ou abaissé, cela équivaut à une démolition.
Par ailleurs, si des travaux de rénovation ont été effectués dans les cinq années précédant une demande de transformation, ils sont ajoutés au nombre des interventions pour calculer les taux de démolition.
«Un requérant a fait une transformation en 2019, une seconde en 2021, puis une autre en 2023, et, chaque fois, il a transformé 20 % de la surface, eh bien [il s’agissait] en fait de 60 % de la surface [modifiée]. Donc, cela se qualifie comme une démolition», relève l’élu.
Avant ce texte, toutes les demandes de transformations sur un même édifice étaient considérées comme des demandes indépendantes.
Avec des dents
Pour donner du «mordant» au règlement et aux lois, il faut savoir qu’une démolition sans autorisation d’un immeuble patrimonial peut engendrer une amende s’élevant à 1,14 M$ pour son auteur.
«Il y a aussi une garantie financière de 10 % d’évaluation municipale totale, le bâtiment en plus le terrain, qui vient s’adjoindre automatiquement si le CCU établit une seule condition [à la transformation]», précise M. Normand.
Un demandeur à qui on exigerait, par exemple, de replanter des arbres coupés, devra verser cette somme qui ne lui sera restituée qu’une fois que la condition sera respectée.
Le texte ajoute également des garde-fous pour éviter qu’un édifice à valeur patrimoniale disparaisse. Si un projet de transformation passe l’étape du CCU, le conseil d’arrondissement a 30 jours pour réviser la décision. Ensuite, le conseil municipal peut désavouer le CCU et le conseil d’arrondissement dans les 90 jours suivant un octroi de permis.
Ce règlement vient répondre à de nombreuses demandes et remarques de citoyens et notamment de défenseurs du patrimoine qui craignaient de voir disparaître des bâtisses à valeur historique sous couvert de rénovations majeures.
Les élus ont essayé de passer en revue toutes les situations connues à Ahuntsic-Cartierville de transformations converties en démolition avant d’écrire ce règlement.
«On s’est fait un portfolio d’études de cas, puis effectivement, on a pu voir quel aurait été le score de ces projets avec cette réglementation. Est-ce qu’ils étaient qualifiés comme une démolition ou non», relève M. Normand.
Une consultation publique sur ce projet de règlement — avec d’autres — est prévue le 9 janvier 2025 au 555, rue Chabanel Ouest, à 18 h.
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