6 juillet: quatre ans jour pour jour se sont écoulés depuis la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic. Une tragédie qui a frappé la mémoire collective. Quelles leçons en ont été tirées? Une question d’importance pour plusieurs municipalités du Québec, mais aussi pour des arrondissements de Montréal. Ahuntsic-Cartierville n’y échappe pas, puisque le territoire est entrecoupé par des chemins de fer. Mais force est de constater que les changements se font à pas de tortue. Le rapport publié en 2014 par le Bureau de sécurité des Transports qui met l’accent sur la responsabilité de Transport Canada et de la compagnie MMA aura peut-être contribué à changer les choses.
Ahuntsic-Cartierville est divisée en deux par la ligne du Canadien National (CN) sur l’axe est-ouest, tandis qu’on retrouve sur l’axe nord-sud une ligne du Canadien Pacifique (CP) et une du CN qui sont également utilisées par le Réseau de transport métropolitain (RTM), (ndlr: anciennement l’Agence métropolitaine de transport (AMT).
Selon des informations obtenues par TVA Nouvelles, entre 30 à 40 trains de marchandises du CN et 15 du CP circulent dans la métropole tous les jours. Ne pas entendre le sifflement ou le vrombissement des trains qui passent n’est pas nécessairement un gage de sécurité.
Dans la zone dangereuse?
Selon une carte publiée par l’organisme environnemental Stand.Earth (auparavant ForestEthics), une grande proportion des Ahuntsicois se trouvent directement dans la zone de sinistre en cas d’accident ferroviaire. En entrant son code postal, il est possible de voir si sa demeure est dans la zone à risque. Stand.Earth estime qu’il est nécessaire de prévoir un rayon d’évacuation de 0,8 kilomètre en cas de déraillement de train contenant du pétrole et un rayon de 1,6 km en cas de feu ou d’explosion d’un wagon-citerne contenant du pétrole.
Dans les zones à risque d’Ahuntsic-Cartierville, on trouve notamment le centre commercial Marché Central, le quartier Chabanel et près d’une dizaine d’écoles. Rappelons que la zone sinistrée à Lac-Mégantic est d’environ deux kilomètres carrés.
« Le spectre d’incendies massifs pouvant être déclenchés à tout moment du jour ou de la nuit, en milieu rural comme en milieu urbain à l’intérieur de la zone d’explosion est un risque intolérable qu’une société moderne et progressiste comme le Québec devrait rejeter vigoureusement », a écrit dans son blogue Renaud Gignac, chercheur de l’Institut de recherche et d’informations socio-économique (IRIS), en 2014.
La quantité de matières dangereuses à bord des trains ne dépasserait pas 7 % du convoi, mais Anie Samson, mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, et responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal, rappelle qu’il suffit d’avoir un problème avec un seul wagon-citerne pour causer une catastrophe. D’où l’importance d’être préparé en cas de désastre.
« On ne peut plus rester insensible », ajoute-t-elle.
Meilleure communication
Qu’est-ce qui a changé depuis la tragédie ?
En juillet 2016, Ottawa a annoncé qu’il devançait le retrait des wagons DOT-111 pour novembre 2016, retrait qui avait été, dans un premier temps, prévu pour mai 2017. Les wagons DOT 111 ont été remplacés par des wagons faits notamment d’acier plus épais. Ils comportent des boucliers protecteurs, une protection thermique et un dispositif de protection des raccords supérieurs.
Outre certaines réglementations fédérales qui ont été resserrées, les élus de la Ville de Montréal estiment que la tragédie a forcé les compagnies ferroviaires et les municipalités à mieux communiquer.
« Le CN et le CP occupent beaucoup de place », avoue le maire d’Ahuntsic-Cartierville, Pierre Gagnier.
C’est pourquoi les élus montréalais doivent travailler de concert avec les autres maires des municipalités canadiennes pour influencer le gouvernement fédéral à changer les normes.
« On doit dire aux compagnies ferroviaires : « Vous n’êtes pas les rois. Vous passez dans nos quartiers. » On ne veut pas faire le travail à la place des compagnies, mais il faut être toujours en contact avec elles », explique Anie Samson.
Pas la bonne liste!
Les municipalités ont accès, tous les trois mois, à une liste de produits dangereux transportés par
train. Cependant, il est impossible de connaître le contenu à un moment précis de la journée.
« On a une liste, mais ce n’est pas celle qu’on voulait », déplore Mme Samson.
Conséquence?
En arrivant sur les lieux d’un accident, les pompiers ont une idée du contenu des wagons-citernes, sans savoir exactement ce qui s’y trouve. Pourtant, les secondes comptent dans de telles situations, explique l’élue.
Ce manque d’information est une « faille tenace et dangereuse », a écrit Claude Dauphin, maire de Lachine, ex-président de la Fédération canadienne des municipalités, dans une lettre publiée dans les médias, le 30 septembre 2013, un peu plus d’un mois après la tragédie.
Une motion demandant au gouvernement fédéral de forcer les compagnies à être plus transparentes a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité le 27 mai 2014 par le Conseil municipal de la Ville de Montréal.
Au niveau de l’arrondissement, le maire Gagnier a indiqué à journaldesvoisins.com, à l’époque, qu’un plan d’intervention avait été établi et que des simulations pour les intervenants allaient être organisées.
Formation pour les pompiers
Tous les pompiers à Montréal ont reçu une formation de base en matières dangereuses et ont accès à une carte qui permet aux casernes de connaître les zones d’évacuation. Les pompiers peuvent ainsi agir immédiatement en attendant l’intervention du Groupe d’intervention en matières dangereuses (GIMD).
Le GIMD comprend une cinquantaine de membres, répartis sur quatre groupes de travail et ces intervenants ont suivi une formation de 80 heures dans laquelle ils apprennent des notions liées à la chimie, la toxicologie et l’identification des matières dangereuses.
Depuis Lac-Mégantic, plusieurs pompiers montréalais ont participé à des formations en collaboration avec le CN. Des membres du GIMD ont également suivi une formation en Colombie-Britannique sur un site d’entraînement sur les accidents ferroviaires.
Rôle des citoyens
«Les gens qui achètent ou qui louent une maison près d’un chemin de fer doivent être conscients des risques», indique Louise Bradette, directrice de la Sécurité civile et de la résilience à la Ville de Montréal.
Le Centre de sécurité civile de la Ville de Montréal encourage les citoyens à s’inscrire afin de recevoir des alertes par texto ou téléphone lors d’une catastrophe. Chaque résidence devrait avoir un plan d’évacuation, ajoute-t-elle.
Zonage à modifier?
Si la Ville de Montréal ne peut pas directement changer les réglementations ferroviaires, elle peut néanmoins se pencher sur le schéma d’aménagement pour mieux réglementer la construction à proximité de chemins de fer. Les bâtiments existants ont des droits acquis, mais les nouvelles constructions devraient se soumettre à des règlements plus stricts, précise Mme Samson.
Malgré tout, les trois intervenants estiment que les chemins de fer ne sont définitivement pas voués à disparaître, puisqu’ils font partie intégrante de l’économie montréalaise.
« Il ne faut pas oublier qu’il y a 100 ans, c’était le chemin de fer qui dominait. Mais, oui, on peut prévoir de nouvelles façons de faire », dit le maire Gagnier.
(Article publié dans le magazine papier de septembre 2014 – avec la collaboration de Christiane Dupont pour les mise à jour en juillet 2017).
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« Il ne faut pas oublier qu’il y a 100 ans, c’était le chemin de fer qui dominait. Mais, oui, on peut prévoir de nouvelles façons de faire », dit le maire Gagnier. Lesquelles ????