Itinérance
Un campement dans le parc Basile-Routhier, près de la maison d’accueil du Parcours Gouin. Photo : archives / JDV)

Le déploiement de l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) sur l’ensemble du territoire de Montréal en 2025 est une solution que l’administration Plante présente pour favoriser la cohabitation entre citoyens et itinérants dans la Ville. Dans le milieu communautaire à Ahuntsic-Cartierville, on souhaite une meilleure coordination avec les acteurs locaux avant un tel déploiement.

[Mise à jour : ajout de la réponse de la Ville de Montréal à la fin de l’article]

Annoncé par la mairesse de Montréal le 13 août, le déploiement de l’ÉMMIS tend à ajouter un volet de médiation dans la gestion de l’itinérance.

Alors que le nombre d’itinérants explose, que les cas de surdose augmentent et que les questions de santé mentale se multiplient, la cohabitation avec les citoyens et les commerçants en Ville se complique.

Pour ne pas recourir uniquement à la répression et appeler seulement la police, les équipes de l’ÉMMIS pourraient être un recours supplémentaire pour les citoyens.

Ces équipes qui travaillent tous les jours de la semaine, 24 h sur 24, existent depuis 2021 dans les arrondissements de Ville-Marie et du Sud-Ouest. Elles ont été déployées au Plateau-Mont-Royal et à Mercier–Hochelaga-Maisonneuve en 2023. En 2025, elles seront dans tous les arrondissements.

itinérance Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS)
Les blousons de l’ÉMMIS. Photo : courtoisie, Ville de Montréal

Ces équipes spécialisées comptent dans leurs rangs des intervenants psychosociaux formés à désamorcer les situations de crise. Elles prennent le relais des policiers quand ils sont appelés en premier recours. Elles prennent aussi le temps nécessaire pour résoudre une problématique dans l’espace public.

Alors qu’elles comptent 52 membres actuellement, leurs effectifs passeront à 90 personnes en 2025. Le budget qui leur est alloué atteint 50 millions de dollars jusqu’en 2028.

Risques d’échec?

Même s’il ne minimise pas l’utilité d’une telle équipe, René Obregon-Ida, directeur de RAP Jeunesse, déplore le manque de consultation avec les intervenants en itinérance au niveau local.

Il se demande comment agira cette équipe alors que les différentes instances locales sont déjà sur le terrain.

Dans le fonctionnement de l’ÉMMIS, les citoyens qui constatent une situation problématique doivent appeler le 211.

Actuellement, quand un citoyen veut faire un signalement, il appelle l’arrondissement ou la police.

Il rappelle qu’il existe une table de concertation en itinérance à Ahuntsic-Cartierville qui réunit des représentants du CIUSSS, du SPVM, de l’arrondissement et d’autres organismes. À ce jour, il n’a pas vu les représentants de l’ÉMMIS demander à venir s’asseoir avec eux.

«Quand il y a une personne [en crise] dans un parc, devant une entrée, nous nous mettons en mode collaboration, nous voulons savoir qui est déjà en lien avec cette personne-là, qui fait quoi», explique-t-il en entrevue avec le Journal des voisins (JDV).

Cette façon de faire permet d’optimiser les moyens et de favoriser l’intervention ciblée et efficace d’autant que très souvent les itinérants d’un secteur sont connus des organismes locaux.

Il craint un dédoublement des interventions et se demande si on continuera de prendre en compte la table de concertation existante et le travail qui est déjà fait. Monsieur Obregon-Ida redoute de voir les efforts déployés localement anéantis.

Des organismes veulent acheter le Pavillon des bâtisseurs

Pavillon des bâtisseurs PR (2) Itinérants
Le Pavillon des Bâtisseurs, avenue du Bois-de-Boulogne. Photo : Philippe Rachiele / JDV

RAP Jeunesse et d’autres organismes souhaitent que le Pavillon des bâtisseurs demeure au service de la communauté.

Le bâtiment sur la rue Bois-de-Boulogne, dans le quartier Nouveau Bordeaux, appartient à la fondation Gracia et la Ville voulait le transformer en service d’hébergement pour itinérants à Ahuntsic-Cartierville. Face au manque d’acceptabilité sociale, le propriétaire a mis fin aux négociations et a refusé de vendre. Le projet est tombé à l’eau.

Aujourd’hui, RAP Jeunesse et d’autres organismes se mobilisent pour essayer de lui préserver sa vocation sociale.

«On souhaite créer un projet pour les pavillons des bâtisseurs, et pour la maison des sœurs Oblat juste à côté», confie au JDV René Oberegon-Ida, directeur de RAP Jeunesse.

Une réunion est organisée pour voir comment monter un projet et acquérir l’immeuble.

«Il y a des groupes communautaires qui ont levé la main pour dire, oui, on est intéressés à réfléchir et voir de quelle façon on crée des projets porteurs pour le bien de la communauté», assure-t-il.

Bien entendu, il promet que le projet se fera en concertation avec les riverains.

«Dans notre comité, on prévoit d’inclure une ou deux personnes qui représentent les citoyens et on va s’asseoir ensemble», croit M. Obregon-Ida.

Le projet n’est pas encore clair, mais il imagine qu’il pourrait y avoir un site d’hébergement et d’autres choses.

«Pourquoi pas de l’hébergement pour les gens qui sortent de la DPJ [Direction de la protection de la jeunesse], ou un refuge pour des femmes [aux prises avec] la violence conjugale ou avec la violence tout court. Il peut y avoir aussi de l’hébergement pour des personnes âgées en perte d’autonomie ou des gens qui vivent l’instabilité résidentielle.»

Les idées ne manquent pas, reste à trouver les voies et moyens de les concrétiser.

Perte d’énergie?

«Imaginons une personne [démunie],  nous faisons des interventions pour lui trouver un logement. On va monter un dossier, lui trouver un revenu pour l’aide sociale, etc. Puis de l’autre côté arrive un autre groupe, et il dit “hey, on t’a trouvé un appartement supervisé, viens-t’en tout de suite”. Que va faire la personne? Elle va dire, je m’en vais. Et tout notre travail aura été perdu», illustre-t-il.

M. Obregon-Ida trouve d’autant plus étrange qu’on l’ait consulté initialement, avant de déployer l’ÉMMIS partout.

«Il y a quelque temps on nous avait demandé un projet d’intention. L’exigence c’était que l’organisme couvre trois arrondissements», indique-t-il.

Son organisme qui intervient à Ahuntsic-Cartierville, Saint-Laurent et le quartier de Parc-Extension dans l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension possède ces critères.

Il avait déposé une intention de projet et il y avait associé Prévention du crime Ahuntsic Cartierville (PCAC).

«Nous avions été informés à ce moment-là que nous serions convoqués à une rencontre. Puis on nous a dit finalement, non que ce n’était pas pour nous», confie-t-il.

Aujourd’hui, alors que le déploiement de l’ÉMMIS est imminent, il ne voit toujours pas de canaux de communications entre cette instance et les intervenants déjà existants.

La Ville n’avait pas répondu aux questions du JDV à ce sujet.

La Ville nous répond

Le service des communications de la Ville de Montréal nous a transmis ces réponses après publication de l’article.

«L’EMMIS a un mandat unique, c’est-à-dire d’offrir une réponse sociale municipale immédiate, ponctuelle et non urgente dans l’espace public face à des enjeux de cohabitation sociale liés au partage de l’espace public, 24 heures, 7 jours semaine.
Les intervenants et intervenantes de l’ÉMMIS sont embauchés par les organismes mandatés par la Ville de Montréal pour déployer ce projet.
[…]
L’ÉMMIS agit en appui au travail des organismes, la moitié des appels reçus provenant du milieu communautaire, principalement pour faire du référencement et du raccompagnement en voiture, notamment vers des ressources d’hébergement (mais pas uniquement).
L’un des objectif de l’EMMIS est de collaborer avec les différents acteurs et parties prenantes du milieu. De ce fait, l’EMMIS participe à différentes instances de concertation ou groupe de travail afin d’ancrer son action de manière complémentaire au réseau de soutien intervenant auprès de la population en matière de vulnérabilités. Soulignons que l’ÉMMIS n’est toutefois pas une équipe mixte et qu’elle ne fait pas du travail de rue. À cet effet, bien qu’elle œuvre directement en première ligne, l’ÉMMIS n’offre pas des soins de santé ni d’évaluation de l’état de santé mentale d’une personne.»



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