Sophie Pares se croise les doigts. Depuis quelques jours, les piqûres de punaises semblent être arrêtées. Tout un soulagement après quatre mois d’infestation… Son cas est l’un des 1800 cas de punaises de lit recensés dans Ahuntsic-Cartierville entre le 7 juillet 2011 et le 9 novembre 2016.
Les données ont été rendues publiques récemment par la Ville de Montréal et tous les arrondissements sont touchés par ce fléau.
En 2014, une enquête a révélé que près d’un ménage montréalais sur dix est infesté par des rongeurs, des punaises de lit ou des coquerelles.
Les exterminateurs rapportent en moyenne 5700 cas de punaises annuellement.
« Tout indique que cette épidémie n’est pas prête de s’estomper. La Ville de Montréal doit prendre cet enjeu au sérieux et mettre en place des mesures d’urgence », explique dans un communiqué de presse, Sylvain Ouellet, porte-parole de l’Opposition municipale en matière de développement durable.
Lorsque Mme Pages a découvert que son appartement de la rue Basile-Routhier était infesté de punaises, elle a immédiatement informé son propriétaire. Le secteur où habite Mme Pages, près du collège Ahuntsic, est l’un des secteurs d’Ahuntsic-Cartierville avec un nombre élevé de cas recensés d’infestation de punaises.
Nombre d’infestations par quartier
- 600 cas dans Cartierville
- 456 cas dans le Sault-au-Récollet
- 259 dans Saint-Sulpice
- 256 dans Nicolas-Viel
- 155 cas dans La Visitation
- 143 dans Nouveau-Bordeaux
« Au départ, je pensais que c’était des moustiques. Et puis j’ai aperçu quelques bestioles sur mon lit et j’ai dit « beurk! » » De plus, son fils, qui dort sur un matelas au sol, était complètement couvert de piqûres. « Il s’est fait dévoré. J’étais mal pour lui », raconte Mme Pages.
Comble de malheur, son propriétaire avait vécu auparavant une infestation de punaises dans un autre appartement. Il avait eu une mauvaise expérience avec un traitement chimique; les punaises refusaient de mourir. Le propriétaire a donc opté pour un traitement à la chaleur. La compagnie embauchée a même emmené un chien dépisteur qui peut détecter des punaises à l’odeur. « C’était un peu hallucinant », dit Mme Pages.
Les draps, les vêtements, les doudous ont été lavées et séchées à haute température à maintes reprises. Fini aussi les amis à coucher pour ses enfants et les soirées avec des amis pour Sophie Pages. « J’avais peur qu’ils (les visiteurs et amis) en attrapent. On a été coupé un peu du monde pendant un bon moment », dit Mme Pages.
Elle ajoute que lorsqu’elle trouvait des punaises, elle les mettaient dans des sacs Ziploc pour les montrer aux exterminateurs.
Il a fallu trois traitements à la chaleur – le dernier a été fait il y a quelques jours. « Je me croise les doigts maintenant. »
Coût du traitement : 1400 $.
Si la plupart des infestations dans Ahuntsic-Cartierville ont été réglées après un seul traitement, plus de 215 cas dans Ahuntsic-Cartierville ont nécessité trois ou quatre interventions avant de venir à bout de ces bestioles tenaces.
D’où venaient les punaises? C’est un mystère qui ne sera probablement jamais résolu.
« Les exterminateurs me disaient que les cinémas et les hôtels sont particulièrement problématique pour les punaises. Peut-être que c’était lors de mes vacances, mais peut-être que les punaises étaient là avant…», dit Sophie Pages.
Urgence d’agir
La semaine dernière, le parti d’opposition à la Ville de Montréal, Projet Montréal, a lancé un cri d’alarme, demandant à la Ville-centre d’intervenir dans ce dossier de santé publique.
« Quand on a des punaises de lit, ton monde s’effondre, tu n’arrives plus à rien faire, parce que tu ne dors plus, tu ne sais plus où donner de la tête, c’est extrêmement difficile à vivre », dit Émilie Thuillier, leader de Projet Montréal et conseillère du quartier Ahuntsic.
Selon l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 53 % des personnes vivant une infestation ont manqué de sommeil, tandis que 47 % ont vécu un isolement social, de peur de propager le fléau.
Le manque de ressources – en particulier le manque d’inspecteurs – complique l’éradication du problème dans la métropole, affirme Mme Thuillier, qui ajoute que la Ville-Centre bloque l’embauche de nouveau personnel dans les arrondissements, pour des raisons budgétaires.
La conseillère d’Ahuntsic croit que la Ville de Montréal devrait s’inspirer de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, qui inspecte tous les logements d’un immeuble lorsqu’un seul appartement est infesté.
« Ces petites bêtes, plus on les laisse aller, plus elles sont partout. Donc, si on ne s’occupe pas des punaises dans un ou deux logements, elles vont être dans l’édifice au complet et après dans celui d’à côté. Ça peut rapidement prendre une très grande ampleur », dit Mme Thuillier, ajoutant qu’il ne faut pas seulement attendre qu’un citoyen se plaigne pour agir. La prévention est tout aussi importante.
Son parti, Projet Montréal, souhaite également que la Ville adopte un fonds d’urgence pour aider les personnes vulnérables aux prises avec une infestation de punaises à supporter les coûts indirects et directs. Par exemple, si un propriétaire refuse de payer pour un exterminateur, le fonds pourrait aider une personne à payer pour un traitement en urgence, le temps de récupérer la somme au propriétaire.
« Est-ce qu’on va partir en guerre juridique pendant des années pour savoir qui doit payer, alors que le problème est urgent? », demande Mme Thuillier.
Enfin, si la Ville a dévoilé les données des infestations dans les résidences, qu’en est-il des hôpitaux, des CHSLD, des cinémas et des hôtels de Montréal? Projet Montréal demande à la Ville d’obtenir de meilleures données probantes afin de pouvoir mieux comprendre la phénomène de propagation.
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