Plantation de la croix au cimetière de Wabaska, où les Soeurs de la Providence ont établi un pensionnat autochtone en 1901. (Photo : Courtoisie des Archives Deschâtelets-NDC/CNVR)

Comme nombre de congrégations religieuses catholiques au Québec confrontées à la décroissance de la pratique religieuse et au vieillissement de leurs membres, les Sœurs de la Providence ont procédé ces dernières années à la mise en vente de plusieurs actifs immobiliers dans le but d’assurer les vieux jours des religieuses et de financer leurs missions, notamment à l’étranger. (1)

La liquidation de leurs actifs aurait pu leur permettre de s’acquitter d’un lourd passif qui grève toujours leur bilan : celui lié au rôle joué par leur congrégation dans le système des écoles résidentielles qui a causé des dommages irréparables à plusieurs générations d’autochtones au pays.

Des séquelles un demi-siècle plus tard

Lors d’une vigile à la mémoire des enfants autochtones disparus dans les pensionnats, tenue à Joussard à la mi-juin, une survivante de la St. Bruno’s Mission s’est confiée au South Peace News.

« Enlevés à un jeune âge, nous nous sommes retrouvés seuls avec des sœurs et des prêtres. Ils étaient abusifs émotionnellement, mentalement, physiquement », a raconté Brenda Bush, qui a fréquenté St. Bruno’s entre 1960 et 1968, où on lui interdisait de parler sa langue maternelle.

La chronique de la St. Bruno’s Mission, archivée au CNVR, fait état d’au moins une trentaine d’incidents de réprimandes sévères ou de punition corporelle qui ont été rapportés au fil des ans dans ce pensionnat.

Pendant plus d’un demi-siècle, des enfants d’une trentaine de communautés autochtones du nord de l’Alberta ont été forcés de fréquenter cette école résidentielle, où au moins trois décès sont survenus entre 1936 et 1967, dont deux pour lesquels aucune information n’a été consignée quant à la cause du décès aux registres officiels du pensionnats.

« C’est difficile de lâcher prise après avoir vécu ce genre d’épreuve », a ajouté la survivante.

Des obligations financières et des excuses qui attendent encore

St. Bruno’s, comme toutes les autres écoles résidentielles fondées ou administrées par les Sœurs de la Providence, a été visée dans la ​Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI) de 2006, par laquelle les préjudices causés aux autochtones ont été formellement reconnus.

Dans le cadre de la CRRPI, qui marque le règlement du plus important recours collectif de l’histoire du Canada, les groupes catholiques impliqués dans le système des pensionnats autochtones, dont le chapitre des Sœurs de la Providence de l’ouest du Canada, s’étaient engagés à verser 25 millions de dollars pour financer des programmes de guérison pour les survivants.

En s’appuyant sur une interprétation controversée d’une clause du règlement de 2006, les ordres et congrégations catholiques n’ont finalement déboursé que 4 millions de dollars, alléguant avoir fourni leur « meilleur effort » pour lever les fonds promis.

Comme plusieurs autres congrégations visées, les Sœurs de la Providence ont pourtant généré des liquidités de plusieurs millions de dollars dans les dernières années en se départissant de certains de leurs immeubles à Montréal.

« Imaginez-vous pas que ça ne nous a pas taillé le cœur en morceaux », avait confié une religieuse qui a longtemps été trésorière de la congrégation, Sœur Claire Houde, à La Presse au début de l’année à propos de ces transactions immobilières qui ont amené les sœurs à se départir de plusieurs bâtiments emblématiques dans la dernière décennie.

En 2011, la congrégation a vendu son ancienne maison-mère sur Fullum pour 7,5 millions de dollars, tandis que sa maison-mère de la rue Grenet a pour sa part été acquise par la Ville de Montréal en 2016, au coût de près de 4,7 millions de dollars. (NDLR: ce qui deviendra le futur Centre communautaire et culturel de Bordeaux-Cartierville, actuellement en transformation).

À elles seules, ces deux transactions auraient donc pu payer près de la moitié des sommes que les congrégations catholiques s’étaient engagées à verser dans le cadre de la CRRPI. Il n’est pas clair si même une partie de ces sommes a été versée au règlement.

« Si on n’a pas d’argent, on ne peut pas faire notre mission et aider les autres », avait souligné la trésorière des Sœurs de la Providence en entrevue avec la chroniqueuse Stéphanie Grammond.

En plus d’avoir laissé leur marque positivement dans Cartierville, où elles ont contribué à la fondation de plusieurs organismes communautaires qui viennent en aide aux plus démunis, les Sœurs de la Providence poursuivent leurs œuvres caritatives ici comme ailleurs.

Il y a une œuvre pressante à laquelle elles ne semblent toutefois pas pressées à se consacrer : celle d’acquitter leur dette morale envers les autochtones qui ont survécu aux pensionnats autochtones qu’elles ont administrés — et envers ceux qui y ont perdu la vie.

La vérité, longtemps occultée, commence à jaillir au grand jour avec la découverte de centaines de tombes anonymes à travers le Canada. Les véritables gestes de réconciliation réclamés aux groupes catholiques qui ont joué un rôle central dans les écoles résidentielles, comme le versement des réparations financières promises ou encore les excuses papales, attendent toujours.

 



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