France Laget Chambefort, propriétaire de la garderie La Bonbonnière. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

On l’appelle Maman 2, puisqu’elle est la «deuxième maman» des petits bouts de chou qui fréquentent ses garderies. France Laget Chambefort est aussi un peu une mère pour les parents et le personnel qui côtoient cette figure «maternante» depuis plus de 50 ans.

Heureusement que cette chronique ne se restreint pas aux retraités actifs, parce que Mme Chambefort ne se «qualifierait pas», étant toujours sur le marché de l’emploi. Elle travaille du lundi au vendredi, de 8 h à 18 h, bien qu’elle ne soit plus salariée depuis 20 ans, ce qui en fait certainement la bénévole la plus active dans sa tranche d’âge! 

La dynamique nonagénaire est toujours propriétaire des garderies L’Abri, fondée en 1971, et La Bonbonnière, ouverte en 2003, toutes les deux situées rue Fleury Est. Elle a également exploité pendant 20 ans la garderie La Volière. «Au moins 5000 petits, de 0 à 6 ans, sont passés par mes garderies depuis 50 ans», exprime Mme Chambefort, qui estime avoir vu à peu près tous les enfants des commerçants du quartier!

Expression artistique

Le Journal des voisins a passé un avant-midi à La Bonbonnière. À 9 h, après avoir déjeuné, les petits, accompagnés des éducatrices, se dirigent en cadence vers la grande salle, attirés par la musique. Installée au piano, Maman 2 a le doigté solide et la voix qui porte.

«Ça fait 50 ans que je travaille avec la musique, dit-elle. La diction s’apprend en faisant bouger la langue et on le fait plus facilement en chantant. La musique, le rythme et les chansons sont d’excellents moyens de communication et de mémorisation pour les tout-petits.»

Elle fait chanter, réciter, danser et bouger les enfants sur le thème des «petites graines qui poussent du sol ou des papillons qui voltigent…». Elle les interroge sur le Canada et le Québec (ils connaissent les noms des premiers ministres de notre pays et de notre province, de même que les hymnes Ô Canada et Gens du pays!), leur fait un gros câlin quand ils viennent près d’elle, leur fait écouter le silence, travailler leur respiration… Certains sont encore à quatre pattes tandis que les plus vieux marchent et se tiennent par la main. 

La maman de l’un d’eux, le timide Lorenzo, se prête au jeu. Elle virevolte parmi les tout-petits et chante avec eux. Impliquée au sein du comité des parents dont elle est la comptable, Annie-Claude Dalcourt nous confie que La Bonbonnière est un milieu très stimulant.

La directrice, Josette Afif, est là depuis 38 ans. Elle aussi témoigne de tout ce qu’apporte la garderie aux enfants en reproduisant un environnement comme à la maison. 

Il y a plusieurs salles et une grande cour dans lesquelles les enfants s’épanouissent, en plus de nombreuses activités récurrentes comme les fêtes (Noël avec une crèche animée par les enfants et la visite du père Noël, Pâques, Saint-Valentin…), des sorties à l’extérieur, un vernissage d’œuvres d’art (le dernier a eu lieu le 3 février et le député Haroun Bouazzi était parmi les invités d’honneur), un gala en juin et le tant attendu voyage à l’étranger par année… tout en restant sur place à la garderie! 

Les enfants préparent leur propre passeport; puis ils patientent dans la salle d’attente, s’assoient dans l’avion, passent aux douanes et arrivent à destination. Ils découvrent la culture, la géographie, la langue et même la nourriture du pays, par les étals de fruits, légumes et fruits de mer. Ils se baignent dans la mer… par le biais des baignoires et des petites piscines de la garderie.

Fin mars, ils sont allés (virtuellement!) à Cuba! Autres «voyages» au fil des années: Nice, Pérou, Japon, Chili… Écoutez le balado sur cette activité publié par le Journal des voisins le 2 avril dernier.

Simulation de voyage à Cuba à la garderie L’Abri. Mme Chambefort présente un homard aux enfants. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Une vie, un siècle

Née en juin 1927, France Laget vient de Roanne, près de Lyon. En 1951, à 24 ans, elle arrive à Montréal avec son mari joaillier, Louis Chambefort. Ils se sont installés à Ahuntsic où elle travaille comme bonne d’enfants d’abord, puis comme couturière. «C’était plus payant; je faisais la finition à la main de manteaux, environ 100 par jour, payés 0,15 $ chacun!» Elle a aussi travaillé comme hygiéniste dentaire, avant d’ouvrir sa première garderie en 1971.

Le couple a adopté une fille, Catherine, et un garçon, Pierre, décédé à 61 ans, en 2021. «J’ai vécu son départ comme la Vierge Marie devant Jésus; ce n’est pas dans l’ordre des choses que les mères survivent à leur enfant.» Ce chemin de croix très douloureux fait partie de ce qu’elle appelle sa destinée. «On a un chemin à faire dans la vie. Je ne suis pas encore rendue au bout du mien, à bientôt 96 ans!»

À la naissance, elle était si chétive, qu’elle n’aurait pas dû survivre. «Mais je suis coriace et je suis toujours là, tandis que ma jumelle est décédée à l’âge de 70 ans. Chaque fois que je suis malade, je ressuscite! Et j’ai eu deux fois la COVID», précise-t-elle.

Maman 2 a consacré un demi-siècle à prendre soin des enfants, à les aider à se développer tout en s’amusant, afin de leur donner une bonne base de départ dans la vie pour qu’ils deviennent de bons citoyens, attachés à leur famille, à leur quartier, à leur pays…

«On est là pour les aimer et les materner; pas les éduquer, déclare-t-elle. À cet âge-là, on les suit, mais on ne les poursuit pas. On leur donne des privilèges, pas des punitions. On est en train de former des petits humains, dans la joie.» 

Concédant qu’elle n’aurait pas pu réaliser tout ce qu’elle a fait au Québec si elle était restée en France, Mme Laget Chambefort est encore très alerte et en forme, comme nous l’avons constaté en montant avec elle les marches des trois étages de la garderie.

Elle continue de produire des documents (voyages, crèche, bonnes manières, chansons…), illustrant elle-même certains cahiers de ses dessins. Elle prépare également un livre sur la vie de son mari joaillier avec deux étudiantes : «C’était un artiste, qui faisait de la sculpture et de la peinture, aussi», affirme-t-elle. 

Tant qu’elle aura la santé, la propriétaire sera là pour accompagner les éducatrices dans la «maternance» des enfants du quartier!

France Laget Chambefort, propriétaires des garderies La Bonbonnière et L’Abri. (Photo: Toma Iczkovits, collaboration spéciale)

Ce texte de la chronique Aîné actif a été publié dans la version imprimée du Journal des voisins, le Mag papier d’avril-mai 2023, à la page 14.


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