Pauvreté Zone RUI Laurentien-Grenet
L’image de la RUI c’est souvent des logements insalubres. Il y’en a d’autres à Ahuntsic-Cartierville. (Archives, JDV)
Zone RUI Laurentien-Grenet
Logis de la zone RUI Laurentien-Grenet

Des casse-croûtes que des intervenantes scolaires ouvrent à l’heure du lunch et qui, comme une boîte de Pandore, font ressortir quelques surprises : des coquerelles! Voilà ce que des enfants vivant dans des logements insalubres de la zone du RUI Laurentien-Grenet ont rapporté de leur logis à leur école dans Cartierville. Entre coquerelles, puces de lit et moisissures, de nombreux logements du secteur sont jugés insalubres par le Comité Logement Ahuntsic-Cartierville (CLAC) à la suite d’une étude menée auprès de 789 résidants-locataires du secteur.

Selon les conclusions du rapport Zoom sur l’insalubrité présentées par le CLAC en conférence de presse au YWCA de Bordeaux-Cartierville le 17 janvier, plusieurs centaines de familles de la zone de revitalisation urbaine intégrée (RUI)  Laurentien-Grenet vivraient dans des conditions insalubres.

Entre janvier 2016 et décembre 2016, Charles-Hugo Desroches, intervenant du CLAC, a rencontré 789 résidants du quartier après avoir participé à plusieurs rencontres avec des citoyens par l’entremise de différents groupes communautaires partenaires d’Ahuntsic-Cartierville. Près de la moitié des résidants, ont indiqué, lors des entretiens, vivre une situation d’insalubrité dans leur logement.

En conférence de presse, le CLAC a souligné que, malgré le fait que ce sont 363 locataires du secteur qui vivent dans des logements insalubres, seulement 113 plaintes ont été déposées à l’arrondissement. De ce nombre, moins de la moitié, soit 42 plaintes ont été menées à terme jusqu’à présent. Alors que 17 avis d’infractions ont été remis aux propriétaires d’immeuble, aucun constat d’infraction n’a été retenu, «la Ville préférant négocier avec les propriétaires plutôt que d’imposer des amendes », comme le cite le rapport du CLAC.

Contacté sur la question, le conseiller de ville du district Bordeaux-Cartierville, et vice-président du comité exécutif, Harout Chitilian s’est dit « choqué par le résultat, la synthèse de la situation ». M. Chitilian souhaite maintenant travailler avec ses équipes sur le terrain. « J’ai une rencontre imminente avec mon équipe, ici dans l’arrondissement, et je m’attends à avoir des réponses sur la question. »

Manque de ressources, délais trop longs

Tous les citoyens peuvent déposer une plainte à leur arrondissement ou à la Régie du logement. Toutefois, les membres du CLAC ont fait valoir le manque criant de ressources disponibles pour sévir vis-à-vis des responsables de l’insalubrité des logements. Au cours des 11 mois qu’a duré l’étude conduite par l’OBNL, un seul inspecteur, employé de l’arrondissement, a été mandaté pour l’inspection des logements lorsqu’une plainte (requête) était déposée.

En outre, l’employé devait consacrer une part importante de ses heures de travail à d’autres parties du territoire de l’arrondissement, beaucoup plus vaste. Conséquemment, le territoire de la zone du RUI Laurentien-Grenet ne pouvait avoir droit à des visites d’inspection que cinq à six heures par semaine.

Le CLAC déplore aussi le manque de formation pertinente des inspecteurs dans des dossiers de cette nature, des dossiers « de dynamique sociale complexe » que représente l’insalubrité des logements, pour reprendre l’expression utilisée dans son rapport.

Conséquences des compressions?

Pour Émilie Thuillier, conseillère du district d’Ahuntsic, les compressions  de postes, imposées par le maire Coderre, contribuent grandement au problème du manque de ressources, faisant allusion au nombre restreint d’inspecteurs.

Cette situation entraîne notamment des délais de traitement de dossiers jugés trop longs par le CLAC. Selon l’OBNL, il se passe plus d’un mois entre l’ouverture du dossier de la plainte et la première intervention de l’arrondissement. Au final, cinq mois se seront écoulés avant que l’enquête ne se conclut.

Ficher le logement, et non le locataire

Au cours de l’étude, notons que 22 résidants ont arrêté toutes communications avec le CLAC ou ont quitté leur logement. En plus de ralentir le processus, les délais mènent donc parfois à l’abandon de la plainte. « Plusieurs locataires nous ont répondu que les démarches que nous leur proposions ne servaient à rien », affirme Rémy Robitaille du CLAC. Certains locataires découragés préfèrent quitter les lieux plutôt que d’attendre les résultats. Les enquêtes prenant fin avec le départ des locataires, la poursuite du dossier et la mise en place d’actions concrètes sont donc interrompues.

Pour Harout Chitilian, il est nécessaire de changer cette façon de faire. Selon le conseiller, il faut s’assurer que la plainte qui chemine concerne le logement comme tel et non le plaignant; une idée soutenue par Émilie Thuillier.

Dans son rapport, le CLAC indique aussi la réticence des locataires à poursuivre leur collaboration avec l’inspecteur par crainte de représailles. « C’est sûr que ce sont des dynamiques qui peuvent être difficiles avec leur concierge ou leur propriétaire », affirme Rémi Bureau, le représentant du CLAC au micro lors de la conférence de presse.

Recommandations

Parmi ses recommandations, le Comité logement Ahuntsic-Cartierville souligne donc l’importance de poursuivre la démarche entreprise sur les 11 mois afin de créer un vrai lien de confiance avec les locataires de la zone de la RUI Laurentien-Grenet et pour s’assurer du bon déroulement des enquêtes.

Pour appuyer ses dires, dans son rapport remis à l’arrondissement, le CLAC fait valoir une augmentation importante du nombre de requêtes présentées au cours de l’étude, comparativement à l’année précédente par exemple. Ce constat démontre, de l’avis des intervenants, qu’il est nécessaire de continuer une telle démarche. Une volonté partagée par M. Chitilian qui souhaite poursuivre le travail réalisé par le CLAC.

TABLEAU des RECOMMANDATIONS du CLAC 

  • Prioriser les requêtes liées à l’insalubrité par rapport aux requêtes ne comportant pas de risques pour la santé;
  • Rendre facilement disponible l’information concernant les propriétaires fautifs;
  • Prolonger le projet pour développer un lien de confiance avec les locataires pour favoriser le passage à l’action par ceux-ci;
  • S’inspirer de plusieurs grandes villes nord-américaines qui ont de meilleures pratiques en matière d’insalubrité que Montréal selon le vérificateur général de la ville de Montréal

 Pour lire notre article précédent sur la démarche du CLAC, cliquez ici.



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