(Photo: archives jdv)

Après l’opération d’installation de compteurs d’eau qui a commencé dans les commerces, et notamment ceux de l’arrondissement, Montréal jongle avec l’idée de mettre en place des mesures d’écofiscalité pour inciter à la consommation d’eau responsable, mais il serait très surprenant que la ville lance une vaste opération d’installation de compteurs d’eau résidentiels. Présentement, la ville est en mode écoute en effectuant jusqu’en juin une consultation pré-budgétaire pour tenter de cerner l’intérêt des citoyens pour une série de mesures dont une taxe pouvant éventuellement être refilé à un ménage qui possède une piscine.

Mise en contexte

En ce qui concerne l’eau, c’est la ville de Montréal qui gère le dossier pour l’agglomération (avec six usines de traitement de l’eau potable) et qui refile la facture aux villes avoisinantes de l’île. Chaque municipalité est donc responsable de la distribution de l’eau et des factures expédiées à leurs proprios.

Pour l’experte en finances municipales Danielle Pilette, du Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, il faut d’abord souligner que notre réseau est très ancien.

« Si on était plus moderne, a indiqué Mme Pilette, on pourrait avoir deux réseaux, un d’eau potable et un autre d’eau moins traité, pour le lavage, par exemple. Aussi, il y aurait lieu d’encourager les gens à prendre en main des responsabilités comme la récupération de l’eau de pluie pour le jardin ou la pelouse, ou encore remplir la piscine », a-t-elle avancé.

Face aux doléances des gens qui relèvent les énormes pertes d’eau de la ville dans son réseau, un programme de réhabilitation est en vigueur depuis longtemps et cela devrait «soulager le réseau» d’ici quelques années.

« Après 2022, on  perdra beaucoup moins d’eau. Mais cela aurait pris dix ans de travaux. Ce sera une première grande économie. Mais une deuxième grande économie serait de convaincre les résidants de récupérer. Il y a deux projets pilote, à Montréal, de Ruelles bleues-vertes ; des drains de toit sont déconnectés du réseau pluvial de la ville et connectés à un bassin de rétention dans la ruelle. On peut donc se servir de nouveau de cette eau », a-t-elle rappelé.

Mais à son avis, il faudrait aller plus loin et mener des campagnes intensives de récupération avec, selon elle, des incitatifs financiers.

« En partant, le coût des services de l’eau, dans le total des grandes dépenses, est peu élevé ou peu visible (environ 37 cents le mètre cube consommée) et en plus, on se targue  d’avoir au pays de l’eau douce en énorme quantité ».

En 2019, le budget d’exploitation du Fonds de l’eau (pour l’agglomération) était de 450 millions de dollars dont le cinquième  va au remboursement de la dette. Le programme vise à long terme la réhabilitation des infrastructures de l’eau alors que l’on perd environ 30% de l’eau dans le réseau souterrain.

Compteurs d’eau

Une question que se posent plusieurs est celle de déterminer si la Ville pourrait pencher pour l’installation de compteurs d’eau partout, y compris dans le secteur résidentiel, et tarifer en conséquence? Déjà, des résidences privées de certains arrondissements (villes fusionnées) et municipalités québécoises ont des compteurs d’eau.

Dans la Ville, un programme d’installation de compteurs est en vigueur mais touche les industries, commerces et institutions (surnommé les «ICI»), qui sont de grand consommateurs d’eau comparativement aux résidants.   Une telle mesure, affirme la Ville, permet de comptabiliser l’eau et aussi de détecter rapidement les fuites.

Mais, en but de piste, la municipalité admet aussi que 80% de l’eau distribuée dans le réseau n’est pas mesurée.

Un programme visant l’installation de compteurs dans ces unités doit prendre fin vers 2022. On aurait alors 23 000 compteurs installés dans les «ICI» permettant d’avoir une bonne idée en termes de consommation.

La lecture des compteurs s’échelonne sur toute l’année. Et les relevés sont transmis à la Division de la facturation de la ville.

Dans le résidentiel

Mais rien ne permet de croire qu’une telle implantation serait «rentable» dans le secteur résidentiel, comme l’ont déjà exprimé plusieurs groupes de pressions dont Eau secours. C’est coûteux et en termes de consommation, même visible et tarifée, le naturel revient vite au galop. Et ce n’est pas tout.

« Toute tarification a un aspect fiscal régressif, selon Danielle Pilette, plus même que la taxation foncière. Et une taxe pourrait être difficile à percevoir si l’on vise chaque ménage. Montréal compose avec une majorité de locataires (plus de 60%), dont plusieurs avec de faibles revenus. Ils sont aussi plus mobiles. Si on leur impose une taxe, ils seront moins capables de l’assumer que les propriétaires. Et une taxe régressive est contraire aux principes de simplicité administrative », dit-elle

Hypothèse de compteur

On a souvent reproché autrefois aux consommateurs de Montréal de consommer «deux fois plus d’eau par habitant que la moyenne des autres grandes villes». Mais il reste à déterminer combien consomme une personne par jour; certains estiment que cela a baissé par rapport à ce que l’on relevait il y a dix ans, soit près de mille litres par personne par jour.

Mais traditionnellement, la Ville a écarté l’idée d’installer des compteurs dans les résidences, estimant que cette opération ne lui ferait pas réaliser suffisamment d’économies pour compenser les coûts d’implantation. Elle a préféré miser sur les campagnes de sensibilisation.

Si jamais la Ville allait de l’avant avec compteur et facture dans chaque logis, il faudrait imposer le ménage après un seuil standard, soit taxer après une moyenne dite «normale».

« On pourrait se comparer avec l’Ontario, Ottawa par exemple, dit Mme Pilette. Leur consommation est moindre que celle des gens de Montréal. Ça tient peut-être à leur mode de vie. Mais il faudrait aussi conscientiser davantage les gens et prévoir des incitatifs comme distribuer des gros bacs noirs de récupération de l’eau ou avoir plus que deux projets de ruelles bleues-vertes.»

Mais compte tenu de la complexité de l’installation de compteurs partout, Il y a fort à parier que la Ville impose des mesures «plus faciles».

Parmi les mesures, à Montréal, on évoque une taxe sur « les utilisations récréatives de l’eau ou autres qu’essentielles», dans le cas des piscines.

« Taxer les détenteurs de piscine, ça existe, c’est plus logique que d’implanter les compteurs d’eau dans le secteur résidentiel. Et c’est facile de les trouver car il faut un permis pour en installer une. Aussi tu peux les repérer sans aucun problème », a indiqué Danielle Pilette.

Dans ses suggestions, la Ville parlait aussi de taxer selon la valeur foncière, le nombre de logements ou le frontage de la propriété.

 



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