Le théâtre à la Maison des Jeunes Bordeaux-Cartierville pour lutter contre l’intimidation. Photo: JDV / Amine Esseghir

Il n’est pas exagéré de dire qu’il faut tout un quartier pour élever des jeunes. La prévention de la délinquance chez les adolescents est une mission que se partagent plusieurs organismes locaux à Ahuntsic-Cartierville.

La Maison des Jeunes Bordeaux-Cartierville dans le parc de Mésy est un refuge. Dans ce grand local au décor chaleureux, on veut offrir des modèles positifs. Une façon de prévenir le recrutement des jeunes par des groupes criminalisés.

«On essaie d’inviter des professionnels. On a eu une demoiselle qui faisait des activités d’entrepreneuriat spécifiquement pour les filles», indique Michaël Huot, directeur général de la maison des jeunes.

C’est pour montrer qu’une autre issue est possible pour des jeunes qui sortent peu de leur quartier.

«Moi, j’ai une voiture, j’ai de l’argent, cela pourrait devenir un modèle, pas forcément positif, que les jeunes seraient tentés de suivre», illustre, M. Huot, en parlant des recruteurs des gangs de rue.

À la maison des jeunes, les intervenants ont recours aussi au théâtre, pour lutter contre l’intimidation.

Avec une mise en scène, les jeunes essaient différents rôles, notamment celui du témoin qui ne sait pas comment réagir.

«C’était la pièce de théâtre Forum avec une troupe professionnelle. Il y avait également une intervenante de la maison des jeunes, la chef de projet», explique le directeur de la maison des jeunes.

L’intimidation se passe souvent hors du regard des adultes et constitue un chemin glissant vers les comportements délinquants. Le théâtre permet d’aborder cette question de manière réaliste et engageante pour les jeunes.

«Il y avait deux jeunes qui avaient été entraînés par la troupe de théâtre pour savoir comment répliquer, puis il y avait de vrais bullies, ils étaient très bons dans leur rôle», plaisante M. Huot.

L’exercice semble efficace quand les ados vivent de vraies émotions dans un espace protégé.

«On voyait plusieurs techniques que les jeunes utilisaient [pour intimider]. Puis cela ouvrait la discussion», raconte M. Huot.

Dans les HLM

L’Entre-Maisons Ahuntsic, appelé Centre des jeunes Saint-Sulpice (CJSS) à sa création en 1991, agit depuis 2016 dans les HLM Saint-Sulpice, André-Grasset et Meunier-Tolhurst.

Prévenir la délinquance est au centre de sa mission. Aide aux devoirs, sports et sorties sont les activités qui permettent de garder le contact avec les jeunes. L’organisme propose des camps de jour en été et a mis sur pied un salon de coiffure par les jeunes pour les jeunes.

«Il y a aussi le vécu des intervenants. Notre équipe est assez multiculturelle», relève le directeur Kenny Thomas. Une diversité qui reflète les pluralités d’origine des jeunes qui viennent à l’Entre-Maisons.

Les sorties, en associant les parents, préviennent l’isolement des jeunes.

«Souvent, il y a des parents qui travaillent tout le temps. Ils n’ont plus le temps d’aller à la plage, à la ronde ou aux pommes», explique-t-il.

Le lien ainsi entretenu aide à détecter les jeunes en danger.

«Il y a des ados de 13 ou 14 ans qui devraient être à l’école et qui se pointent [à l’Entre-Maison] à 14 h un mercredi, on les questionne», confie M. Thomas. L’adolescent qui traîne au local tous les jours jusqu’à 19 h 30, c’est aussi un drapeau rouge qui alerte les intervenants pour agir rapidement et récupérer le jeune avant qu’il ne soit trop tard.

Dans les parcs

Chez Rue Action Jeunesse (RAP) Jeunesse, un organisme présent à Ahuntsic-Cartierville, Montréal-Nord et Saint-Laurent, ce sont les travailleurs de rue qui tissent des liens avec les jeunes en allant là où ils se trouvent, souvent en dehors du cadre scolaire. Ainsi, en 2023, l’organisme a pu établir plus de 400 contacts avec suivis et 375 personnes ont été référencées ou accompagnées.

«Les jeunes ont quelque chose à dire, c’est leur regard, leur point de vue», souligne Benjamin, intervenant chez RAP Jeunesse.

Il insiste sur l’importance d’être à l’écoute des jeunes et réceptif à l’évolution de leurs intérêts.

«Si la société change, les intérêts des jeunes changent, il faut être ouvert à ça», observe-t-il. Loin des idées reçues, les loisirs ne sont pas toujours la solution : «Construire un skatepark ça peut servir, mais ce n’est peut-être pas toujours la réponse», craint-il.Ailleurs

À Prévention du crime Ahuntsic-Cartierville (PCAC), deux intervenants du Projet action jeunesse Ahuntsic-Cartierville (PAJAC) rencontrent des jeunes dans tout l’arrondissement, essentiellement dans les écoles. En 2023, ils ont pu échanger avec environ 1800 jeunes lors de goûters et de séances de jeux ou de quiz.

«La dernière fois, on a parlé d’enjeux de sécurité avec des jeunes en faisant des collages. Cela nous a permis d’aborder différents problèmes avec eux», explique Gaëtan Leclerc, intervenant à PCAC. Ces activités créent un cadre détendu où les jeunes s’expriment plus librement.

Le PAJAC agit aussi comme un point d’entrée vers d’autres ressources pour ceux qui en ont besoin.

«On travaille avec beaucoup de partenaires et on va pouvoir accompagner le jeune. Ça va nous faire tellement plaisir de pouvoir l’aiguiller», assure M. Leclerc.

Un propos entendu chez tous les intervenants interrogés.

Cet article est tiré du numéro d’automne du Journal des voisins (version imprimée) dont le dossier principal est consacré à la sécurité à Ahunstic-Cartierville.



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