Des élèves de l’école secondaire Sophie-Barat présentent une pièce de théâtre à la résidence Les Jardins Millen. (Photo : François Robert-Durand, JDV)

Jeudi 19 janvier, sur l’heure du midi. De l’excitation dans l’air. Une joie joviale se lit dans les visages des résidents et résidentes des Jardins Millen qui accueillent les comédiens en herbe de l’École Sophie-Barat. Le Journaldesvoisins.com (JDV) y était.

Le trio organisateur, composé de Marie-Noëlle, du Carrefour jeunesse-emploi Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville, Rosalie, responsable des loisirs à la résidence, et Luc, enseignant en art dramatique, s’affaire aux derniers préparatifs.

Dans les coulisses, on perçoit les rires, doux brouhahas, chuchotements un brin nerveux des 27 élèves du secondaire de l’École Sophie-Barat. Copies de mise en scène en mains, ils s’assurent que les détails de leurs jeux de rôles sont parfaitement clairs, ajustent leurs costumes et vérifient leurs accessoires. Tellement excités à vivre cette première : présenter leur spectacle de théâtre devant public… un vrai!

Les scènes se succèdent sous les applaudissements, rires, interjections de la salle comble. À tour de rôles, en duos, en trios, à plusieurs ou collectivement, les jeunes comédiens incarnent des personnages de toutes catégories de la vie quotidienne.

Ils s’échangent des répliques célèbres tirées d’œuvres classiques de la dramaturgie québécoise, que la plupart des spectateurs semblent connaître par cœur. Leurs interactions expressives tout au long du spectacle en disent long. Bien évidemment, car dans sa grande majorité, la clientèle de la résidence est d’un niveau d’instruction assez élevé. Beaucoup d’anciens enseignant.e.s, notamment.

Un vrai public pour ces écoliers

Luc Brisebois raconte comment ses élèves de la classe d’art dramatique ont accueilli la proposition d’aller donner une représentation devant les aînés de la résidence Les Jardins Millen. « Chouette! On s’en va présenter ça devant un vrai public! »

Il décrit leur excitation en vue de cette nouvelle expérience, après avoir rodé leur spectacle une première fois devant leurs propres familles, en décembre. Les scènes sont une sorte de collage avec fil conducteur de plusieurs extraits de célèbres pièces de théâtre de Michel Tremblay, de Claude Meunier, de Louis Saia, entre autres étoiles de la dramaturgie québécoise.

Elles mettent notamment en vedette, avec humour, gravité et nonchalance, la jeunesse, ses rêves, ses aspirations, son désir de liberté et sa volonté d’épanouissement et d’accomplissement. Le vrai monde? c’est le titre générique choisi pour ce spectacle éclectique, en hommage à notre dramaturge national Michel Tremblay et à sa célèbre pièce du même titre.

Luc tient à préciser que ce sont les élèves qui se sont porté volontaires pour venir à la rencontre des aînés. Il rappelle le cheminement de la préparation depuis le début de l’année scolaire, les multiples exercices en techniques théâtrales : mime, masque neutre, dialogue, etc.

À l’issue du spectacle, il exprime sa joie de constater l’amélioration substantielle dans le jeu des élèves depuis la première représentation devant leurs familles. Et pour cause!

Faire tomber les préjugés et les malentendus

« C’est notre plus beau cadeau en ce Nouvel An! » s’exclament les résidents, remplis de gratitude envers les élèves et les instigateurs de cette expérience qu’ils aimeraient voir se répéter plus souvent.

« Il nous manquait de pareilles occasions de rencontrer nos jeunes voisins d’en face », disent-ils à l’issue du spectacle. Ils expriment leur ravissement de découvrir des « jeunes prometteurs, plein de talent. De vrais futurs comédiens! » « On a surtout admiré leur courage de venir présenter leur travail au-delà des murs de l’école! » notent des spectateurs.

Tous sont agréablement surpris par l’énergie débordante de ces représentants de la nouvelle génération se donnant à fond pour présenter des pièces qui pourtant ne sont pas de leur temps. « C’est formidable! » s’exclament-ils.

Les élèves, eux, affirment avoir ressenti tout au long du spectacle cette connexion fort inspirante avec l’audience. « C’est tellement excitant et encourageant d’avoir l’occasion de voir comment les différents publics réagissent à ce qu’on présente. D’avoir d’autres avis. D’autres regards. » « On a beaucoup travaillé depuis septembre pour nous approprier à notre façon ces extraits qui sont plus adaptés au bagage culturel de nos grands voisins. Et, semble-t-il, on était assez à la hauteur. C’est une expérience à refaire! »

Les jeunes de l’École Sophie-Barat affichent clairement leur soulagement après cette première expérience positive qui, en plus d’attester de la plus belle des manières leur volonté de s’impliquer socialement dans leur communauté, relègue au passé de mauvais souvenirs…

Rétablir un bon voisinage

« Il y a eu par le passé des histoires de grabuge et de mauvaises ententes. Ce genre d’activités intergénérationnelles aide beaucoup à adoucir les relations et à développer des rapports de bon voisinage entre les jeunes et les aînés », note Rosalie Lebel, responsable des loisirs à la résidence.

Elle évoque la démarche amorcée par Christine Doucet du poste 27 du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour l’organisation d’activités intergénérationnelles. « L’initiative s’est avérée super efficace, relève-t-elle. Cela a commencé par des échanges de mots chaque semaine qui ont donné lieu à des rencontres fort salutaires et enrichissantes entre nos jeunes et nos aînés. »

Cette démarche novatrice a mené, l’année dernière, à la présentation d’un spectacle de musique rap aux Jardins Millen, conçu par des jeunes de Sophie-Barat sur des extraits de textes écrits par les résidents. « C’était un beau succès qu’on a pensé à reproduire et à refaire cette année, au printemps prochain », annonce Rosalie.

Elle note ô combien ce genre d’activités fait du bien aux aînés, les enrichit et leur rappelle de beaux souvenirs. Cela crée « une belle connexion entre nos jeunes voisins et nos résidents, qui sont de par leur parcours de vie très cultivés et ouverts sur le monde, à l’image du quartier marqué par sa grande diversité culturelle. Les activités culturelles parlent énormément à nos résidents », soutient la responsable des loisirs.

De son côté, Marie-Noëlle Legault, l’agente de développement de projets jeunesse au Carrefour jeunesse-emploi selon laquelle cette initiative arrive à point nommé, décrit les étapes du cheminement de cette première expérience depuis sa rencontre initiale avec Luc Brisebois. Elle évoque notamment la belle réceptivité du projet par les élèves.

Elle tient à préciser que le succès de l’expérience réside dans la mise à contribution des jeunes dans la conception, la préparation et l’adaptation des pièces choisies pour que le jeu théâtral favorise une belle connexion avec le public.

Elle relate comment la volonté de surmonter les supposés préjugés de part et d’autre a inspiré au sein de son organisme l’idée de créer des occasions de rapprochement entre les deux établissements voisins. Marie-Noëlle est convaincue que cette première expérience de partenariat balise le chemin pour d’autres initiatives afin de développer le sens de l’implication dans la communauté chez les jeunes. Cela leur permet surtout d’acquérir des habiletés communicationnelles et sociales dont ils auront besoin dans le processus de leur intégration socioprofessionnelle.

« La passion m’habite encore! »

Du côté des résidents, le spectacle a eu l’effet d’un catalyseur extraordinaire, notamment sur les membres de la troupe de théâtre de la résidence dont la plupart étaient présents lors du spectacle. Francine Lussier, résidente et ancienne enseignante en art dramatique, dirige la troupe des Jardins Millen. Elle apprécie hautement ces initiatives qui permettent de « décloisonner artistiquement et culturellement » les maisons de retraite.

Elle raconte comment à son arrivée à la résidence elle a décidé de continuer à garder vive sa passion pour le théâtre en s’impliquant dans l’activité théâtre dont elle est actuellement la directrice bénévole.

« Tout au long de l’année, notre troupe qui compte une vingtaine de personnes présente des lectures théâtrales et des sketches, et monte des pièces de théâtre sur la base des classiques de la littérature québécoise », dit Francine. Elle évoque avec beaucoup d’émotion le spectacle très réussi que sa troupe a présenté sur le thème du Petit Prince de Saint-Exupéry, avec la participation de petits-enfants et arrière-petits-enfants de résidents.

« C’était l’une des plus belles expériences de ma vie, s’exclame-t-elle. Je suis tellement chanceuse de pouvoir encore et encore entretenir ma flamme artistique. Cela garde jeune! »



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