À quelques pas de la très animée rue Fleury, boulevard Henri-Bourassa Est, le Centre du Vitrail de Montréal est un atelier au charme discret.
Si on prend le temps de s’y arrêter, on découvre un véritable bric-à-brac à l’ambiance changeante au gré de la lumière.
Que ce soit sous forme de poudres, de flocons, de feuilles ou encore de plaques, le verre est ici omniprésent. Les superstitieux devront s’y faire: on y trouve beaucoup de verre brisé!
Luc Lepage, chef d’atelier, me raconte d’ailleurs sa première journée à l’atelier, il y a près de 30 ans: «Je commençais à 9 h du matin. À 11 h, j’étais à l’hôpital en train de me faire recoudre le bras; j’avais accroché une feuille de verre». Lorsque je lui demande si cette entrée en matière ne l’a pas refroidi, il me répond un «ben non» le plus naturellement du monde. Il faut dire que c’est une affaire de passion.
Le travail du verre est un grand terrain de jeu: on peut s’amuser avec les couleurs, les textures, les degrés de transparence… Certains verres contiennent même des petites bulles ou des stries pour capter la lumière différemment.
Du côté de la couleur, un présentoir contenant des dizaines d’échantillons de verre coloré donne le ton: beaucoup de choses sont possibles. On peut mettre de la peinture ou fusionner des minéraux en poudre directement au verre grâce à la chaleur. Selon le minéral choisi, on obtient une couleur différente: «On dit souvent que le rouge est cher, mais c’est parce qu’il est difficile à contrôler; le cuivre brûle très vite et devient opaque», m’explique-t-il.
Une communauté soudée
Avant que le Centre du Vitrail ne s’installe dans Ahuntsic en 1976, il n’y avait pas de solutions de rechange dans la métropole. À l’époque, les vieux ateliers avaient tous fini par fermer boutique et la plupart des vitraux abîmés étaient tout bonnement jetés aux vidanges.
«Quand on a commencé, il n’y avait ni matériel, ni personne pour nous montrer comment faire: on a appris sur le tas», se remémore M. Lepage. Au fil du temps, la communauté s’est un peu agrandie et Montréal compte désormais deux autres ateliers.
L’approche de cet artisanat est très nord-américaine: on se partage des connaissances et l’échange entre pairs en constitue les fondements. Rien n’est pourtant acquis dans le milieu, alors que beaucoup d’artisans prennent leur retraite sans savoir si la relève sera là pour continuer.
Faites défiler les photos pour voir la galerie d’images:
Chaque vitrail a son histoire
Le vitrail est un art intimement lié à l’architecture. Aujourd’hui, la plupart des arrondissements de Montréal ont une loi pour protéger les vitraux d’origine afin de conserver ce patrimoine culturel.
En passant devant la Cathédrale Saint-Maron, sur le boulevard Henri-Bourassa, vous pourriez d’ailleurs apercevoir un de leurs projets en cours. Il s’agit d’un travail de longue haleine pour Luc et son équipe afin de restaurer les vitraux les plus abîmés de la vieille cathédrale. Importés de France à une époque où les matériaux n’étaient pas optimaux, ceux-ci furent particulièrement malmenés par plusieurs incendies.
La restauration de vitraux occupe la majeure partie de leur temps, mais il existe aussi un volet créatif. Luc me montre l’un de ces derniers projets plus personnels, une pièce commandée par des sœurs, sur laquelle une colombe symbolise la disparition d’une mère.
Un métier d’art
Il n’est pas étonnant d’apprendre que plusieurs artisans sont issus du milieu artistique: «Quelqu’un qui a une sensibilité dans le choix des couleurs et des textures pourrait avoir une mauvaise technique, ce n’est pas grave. On verrait la beauté du verre avant tout», reprend Luc Lepage.
En faisant le tour de la boutique, on peut voir des œuvres aux styles radicalement différents: d’une représentation très colorée du Petit Prince de Saint-Exupéry à une version flamboyante des peintures préhistoriques des grottes de Lascaux. L’un des fils de Luc a même un vitrail à l’effigie de Mike Myers, l’acteur phare de la saga Austin Powers. On est bien loin de l’image traditionnelle des vitraux religieux.
Certaines pièces sont toutefois mal aimées. En finissant notre visite dans l’atelier au sous-sol, Luc me montre son «musée des horreurs», comme il le nomme affectueusement. Il s’agit pour la plupart de vieilles lampes démantibulées entassées un peu partout. Il y en a une en particulier qui pend au plafond avec un air torturé, le verre est brisé et l’armature toute tordue: «On la laisse dans le coin tout au fond parce qu’elle va bientôt nous tomber dessus, c’est sûr.»
Cet article a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier d’avril-mai 2023, à la page 8.
Restez informé
en vous abonnant à notre infolettre
Vous appréciez cette publication du Journal des voisins? Nous avons besoin de vous pour continuer à produire de l’information indépendante de qualité et d’intérêt public. Toute adhésion faite au Journal des voisins donne droit à un reçu fiscal.
Nous recueillons des données pour alimenter nos bases de données. Pour plus d’informations, veuillez vous reporter à notre politique de confidentialité.
Tout commentaire sera le bienvenu et publié sous réserve de modération basée sur la Nétiquette du JDV.