Le représentants des organismes communautaires d’Ahuntsic se mobilisent pour demeurer regroupés au sein de leur centre de la rue Laverdure.
(Photo : courtoisie, François Robert-Durand, Solidarité Ahuntsic)

Un sursis de cinq ans pour le centre situé rue Laverdure. C’est ce qui est demandé au propriétaire qui veut récupérer le bâtiment pour en faire un centre de francisation d’ici l’été prochain. Le milieu communautaire d’Ahuntsic ainsi que des élus des trois paliers de gouvernement se mobilisent pour éviter d’éparpiller dans le quartier la douzaine d’organismes qui occupent les lieux.

L’événement a des airs festifs. Solidarité Ahuntsic saisit l’occasion de la célébration des 50 ans de Centraide du Grand Montréal, regroupement d’organismes qui luttent contre la pauvreté pour tirer, une fois de plus, la sonnette d’alarme. Les organismes communautaires ont appris, en février, que le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), le propriétaire, voulait reprendre le bâtiment qui les abrite depuis plus de 20 ans pour en faire des classes de francisation financées par le ministère de l’Immigration.

Le milieu communautaire a reçu l’appui des députés provinciaux Haroun Bouazzi et André Morin, de la députée fédérale Mélanie Joly et de la mairesse de l’arrondissement Emilie Thuillier. Ils et elles ont signé une lettre exhortant le gouvernement du Québec à donner cinq ans de plus aux organismes qui traitent les demandes de 25 000 personnes annuellement. Cinq ans pour trouver un nouveau centre qui pourrait les regrouper. On évoque, sans trop de surprise, le bâtiment de la Ville, situé sur le site Louvain Est, là où doit être érigé un écoquartier.

Une histoire qui se répète

Ce n’est pas la première fois que ces organismes sont ébranlés. L’édifice appelé communément «Centre Laverdure» est installé dans l’ancienne école Madame de la Peltrie, au 10 780, rue Laverdure. Depuis 2016, de sursis en sursis, de hausse de loyer en hausse de loyer, les organismes vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Haroun Bouazzi, député provincial de la circonscription de Maurice-Richard, croit qu’il est possible d’obtenir un répit de longue durée cette fois.

«Il y a un an, je n’aurais pas été aussi optimiste que maintenant. Là, je pense que les choses commencent à bouger vraiment plus vite au niveau de la Ville», indique-t-il en réponse aux questions du Journal des voisins (JDV).

«Ils [les ministères] l’ont déjà fait dans le passé [donner cinq ans] avec certains centres d’éducation populaire. Je pense qu’ils peuvent le faire pour nous aussi.»

Selon l’élu de Québec solidaire, la phase actuelle nécessite des résultats.

École Madame de la Peltrie

Cela serait d’autant plus pertinent que les alertes dans les médias et sur la place publique sont récurrentes. Rémy Robitaille, directeur de Solidarité Ahuntsic, la table de quartier et également gestionnaire du bâtiment souhaite que cette conférence de presse soit la dernière.

«Je ne pense pas qu’on va revenir dans deux ans faire une autre conférence de presse», espère-t-il au JDV.

En 2022, il avait étalé sur la place publique le même risque de voir les organismes communautaires mis à la porte alors que le CSSDM explorait la possibilité de vendre certains de ses actifs. L’école Madame de la Peltrie faisait partie du lot des bâtiments dont il voulait se débarrasser.

Au même endroit

Ce que craint aujourd’hui M. Robitaille, c’est un éparpillement des organismes. Quelques-uns pourraient aller chercher des financements pour se relocaliser.

Le Centre communautaire d’Ahuntsic est une sorte de guichet unique pour les personnes aux prises avec des maladies mentales, nouveaux arrivants, perdus dans les méandres de l’administration, demandeurs d’asile, aînés, jeunes couples en souffrance, familles qui ont du mal à joindre les deux bouts. La liste peut ainsi s’allonger au gré des vulnérabilités de gens qui n’ont sans doute pas besoin d’errer en plus dans les rues d’Ahuntsic à la recherche de tel ou tel organisme.

Une situation illustrée par Chantal Comtois, directrice du Service nutrition et d’action communautaire (SNAC), une banque alimentaire qui distribue des victuailles à plus de 2 000 ménages et qui a servi en 2023 plus de 8 000 dépannages alimentaires.

Ceux qui viennent la voir, ont souvent été redirigés par d’autres organismes situés dans le même édifice.

De fait, un déménagement engendrerait certainement un bris des services et un coût difficile à appréhender.

«Nous avons une chambre froide, des congélateurs, une cuisine. Déménager [maintenant] nous coûtera 100 000 ou 200 000 $. C’est bien mieux de prendre cet argent-là puis d’acheter de la nourriture pour la donner aux gens.»

Le CSSDM a rappelé dans un échange de courriels avec le JDV qu’il avait avisé tôt les organismes de sa décision. Il a annoncé qu’il rencontrera aussi bientôt les représentants de Solidarité Ahuntsic, l’organisme locataire, pour «préciser les modalités de fin d’occupation du bâtiment».

«Nous avons pleinement conscience du rôle des organismes communautaires et de leur importance auprès de la population du quartier. C’est pourquoi nous travaillons étroitement avec le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale pour trouver des solutions qui permettront à l’organisme locataire, Solidarité Ahuntsic, de continuer à accomplir sa précieuse mission, sans que cela soit fait au détriment de celle du CSSDM», a précisé Alain Perron, responsable des relations de presse du CSSDM.

M. Bouazzi, veut obtenir pour sa part un engagement politique. Il promet de porter la voix du milieu communautaire de sa circonscription au sein même du «Salon bleu» du Parlement du Québec.

«Je vais poser une question en Chambre demain [23 mai] à l’Assemblée nationale, pour interpeller les ministres concernés et pour qu’on obtienne des engagements sur les problèmes vitaux à régler, dans le vrai sens du terme, et qui accablent un certain nombre de nos concitoyens et concitoyennes.»

Par ailleurs, une pétition est en ligne pour demander ce sursis.



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