Les leaders des pays de l’Organisation de coopération de Shanghai à un sommet le 16 septembre 2022, à Samarcande, Ouzbékistan. De gauche à droite : Narendra Modi (Inde), Kassym-Jomart Tokayev (Kazakhstan), Sadyr Japarov (Kirghizstan), Xi Jinping (Chine, Parti communiste chinois), Shavkat Mirziyoyev (Ouzbékistan), Vladimir Poutine (Russie), Emomali Rahmon (Tadjikistan) et Shehbaz Sharif (Pakistan). (Photo : Bureau du premier ministre de l’Inde – Wikimedia Commons)

En cette période de Nouvel an lunaire chez les Asiatiques, nous reproduisons un article de la chronique Elle tourne, la Terre! paru en décembre dernier dans la version imprimée du Journaldesvoisins.com. Notre chroniqueure Diane Éthier est politicologue. 

Le système international est désormais divisé entre deux camps rivaux : le camp occidental (États-Unis, Union européenne, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) et le camp euroasiatique.

Ce dernier camp regroupe notamment ces pays : Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Inde, Pakistan, Iran, Mongolie, Biélorussie et Afghanistan. À retenir : ceux-ci sont membres ou observateurs de l’Organisation de coopération de Shanghai, créée par la Chine en 2001. 

Dans un tel contexte, il est important d’évaluer la portée et les répercussions du XXe congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui a eu lieu le 16 octobre 2022.

Les réactions occidentales

Sans surprise, la décision du XXe congrès du PCC de reporter Xi Jinping à la présidence du PCC et de la Chine pour un troisième mandat, contrairement à la tradition de deux mandats instaurée après Mao Zedong, a été très mal accueillie par les pays occidentaux, qui sont engagés dans une lutte pour la préservation de la démocratie contre les dictatures russe et chinoise.  

Selon The Wall Street Journal du 27 octobre 2002, « M. Xi Jinping s’est entouré d’une équipe de loyaux sujets qui feront la promotion d’une politique étrangère agressive vis-à-vis de l’ouest ». L’éditorial du magazine The Economist du mois d’octobre 2022 soutient « que l’obsession pour le contrôle du PCC affaiblira la Chine tout en la rendant plus dangereuse ». 

The Economist affirme aussi que : « la Chine coopte les organisations internationales afin de redéfinir leurs principes de base, tout en recrutant des pays supporteurs de sa politique grâce à son projet de Nouvelle route de la soie ». Cette stratégie, aussi appelée Belt and Road Initiative, implique un ensemble de liaisons terrestres et maritimes qui totalisent à ce jour des investissements colossaux de la part de la Chine dans la construction d’infrastructures dans 70 pays, selon le BRI Investment Report 2021.

Le Courrier international du 13 octobre considère pour sa part que le XXe congrès du PCC a lieu dans un contexte économique difficile pour la Chine, ce qui expliquerait la volonté des dirigeants chinois de renforcer l’autorité du PCC. Il soutient « que la Chine est un géant fragilisé ».

« La bulle de l’immobilier a fini par éclater et les nuages s’amoncellent sur l’économie, écrit le magazine. La croissance ralentit et atteindra 3,3 % en 2022, une performance très inférieure à celle des années précédentes. Le pays fait face au réchauffement climatique qui a provoqué des pénuries d’énergie, perturbé le trafic fluvial et diminué les rendements agricoles (blé, soya, maïs). Désormais la Chine est contrainte d’importer massivement des céréales, ce qui la met à la merci d’une situation géopolitique mondiale comme la guerre en Ukraine. »

 

Chinese Communist Party (CCP) general secretary Xi Jinping addresses Chinese and foreign journalists at the Great Hall of the People in Beijing, Oct 23, 2022.
Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois, s’adressant aux journalistes chinois et étrangers le 23 octobre 2022. (Photo : China News Service, Wikimedia Commons)

Le point de vue chinois

La Chine demeure imperméable aux critiques du camp occidental. Elle assume les décisions du XXe congrès du PCC et poursuit ses velléités impérialistes en mer de Chine, contrairement à la Convention sur le droit de la mer de l’ONU, en annexant des archipels appartenant aux Philippines (îles Spratleys) et au Vietnam (îles Paracels). Ces archipels formés d’îles coralliennes ou de récifs recèlent des réserves de pétrole et de gaz. Ils représentent une grande richesse halieutique et sont situés sur une route maritime stratégique.

Évidemment, la Chine maintient son projet de prendre possession, un jour, de Taïwan, par la force si nécessaire… à moins que les dirigeants de « l’île de beauté » acceptent le statut de Hong Kong : « un pays, deux systèmes ». Le renforcement récent de l’autorité chinoise sur l’ex-colonie britannique n’incite guère les Taïwanais à envisager cette option.

En fait, le nationalisme taïwanais n’a jamais été aussi fort. Et Taïwan se situe au cœur de l’affrontement sino-américain, comme on a pu le constater avec les visites de hauts responsables américains dans l’île où s’était réfugié le gouvernement de Tchang Kaï-chek après la guerre civile de 1949 qui a permis à Mao Zedong et au PCC de prendre le pouvoir en Chine continentale.

Les Chinois n’ont jamais accepté que Taïwan ne soit pas sous son giron. En octobre, le magazine français Le point, qui a consacré tout un numéro à la question de Taïwan, rappelle à cet effet une déclaration de Xi Jinping : « Nous ne renoncerons jamais à la force. »

À la question : « Pourquoi la Chine n’envahit-elle pas Taïwan? », le magazine Foreign Policy offrait une réponse en août. Outre la rhétorique belliqueuse, le magazine mentionne que seulement 2 % des Taïwanais se considèrent comme étant Chinois. D’autre part, une invasion des forces chinoises représente un défi logistique titanesque. Et la Chine devrait composer avec un affrontement militaire direct avec l’armée américaine, que la Chine perdrait à coup sûr, selon les experts. 

Conclusion

Nous vivons désormais une nouvelle guerre froide entre les camps occidental et euroasiatique, la Chine étant le leader incontesté de ce dernier. Mais faut-il s’attendre pour autant à un affrontement militaire entre ces deux camps? Certainement pas, car toutes les puissances impliquées possèdent l’arme nucléaire. 

Comme lors de l’ancienne guerre froide entre l’URSS et les États-Unis (1945-1990), la dissuasion nucléaire, ou « l’équilibre de la terreur » sera un argument décisif en faveur de la paix, tout comme l’interdépendance économique des pays occidentaux avec la Chine. Le « doux commerce », comme le disait le philosophe Hugo Grotius au XVIe siècle, est la meilleure garantie d’une paix durable. C’est encore plus vrai à l’époque de la mondialisation capitaliste.

Cet article est paru dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier de décembre 2022, à la page 34.



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