L’Algérie fête les soixante années de son indépendance ce 5 juillet. À Ahuntsic-Cartierville, on se souvient de cet événement, qui a marqué l’histoire contemporaine du monde et du Québec.
En faisant le rangement de ses vieux documents d’étudiants, Julien Michaud, qui réside non loin du parc Tolhurst, retrouve quelques pages qu’il avait soigneusement découpées dans un vieil exemplaire du magazine français Paris Match.
La publication affichait, il y a presque 60 ans, des photos de la guerre d’indépendance en Algérie. Ces quelques feuilles avec des images en noir et blanc renvoyaient M. Michaud dans sa jeunesse. C’est, pour lui, un véritable voyage dans le temps.
« J’avais gardé ce magazine parmi les documents qui touchent à l’indépendance du Québec, notamment avec des livres autographiés de René Lévesque », relève-t-il.
Cet ancien cadre du réseau de la santé et enseignant à la retraite s’était passionné pour l’indépendance du Québec. Il s’est également senti interpellé par la guerre d’indépendance qui sévissait dans ce lointain pays d’Afrique du Nord, l’Algérie.
Au fil du temps, il a amassé toute une collection de documents sur le sujet : un classeur à plusieurs tiroirs ne suffit pas à les conserver!
« Dans les années 1960, à mon adolescence, on était abonnés au Devoir, que je lisais très jeune. Ce journal a formé politiquement ses lecteurs », souligne-t-il.
Le Devoir est l’un des journaux québécois de l’époque qui se penchait sur l’information internationale, alors que les combats en Algérie faisaient l’actualité. Probablement que d’autres documents du même acabit avaient été gardés puis perdus, car la guerre d’indépendance sanglante contre le colonialisme en Algérie, de 1954 à 1962, avait eu des échos jusqu’à Plessisville, cette petite bourgade du centre du Québec, à moins de 100 km de Trois-Rivières, où a grandi M. Michaud.
Disposer d’un pays
C’était aussi l’époque de Jean Lesage et de sa fameuse déclaration « Maîtres chez nous », une idée qui avait immédiatement séduit l’esprit du jeune Julien Michaud.
« J’étais très intéressé par la politique. J’avais quelques amis qui avec qui je pouvais en parler, mais ils n’étaient pas nombreux », confie-t-il.
Il lisait aussi Frantz Fanon, ce psychiatre originaire de Martinique qui avait pris fait et cause pour la guerre d’indépendance en Algérie. Ce dernier avait tenté d’analyser la psyché de ceux qui vivaient dominés et qui, à un moment donné, décident de se révolter.
« Fanon explorait la question des effets du colonialisme et des ambiguïtés dans lesquels ils mettent le colonisé. Je nous définissais [les Québécois] comme colonisés, même si on ne le disait pas, en sachant bien qu’il y avait plus colonisé que nous. Il y avait dans cela un phénomène d’identification », assure M. Michaud.
Au cours de cette période qui coïncide avec la fin de la guerre en Algérie et avec son indépendance, il observait avec beaucoup d’intérêt la naissance et l’évolution du Front de libération du Québec, le FLQ, dont l’acronyme semble avoir été inspiré directement par le Front de libération nationale, le FLN, qui menait le combat de l’indépendance algérienne.
« Je voyais les bombes du FLQ dans les boîtes aux lettres à Westmount. Brasser la cage c’était correct pour le jeune adolescent rebelle que j’étais », admet M. Michaud.
René Lévesque, un des intellectuels et, surtout, homme politique de l’époque, artisan du projet d’indépendance du Québec, avait aussi abordé la question de la guerre d’Algérie dans son émission de télévision Point de mire, très populaire à la fin des années 1950.
« Je ne me souviens pas si je l’ai vue quand elle a été diffusée la première fois [en 1958]. Mais assurément, je l’ai regardée plus tard. René Lévesque rendait visibles et intéressants des enjeux qui étaient peu connus. Il utilisait la télévision pour que les gens s’informent. Cela ouvrait des fenêtres. Nous étions dans l’ouverture sur le monde », souligne-t-il.
L’ombre de l’Algérie
Plus tard, M. Michaud continuera de s’intéresser à l’Algérie en train de s’émanciper et évoluer. Un projet qu’il trouvait intéressant.
« L’indépendance, c’est la clé pour ouvrir notre maison. Ensuite, comment allons-nous l’habiter, c’est une autre affaire. Je voyais des assises emballantes dans l’indépendance de l’Algérie. Une démarche plutôt égalitaire entre les hommes et les femmes. C’était un nouvel État avec des bases progressistes séduisantes », note-t-il.
Ce lien avec l’Algérie se poursuivra sous des allures inattendues. Au début des années des années 2000, alors qu’il était enseignant en administration des structures de santé à l’Université de Montréal, il croise de nombreuses Algériennes venues refaire leur vie ici.
« J’avais des femmes brillantes comme étudiantes : des pharmaciennes ou des médecins qui avaient des carrières et qui ont quitté l’Algérie avec époux et enfants, à leur corps défendant. Ils fuyaient souvent une certaine religiosité envahissante », fait-il remarquer.
M. Michaud n’a jamais pu aller en Algérie, mais la vie a fait que l’Algérie se rende à lui.
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