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Une portion du boisé près du Bois-de-Saraguay en cause dans un litige opposant deux propriétaires et l’arrondissement. (Photo: Google Maps)

 

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L’emplacement du terrain (entre le boulevard Gouin et l’avenue Jean-Bourdon

Les élus d’Ahuntsic-Cartierville discuteront lundi d’un jugement de la Cour supérieure du Québec qui estime que l’arrondissement a erré lorsqu’il a tenté de bloquer la subdivision d’un terrain à proximité du Bois-de-Saraguay pour éviter la construction de résidences sur ce qu’il considère être un « écoterritoire ».

Le 11 juillet 2011, Francesco Lapara et Giuseppina Gentile achètent un terrain au 9040, boulevard Gouin Ouest. Ce terrain est bordé au nord par le boulevard Gouin et au sud, par l’avenue Jean-Bourdon. À l’est et à l’ouest, on y trouve plusieurs maisons unifamiliales. Une résidence familiale est érigée sur le terrain de 11 243 mètres carrés et près de 75% du terrain est boisé (on y compte quelque 400 arbres). Le site est l’un des derniers du secteur qui n’a pas été développé.

​Avant l’achat, M. Lapara et Mme Gentile s’adressent à Pierre Alarie, conseiller en aménagement à l’arrondissement, pour voir s’il sera possible de créer huit lots résidentiels. L’arrondissement leur indique qu’ils pourront en créer seulement quatre, afin de ne pas abattre trop d’arbres. Toutefois, rien ne leur laisse croire que cette parcelle de terrain boisé pourrait être déclaré « écoterritoire » et ainsi y interdire toute construction.

On accepte…puis on refuse

Le 11 juin 2012, le projet d’opération cadastrale a été présenté au Conseil du patrimoine de Montréal (CPM), qui émet un avis favorable à la subdivision du terrain, à condition que le développement résidentiel soit limité à la partie donnant sur le boulevard Gouin et que la partie arrière où se situe le boisé soit transformé en parc public. Le CPM suggère aussi à la Direction des grands parcs d’acheter le lot afin de protéger le boisé et de fermer l’avenue Jean-Bourdon afin de favoriser la liaison entre le bois et le parc-nature du Bois-de-Saraguay.

Le 1er octobre 2013, le dossier est de nouveau présenté au CPM; la Direction des grands parcs indique qu’elle n’a pas l’argent pour acquérir le boisé, malgré « sa grande valeur écologique ». On propose alors à M. Lapara et Mme Gentile de limiter la subdivision à quatre lots et de protéger 5400 mètres carrés, soit près de la moitié du terrain.
On suggère aussi d’inclure un corridor boisé de 20 m de largeur entre les deux lots en face du parc-nature du Bois-de-Saraguay, le long de l’avenue Jean-Bourdon. La Direction des grands parcs aurait été responsable de l’entretien et de la mise en valeur de cette zone de conservation, précise le document de la Cour.

Mais le propriétaire du terrain a jugé cette option non acceptable, puisqu’elle aurait « sérieusement compromis la vente des terrains subdivisés et affecté à la baisse la valeur de ceux-ci » et qu’aucune compensation financière lui aurait été accordée.

Le propriétaire a proposé de réduire la largeur du corridor boisé à 10 m et d’inclure dans les actes de vente notariés des futurs propriétaires des quatre lots, l’obligation de protéger la zone de conservation identifiée sur le plan d’implantation proposé. Ainsi, les parties boisées demeureraient privées mais ne pourraient faire l’objet d’un déboisement. Cette proposition est acceptée par la Direction des grands parcs.

Le 7 août 2013, le comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement recommande d’approuver ce projet, en se basant sur la recommandation du CPM. Puis, alors que l’arrondissement s’apprête à entériner leur recommandation, le sujet soudainement est retiré de l’ordre du jour du conseil d’arrondissement, puis la demande est entièrement refusée. Les élus invoquent l’article 392.2 du règlement d’urbanisme, qui prévoit que la conservation des bois, milieux humides et cours d’eau intérieurs doit être maximisée.

Condamnation du juge

En les empêchant de morceler le terrain, les propriétaires ont argumenté devant la cour que la décision est « une expropriation déguisée » et que l’arrondissement a identifié de façon erronée leur terrain comme étant 75% « boisé ».

Selon le juge, les « autorités ont choisi de stériliser l’utilisation de l’immeuble, dans le but avoué de conserver le boisé sur 75 % de sa superficie, sans pour autant indemniser les demandeurs. » Le juge a donc invalidé l’article 392.2 et annulé la résolution de l’arrondissement qui aurait empêché la subdivision du lot.

Attention aux pouvoirs discrétionnaires, dit le juge

Dans son jugement, le juge avertit également l’arrondissement que l’article 392.3 n’explique pas « concrètement (ce qui) doit être fait (par le propriétaire) » pour préserver un milieu humide, cours d’eau ou boisé. Ce flou dans le règlement a créé de la confusion parmi les personnes qui ont procédé à l’analyse du dossier à l’arrondissement et mené à cette bataille juridique, indique le jugement.

La Cour reconnaît qu’un conseil a certains pouvoirs discrétionnaires dans l’évaluation des projets, mais que cette « discrétion doit être encadrée et que la réglementation doit être assez précise pour permettre à un demandeur de connaître l’étendue des obligations qu’il doit rencontrer. (…)  Cette absence de critères laisse place à l’arbitraire et accorde au conseil une discrétion que les dispositions de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme se rapportant aux Plans d’implantation et d’intégration architecturale ne lui confèrent pas. »

Les élus doivent maintenant étudier l’impact de cette décision sur leur règlement d’urbanisme et voir si l’arrondissement pourrait contester le jugement. (Mélanie Meloche-Holubowski) (2015-03-04)

Pour consulter l’Avis du Conseil du patrimoine de Montréal, cliquez ici. 
Pour consulter la décision du juge, cliquez ici.



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