(Photo : Philippe Rachiele, JDV)
L’inscription sur une statue devant l’église de la Visitation. (Photo: jdv P. Rachiele)

Dans la foulée des nombreuses statues et monuments déboulonnés pour leurs personnages confédérés jugés racistes aux États-Unis, le Québec possède aussi ses propres épines. Et Ahuntsic-Cartierville n’y fait pas exception : des inscriptions sur les monuments de Nicolas Viel et d’Ahuntsic à l’Église de la Visitation font grincer des dents. Tour d’horizon.

« Premier martyr canadien jeté par de méchants Hurons au dernier Sault de la Rivière-des-Prairies au printemps 1625. Depuis la mort d’un pauvre misérable français massacré aux Hurons on a découvert que ces barbares avaient fait noyer le R.P Nicolas récollet, tenu pour un grand homme de bien. » – Statue de Nicolas Viel

« Pour perpétuer le souvenir de la mort héroïque du jeune néophyte Ahuntsic. Précipité par de méchants Hurons avec son père spirituel Nicolas Viel, récollet au dernier Sault de la Rivière-des-Prairies au printemps 1625. » – Statue de Ahuntsic

Telles sont les inscriptions qui peuvent être lues sur les monuments à l’effigie de Nicolas Viel, prêtre et missionnaire chez les Hurons de 1623 à 1625, et à l’effigie d’Ahuntsic, qui décorent tous deux le parvis de l’Église de la Visitation.

Dans une lettre écrite à journaldesvoisins.com, Jocelyn Duff, architecte, se questionne sur la place d’une telle inscription.

« Dans le contexte d’une réconciliation avec les peuples autochtones, ne faudrait-il pas agir ?, soulève-t-il. […] En ce qui concerne la noyade du Père Nicolas Viel et de son compagnon Ahuntsic, il n’existe aucune preuve historique de leur assassinat par des Autochtones », pointe celui qui est membre de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville.

Cette question, ce n’est pas la première fois qu’elle est posée. Gaston Bergeron, membre, conseiller et ancien président de la section Nicolas-Viel de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de 1994 à 1999, et de 2006 à 2010, avait entamé les démarches il y a une dizaine d’années pour faire modifier les socles des deux statues.

« Il n’y a eu aucun témoin oculaire pour l’événement. On ne sait pas ce qui s’est passé. Mais on n’accuse pas n’importe qui d’assassin comme ça sans preuve, s’indigne-t-il. […] La thèse de l’assassinat par haine de la foi a même été défendue à Rome. Mais Rome ne l’a jamais reconnu », relate-t-il, se basant sur les études du P. Archange, fondateur de la Société de généalogie canadienne-française, et de P. Lucien Campeau, jésuite.

Jocelyn Duff suggère que les inscriptions soient complètement retirées. Cependant, cette façon d’agir ne fait pas l’unanimité.

Effacer, ou équilibrer ?

« Il faut savoir que l’Église de la Visitation est un monument historique classé AA. C’est la plus importante des classifications. Donc, tout ce qui entre dans un rayon de 500 pieds de la paroisse est un territoire patrimonial », explique Francine Le Grand, marguillière à l’Église de la Visitation.

Pendant son mandat de président à la section Nicolas-Viel de la SSJB, Gaston Bergeron a posé plusieurs gestes dans une tentative d’équilibrer les propos tenus à l’égard des Autochtones concernant la mort du Père Viel et d’Ahuntsic. Dans le parc Nicolas-Viel, une statue dont le texte stipulait qu’ils « furent jetés dans la rivière en haine de leur foi » a été modifiée.

« Je n’avais besoin d’aucune autorisation pour faire ça, parce que la statue appartient à la Société. J’ai fait faire une nouvelle plaque sur laquelle était écrit ‘’ont péri’’ à la place que j’ai collée sur le socle », raconte-t-il.

Denis Rebelo, lui aussi ancien président de la section Nicolas-Viel de la Société Saint-Jean-Baptiste, a poursuivi dans cette direction. Il a fait ajouter près de l’œuvre 1erMartyr canadien récollet, Ahuntsic son Néophyte, de Georges Delfosse à la Basilique Marie-Reine-du-Monde, qui représente en peinture ce moment de l’histoire, un insigne.

« Les faits décrits sur cette toile particulière ne reflètent pas nécessairement la réalité historique. La noyade pourrait être une cause possible ou probable du décès du Père Nicolas Viel et de son compagnon. »

Mais les procédures pour faire modifier les socles des monuments sur le parvis de l’Église de la Visitation ne sont pas aussi simples.

« J’avais entamé des discussions d’abord pour faire habiller le Français en Français, et non en Autochtone comme c’est le cas présentement (Ahuntsic était effectivement d’origine française). J’avais aussi demandé à faire modifier ce qui était écrit sur le monument », explique M. Bergeron.

Finalement, après plusieurs mois de démarche, le curé de la paroisse a quitté ses fonctions et tout était à recommencer, selon M. Bergeron.

Première démarche

Jusqu’à présent, le seul élément que la SSJB soit parvenue à faire pour changer un peu la donne quant à ces inscriptions à l’Église de la Visitation, c’est d’installer une plaque en 1981 près de la porte de l’Église, indiquant qu’il y a eu noyade plutôt que massacre.

« Ici, au dernier sault de la rivière des Prairies, le 25 juin 1625, se sont noyés le Récollet Nicolas Viel et son jeune compatriote surnommé Auhaïtsic par les Hurons. » — Plaque de la SSJB

Plaque installée sur le mur de l’église de la Visitation. (Photo: jdv P. Rachiele)

Une décision insuffisante déplorée par Jocelyn Duff :

« La plaque sur la porte de l’Église, c’est un peu loin. Il faudrait qu’elle soit juste en bas ou à côté pour qu’on puisse vraiment faire le lien entre les deux», dit-il.

La plaque avec une inscription moins «raciste» est peu visible, car elle est à 26 mètres des statues (Photo : Googlemaps, infographie : Philippe Rachiele)

Gravure, non! Ajout de plaques, possible…

En 2009, la paroisse a procédé à la restauration des deux monuments qui étaient en état de décrépitude.

« Le Centre de conservation, qui relève du ministère de la Culture et des Communications, a exigé que les plaques demeurent telles quelles, sans modifier un seul mot », raconte Francine Le Grand, marguillière à l’Église de la Visitation.

Est-il possible de modifier les plaques de ces statues, ou non, a demandé journaldesvoisins.com au ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ) ?

Annie Le Gruiec, porte-parole du MCCQ a répondu que l’Église de la Visitation peut, en regard de l’article 49 de la Loi sur le patrimoine culturel, apposer une plaque par-dessus le texte actuel sans autorisation du ministère.

Cependant, Annie Le Gruiec, porte-parole du ministère, précise toutefois que « [d’] effacer, corriger ou remplacer un texte sur un monument historique […] n’est pas approprié dans le cadre de la conservation et de la restauration de biens culturels. »

Une restauration de statue, admissible à une subvention du MCCQ, n’autorise donc pas le restaurateur à modifier le texte gravé sur la statue. La Paroisse pourrait décider d’ajouter une plaque non loin de la statue, tout à côté, ou par-desus, mais…

L’argent, le nerf de la guerre…

« Ce sont des démarches qui ne se font pas du jour au lendemain. Ça va prendre des mois avant que quelque chose ne se fasse », pense l’ancien président de la section Nicolas-Viel de la SSJB.

« Ça tombe toujours dans la cour de l’autre. On dirait que c’est la juridiction de personne », se désole pour sa part, Jocelyn Duff.

Serait-ce au ministère de la Culture et des Communications d’agir? Si la responsabilité en incombe à la Paroisse, l’aspect financier peut freiner l’intention.

Ainsi, Francine Le Grand met en garde quant à l’ajout d’une plaque explicative plus près des monuments, le cas échéant, compte tenu des coûts que cela engendrerait pour la paroisse qui n’a pas nécessairement les moyens de se le permettre.

« Si le ministère de la Culture et des Communications décide d’agir, la subvention pour ajouter une plaque ne pourra pas dépasser les 80 % de la facture totale », précise-t-elle. En ce sens, la paroisse devrait éponger 20 % des coûts engendrés pour ce changement. Des moyens que l’Église n’a pas présentement, d’autant plus qu’elle connaît actuellement une restauration majeure», signale Mme Le Grand.

Or, Mme Le Gruiec a aussi appris au journaldesvoisins.com que l’ajout d’une plaque pour couvrir les écriteaux problématiques sur les monuments n’est pas admissible au programme d’aide financière du ministère. Faute d’argent disponible dans la Paroisse, donc, ou d’un mécène très bien nanti qui pousserait à la roue, l’ajout de plaques dotées d’une inscription plus sobre risque de ne pas se faire.

Contexte de réconciliation

Pour pallier la situation, et pour sa part, l’Église de la Visitation tient régulièrement des visites guidées de la paroisse. Ces dernières animées par Stéphane Tessier, historien, guide et animateur du territoire, situent les gens par rapport au contexte de l’époque.

« La ligne directrice donnée pendant les visites guidées est claire. On prend le temps d’expliquer les différentes théories et que les Hurons ne sont pas des ‘’méchants’’ comme c’est indiqué sur la plaque », tient à soulever Mme Le Grand.

Ce n’est pas la première fois que les Montréalais s’indignent pour des propos offensants à l’égard des premières nations.

Des citoyens d’Ahuntsic-Cartierville s’étaient unis pour faire pression auprès des instances afin de modifier le nom du sentier « chemin des sauvages » entre la rue Camille-Paquet et le boulevard Henri-Bourassa.

Devant l’inaction, un mouvement mis de l’avant par le citoyen Pierre Lachapelle s’est créé dans l’arrondissement allant même jusqu’à inciter un ou des citoyens à apposer une affiche-maison avec un nom de rue différent.

Un geste qui a porté fruit puisque une affichette officielle identifiant le chemin en question sera éventuellement  apposé pour identifier le « sentier des Autochtones ». Une action significative en vue d’une réconciliation avec les peuples autochtones.

 



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Jean-Paul Lahaie
Jean-Paul Lahaie
3 Années

Il faut que les inscriptions restent, misère… Il ne faut pas refaire l’histoire pour des questions de sensibilité. C’est ça l’histoire. Les allemands vont-ils faire disparaître l’existence de Adolf Hitler parce que les petits «wokes» pleurnichent? Non, on n’efface pas l’histoire même si peu glorieuse par moment parce qu’inévitablement on se retrouvera dans 1984, le roman de Georges Orwell.

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