À la suite de l’implantation de pistes cyclables prévues dans le Plan local de déplacements (PLD) sur les rues Prieur et Sauriol en 2020 et qui donne lieu a des débats d’opinions assez contradictoires sur les réseaux sociaux d’Ahuntsic-Cartierville, Journaldesvoisins.com a fait une courte étude pour tenter de donner l’heure juste.
Dix décomptes de 15 minutes chacun ont été effectués en semaine à proximité d’écoles primaires, en dehors de l’heure de pointe d’entrée et de sortie des classes: cinq pour St-André-Àpôtre sur Prieur Ouest et cinq pour l’école Fernand-Seguin sur Sauriol Est.
Résultats
Sur les 560 personnes en mouvement qui ont été comptabilisées au total pendant les dix décomptes, 36% se déplaçaient en voiture (en présumant que chaque véhicule compte 1,1 personnes), 26% des résidants marchaient et 39% roulaient à vélo.
« C’est assez encourageant », a souligné Philippe Apparicio, professeur titulaire à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), directeur du Laboratoire d’équité environnementale et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’équité environnementale et la ville.
Le professeur Apparicio, en entrevue au Journaldesvoisins.com, faisait remarquer que les dernières études datant de 2016 indiquaient, pour des quartiers excentrés comme Ahuntsic, un taux d’utilisation du vélo de 2% à 5%.
Selon le spécialiste, ces données tendent à confirmer que pour se déplacer d’un point A à un point B, plusieurs personnes peuvent envisager d’utiliser le vélo comme moyen de transport, si cela devient aussi efficace que l’auto.
Pour ce faire, fait-il valoir, en plus de la rapidité, il faut cependant qu’il y ait un sentiment de sécurité; en ce sens, la séparation de la circulation comme sur les rues Prieur et Sauriol constitue un atout.
Par ailleurs, mentionne le professeur Apparicio, les rues à sens unique induisent une réduction de la circulation automobile, tandis que l’élimination de stationnement en bordure de la piste cyclable augmente la visibilité. Il ajoute que cela permet également de réduire le danger de blessures causées par des portes de voitures qui peuvent être ouvertes à tout moment et apportent aussi un sentiment de sécurité. Finalement, précise-t-il, une circulation automobile moindre a aussi l’avantage de réduire le bruit ainsi que la pollution rendant l’utilisation du vélo plus attirante sur ces rues.
« Il reste encore du chemin à faire », affirme Philippe Apparicio lorsqu’il a appris que seulement 39% des usagers à vélo étaient des femmes selon nos décomptes.
Selon lui, dans certains endroits comme en Europe du nord, le taux d’utilisation des pistes cyclables par les femmes est plus près et même excède 50% des utilisateurs, car elles se sentent plus en sécurité sur ces pistes séparées de la circulation, lesquelles y sont plus nombreuses.
Cette séparation des pistes cyclables de la circulation automobile offre un sentiment de sécurité qui permet à plus de femmes, d’aînées et d’enfants de choisir d’utiliser le vélo comme moyen de transport, contrairement à de nombreux endroits en Amérique du nord où il est convenu que tous les utilisateurs devraient partager la même route, souligne-t-il.
Pourquoi il n’y a pas de vélos?
Alors que les données que journaldesvoisins.com a recueillies tendent à démontrer qu’il y a légèrement plus de vélos que de véhicules à moteur, pourquoi certaines personnes ont-elles l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de vélos sur les pistes?
Pendant la vérification entreprise par le JDV, laquelle a duré 150 minutes, soit 9000 secondes, il y a eu 399 vélos et automobiles qui sont passés. Si l’on estime une moyenne de deux secondes pour passer devant une maison pour les vélos et automobiles, alors on peut alors calculer qu’il n’y a eu ni vélos ni automobiles devant chaque maison au moins 91% du temps. Cela indique donc qu’il y a aussi peu de voitures en mouvement que de vélos sur ces rues.
De plus, les vélos étant pour la plupart silencieux, les personnes qui ne regardent pas à la fenêtre peuvent entendre le roulement des véhicules automobiles, mais pas nécessairement celui des vélos, ce qui peut donner l’impression qu’il y moins de vélos qu’en réalité.
« Maudit! Pourquoi mettre une piste cyclable, tout allait bien pourtant! »
C’est la première impression qu’ont eu Robert et Sylvie qui demeurent au coin de Prieur dans Ahuntsic Ouest depuis 27 ans. Les deux résidants étaient très déçus de ce chambardement et s’inquiétaient de l’hiver à venir. Même s’ils ne font pas de vélo depuis plus de 40 ans, ils ont constaté rapidement que la piste leur était bénéfique pour plusieurs raisons.
Selon eux, il y a moins de circulation automobile, les automobilistes roulent moins vite, et il y a moins de bruit.
« C’est tellement beau de voir, les mamans avec poussettes, les vélos, les familles », signalent-ils au JDV.
Les inquiétudes quant à l’hiver se sont apaisées lorsqu’ils ont vu que le déneigement se faisait aussi rapidement qu’auparavant. Le seul bémol qu’ils y voyaient, c’était le ramassage des poubelles/compost et du recyclage qui n’était pas toujours fait avec diligence, mais le problème a été réglé en plaçant les contenants sur la bande entre la piste cyclable et le reste de la rue.
Piste cyclable rue Prieur (Photo : jdv – Philippe Rachiele)
« Est-ce que les gens vont les utiliser », s’est inquiété pour sa part Maurice Lépine, résidant d’Ahuntsic Est, lors de l’implantation des pistes cyclables en 2020.
Infatigable marcheur, utilisateur du vélo, et occasionnellement de sa voiture électrique, Monsieur Lépine militait pour l’implantation de pistes cyclables sur Prieur et Sauriol depuis plus de 10 ans « pour améliorer la vie des citoyens ».
Il est maintenant rassuré, car il constate qu’elles sont réellement utilisées et y voit maintenant des familles et des enfants. Avant, il voyait quelques cyclistes sur Sauriol et ils étaient coincés avec très peu d’espace entre les voitures en stationnement et celles en mouvement, au point ou plusieurs cyclistes roulaient sur le trottoir, craignant pour leur sécurité s’ils restaient dans la rue. Cela causait cependant des conflits avec les piétons.
Maurice Lépine considère que « c’est un droit fondamental de pouvoir se déplacer en toute sécurité ». C’est déjà le cas des automobilistes, mais il constate qu’il y a encore beaucoup à faire pour que les piétons et les cyclistes se sentent en sécurité.
L’ajout de pistes cyclables sécurisées pour favoriser la mobilité active, combinée à l’amélioration de l’offre de transport en commun sera de plus en plus nécessaire dans le futur pour lutter contre les changements climatiques, conclut Maurice Lépine, membre de l’organisme Mobilisation Environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC).
Méthodologie
Journaldesvoisins.com a délibérément choisi Ahuntsic Ouest pour ces décomptes, en présumant que le début des pistes à l’ouest comportaient moins d’étudiants à vélo en provenance des trois écoles secondaires (Sophie-Barat, Mont-Saint-Louis et Regina Assumpta) que si le décompte des rues Prieur et Sauriol avait été fait plus à l’est entre Christophe-Colomb et Papineau.
Un décompte dans l’est pourrait avoir lieu éventuellement pour un autre article. Les décomptes ont eu lieu entre le 24 août et le 28 septembre. Il n’y avait pas de travaux empêchant la circulation sur Prieur et Sauriol au moment des décomptes. Le résumé des données de l’étude sont disponibles en pdf ici.
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Cet article est uniquement pro-piste-cyclable. Quand on prêche pour sa paroisse.
En effet, il n’y a que du positif. Avez-vous de bons arguments contre cette piste cyclable? Moi non.
Moi j’adore cette piste, j’ai appris à faire du vélo à 33 ans (j’en ai 35) et j’ai encore un peu peur dans la rue mais j’ai pris la piste Prieur à quelques reprises cet été et je m’y suis sentie en sécurité, j’étais ravie!! En plus maintenant ils ont bonifié la piste pour l’allonger à l’est et ont ajouté la piste sur st-firmin alors je suis aux anges!! Merci 🙂