Comment se portent les librairies indépendantes de notre quartier face à l’hégémonie des grandes chaînes et la déferlante du numérique ? C’est la question principale qui a guidé nos rencontres avec trois librairies indépendantes d’Ahuntsic-Cartierville.
La Maison de l’éducation
Fondée en 1967, en pleine Révolution tranquille, cette librairie d’abord spécialisée dans les livres scolaires importés de France – d’où son nom –, est devenue généraliste au fil du temps. Dans les années 70, la loi 51 a favorisé l’usage des livres scolaires conçus par des auteurs québécois, et ainsi impulsé cette réorientation.
L’expertise originale de la maison demeure toutefois un atout. « Nous avons un gros volet institutionnel destiné notamment aux écoles et aux bibliothèques », indique Andréanne Pierre, qui en est responsable. Elle se réjouit du renouveau que connaît le milieu. « On peut dire qu’actuellement, les librairies indépendantes ont le vent dans les voiles », estime-t-elle en évoquant l’impact positif des campagnes soulignant la promotion de l’achat local et l’importance de soutenir les librairies indépendantes. Tout particulièrement autour de l’événement annuel Le 12 août, j’achète un livre québécois. « C’est notre grosse journée de l’année, où les ventes peuvent même dépasser celles de la période de Noël. »
Andréanne ajoute : « La proximité qu’on a cultivée au fil des ans nous permet de bien connaître nos clients. Cela facilite beaucoup l’assistance-conseil pour mieux répondre à leurs besoins et assurer leur fidélité. »
Librairie Monet
C’est l’une des plus grandes librairies indépendantes du Québec. Sise aux Galeries Normandie de Bordeaux-Cartierville, elle est dirigée par Laurence Monet, qui a repris il y a quatre ans le flambeau de son père, Pierre Monet, qui a fondé l’établissement il y a plus de quarante ans.
Laurence fait partie d’une nouvelle génération de libraires qui apporte un vent de fraîcheur et de vision à ce secteur culturel de plus en plus marqué par la montée de jeunes femmes ambitieuses et porteuses de nouveaux concepts de développement pour assurer sa survie dans un marché dominé par les grandes chaînes et les plateformes de commerce en ligne.
« Il faut se réinventer continuellement pour rejoindre de nouveaux publics », dit cette responsable. La Librairie Monet est considérée comme un lieu de diffusion culturelle dans notre quartier grâce à sa programmation régulière de rencontres entre des auteurs d’ici et d’ailleurs et leurs lecteurs, rencontres auxquelles ses spacieux locaux se prêtent très bien. Mme Monet et son équipe sont convaincues de l’importance d’être de plus en plus imaginatif pour développer la proximité locale de la librairie. « Notre rayonnement dépend de la bonne tenue de l’écosystème culturel local », dit-elle. Il y va de la vitalité de cette librairie située dans une zone défavorisée sur le plan culturel.
Librairie Fleury
En 2016, Hélène et Isabelle Prévost réalisent leur beau rêve : leur librairie voit le jour au 1169, rue Fleury Est. Depuis, les deux complices ont su tirer profit des dimensions complémentaires de leur savoir-faire et de leurs expertises sociales et professionnelles.
Hélène travaille sur le plancher en compagnie d’une petite équipe dévouée, et Isabelle prend en charge le volet administratif et institutionnel.
Le projet bénéficie de la longue expérience d’Isabelle comme libraire à La Maison de l’éducation et comme bibliothécaire à la bibliothèque Ahuntsic.
Ces deux expériences ont permis l’ancrage communautaire de la librairie grâce au réseau de connaissances, amis et collègues qu’elle avait développé au fil des ans. Les deux copropriétaires et leur équipe sont convaincues que le sens du contact humain et la forte appartenance au quartier sont leurs plus grands atouts. « On a une belle reconnaissance de notre clientèle, dont on a appris à rejoindre les besoins », se réjouit Hélène.
Elle souligne que la force de la librairie est son service à la clientèle personnalisé. « On veille à ce que nos clients prennent du plaisir à venir nous rendre visite, non seulement pour voir les nouveautés dans le monde de l’édition, mais aussi pour partager leurs expériences de lectures. »
Elle note l’importance de cultiver la proximité avec le voisinage, notamment par l’organisation de rencontres à l’occasion des sorties de nouvelles œuvres d’auteurs et autrices du quartier.
Pour l’organisation de ces rencontres, on peut déplacer les rayons des étalages sur roulettes, ce qui permet une utilisation maximale de cette petite librairie, favorisant une ambiance chaleureuse et conviviale qui fait le bonheur des amoureux de livres du voisinage.
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