Jeunes au parc Ahuntsic
Les travailleurs de rue constituent le filet pour rattraper les jeunes à risque. (Photo : François Robert-Durand, JDV)

Il y a un manque de travailleurs de rue à Ahuntsic-Cartierville. Si un de ces intervenants discrets ne s’était pas exprimé sur les réseaux sociaux, très probablement que personne n’en saurait rien.

Nicolas Lépine a été travailleur de rue jeunesse dans Bordeaux-Cartierville de 2015 à 2022. Au début de juillet, il écrivait, navré, sur Facebook :

« Bien que soutenu par mon équipe de travail et un éventail de partenaires communautaires plus précieux les uns que les autres, les années à fréquenter seul le quartier auront permis de faire réaliser qu’un seul travailleur de rue pour tout le territoire, ce n’était pas assez. À l’usure, j’ai fini par devoir me retirer. Pour bien des raisons, la nature de mon travail s’est transformée alors que mon mandat officiel, lui, ne changeait pas : les besoins dans le quartier évoluent, le financement reste déficient. Aussi longtemps que des politiques sociales efficaces et concertées ne seront pas mises en place, notre travail restera difficile et les inégalités socio-économiques et culturelles demeureront. »

Il ne quitte pas l’organisme pour lequel il travaille, Rue action prévention jeunesse (RAP Jeunesse), mais épuisé, il change d’activité.

Il y a actuellement quatre travailleurs de rue qui couvrent Ahuntsic-Cartierville, un nombre qui ne répond pas aux besoins du quartier.

« Je ne peux pas dire combien il en faudrait exactement. Ahuntsic-Cartierville, c’est énorme. Est-ce qu’il en faut par secteur, par HLM, par école? C’est difficile de donner un nombre. Mais quatre, c’est nettement insuffisant », confesse René Obregon Ida, directeur de RAP Jeunesse.

Perle rare

Pour recruter une telle personne, il faut d’abord de l’argent, beaucoup d’argent. Un travailleur de rue jeunesse coûte entre 55 000 et 63 000 $ par an, selon son expérience. Il induit d’autres frais comme les 150 $ par mois pour inviter un jeune à prendre un café ou pour lui payer un billet d’autobus.

« On va chercher cet argent par petits bouts auprès des ministères de la Sécurité publique, de la Santé ou de l’arrondissement », relève M. Obregon Ida. Cela est d’autant plus difficile que le profil recherché est assez spécial.

« C’est une personne qui doit être autonome et solide. Il est confronté à des situations difficiles. C’est quelqu’un qui doit connaître un peu de tout, la toxicomanie, les relations avec les parents ou l’entourage, les ressources en emploi ainsi qu’en logement. Le travailleur est parfois la première porte à laquelle va frapper le jeune », énumère M. Obregon Ida.

C’est aussi le travailleur de rue qui peut orienter toute une famille vers une banque alimentaire ou des services sociaux une fois qu’il découvre sa situation par l’entremise d’un jeune qu’il a pris en charge.

Ces interventions auprès d’adolescents et de jeunes adultes qui risquent de tomber dans la délinquance peuvent faire éviter la prison et même sauver des vies.

Extrêmes

« On a eu un jeune de 17 ou 18 ans qui vivait de la violence autour de lui et son nom était sur une liste pour se faire tuer. La seule façon de le sortir de là a été de lui trouver un lieu fermé pour le protéger. C’était un centre de désintoxication », raconte M. Obregon Ida.

Ce sont des cas extrêmes qui poussent les travailleurs de rue à en donner plus qu’ils ne peuvent ou doivent le faire. Il faut qu’ils sachent déterminer la limite de leur travail.

« À un moment, ils croient qu’ils vont sauver le monde alors que c’est à d’autres intervenants d’entrer sur scène », observe M. Obregon Ida.

Au-delà de trouver des travailleurs de rue, le patron de RAP Jeunesse voudrait diversifier le personnel pour n’échapper à personne.

« On devrait avoir une équipe mixte parce que dans l’intervention, certains s’identifient mieux avec une posture féminine ou une posture masculine. Actuellement à RAP Jeunesse, on n’est pas capable d’offrir cela. »

Même quand il a l’argent pour recruter du monde, M. Obregon Ida se retrouve les mains liées. Le milieu communautaire n’échappe pas lui aussi à la pénurie de travailleurs.

« Cela fait cinq mois que je cherche un travailleur de rue à Saint-Laurent », laisse-t-il tomber. Comme quoi, les perles rares ne courent pas les rues.



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