Enfants devant une des écoles d’Ahuntsic-Cartierville. (Photo: Philippe Rachiele, archives JDV)

Dans une entrevue qu’il a accordée l’automne dernier au micro de Paul Arcand, le nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a nié l’existence d’une éducation à trois vitesses au Québec dans les écoles. 

C’est un fait pourtant bien connu des parents et de leurs enfants, qui doivent choisir entre l’école privée, l’école publique à programme particulier et l’école publique «standard». L’école publique est malheureusement devenue un plan C et nombreux sont les parents qui tentent de l’éviter. Avec tout ce que cela comporte de stress émotionnel et financier. 

Le député Mario Asselin semble partager le déni du ministre, comme en fait foi sa déclaration sur Twitter : «Les écoles privées demeurent accessibles à la grande majorité des parents du Québec et de plus, un grand nombre d’élèves en difficulté d’apprentissage s’y retrouvent.» Une enquête du Journal de Montréal a pourtant révélé que la très grande majorité des écoles privées ont un processus de sélection des élèves basé sur l’excellence scolaire. 

Au secondaire, la compétition est si effrénée que plusieurs élèves du primaire se préparent pendant plusieurs mois avant de passer les tests d’admission et vont même jusqu’à demander des lettres de recommandation à leur professeur. C’est dire comment le programme régulier des polyvalentes de quartier a mauvaise réputation! 

La plus inégalitaire au pays

Dans son rapport de 2016, le Conseil supérieur de l’éducation du Québec estimait que l’école québécoise était la plus inégalitaire au Canada. 

Cette iniquité s’est malheureusement accrue ces dernières années : l’écart de réussite entre les élèves du réseau public et du réseau privé aux examens obligatoires du ministère de l’Éducation a atteint un sommet depuis cinq ans. Les élèves du privé ont un taux de réussite de 96,5 %, comparativement à 86,7 % pour les élèves du public. Les élèves qui ont fréquenté une école privée ou une école à programme enrichi ont aussi de bien meilleures chances que les élèves du public d’accéder à des études universitaires. 

Cette différence est explicable en partie seulement par la performance individuelle des élèves : même avec des résultats scolaires comparables, les élèves qui sont passés par un programme enrichi ou par l’école privée ont plus de chance d’accéder à l’université que leurs pairs de l’école publique standard. 

Créer des écoles homogènes – les plus faibles d’un côté; les meilleurs de l’autre – n’est pas l’idée du siècle, selon de nombreux experts. Frédéric Saussez, professeur à l’Université de Sherbrooke, juge que le système scolaire québécois est «injuste, inéquitable, et socialement indéfendable» et qu’il «nuit à l’apprentissage de tous les élèves sans exception».

La situation qui prévaut actuellement à l’école publique n’est pas sans avoir complexifié et alourdi le travail des enseignants, déjà à bout de souffle. Dans une classe de l’école publique sans programme particulier, il n’est maintenant pas rare que 50 % des élèves éprouvent des difficultés d’apprentissage. Ce ne sont pas des conditions d’enseignement qui permettront de combler la pénurie de main-d’œuvre, qui a causé bien des maux de tête aux directions des écoles publiques à la dernière rentrée.

Démotivant

Notre système scolaire à trois vitesses est démotivant pour les élèves du système public, qui ont souvent l’impression d’être délaissés. Les programmes particuliers de type arts-études et sports-études sont la plupart du temps réservés aux élèves forts et aux parents fortunés. Il leur en coûte en moyenne 1 200 $ par année pour que leurs enfants puissent participer à un tel programme, mais les frais peuvent aller jusqu’à 14 000 $ pour certains programmes onéreux de sports-études. 

Devant ce triste constat, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) promet que les frais reliés à un programme pédagogique particulier seront assumés par les écoles, «jusqu’à concurrence de 200 $». Autrement dit, le MEQ pense régler un grave problème par une solution dérisoire. 

François Legault a déclaré à plusieurs reprises que «la priorité des priorités de son gouvernement, c’est l’éducation». Il amorce cependant son deuxième mandat sans aucun plan pour résoudre les énormes défis auxquels fait face l’école publique québécoise. Ce n’est pourtant pas un 200 $ par-ci et quelques labs-écoles par-là qui vont changer quoi que ce soit. L’école québécoise est mûre pour une réforme majeure, réforme dont l’objectif premier devrait être de favoriser enfin l’égalité des chances.   

Ce texte de réflexion a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de décembre 2022, à la page 20. Nous reproduisons une fois par mois les textes de Nicolas Bourdon dans le site Journaldesvoisins.com.

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