On apprenait récemment que l’un des propriétaires de Pornhub, Feras Antoon, se faisait construire un manoir sur un immense terrain de l’avenue Jean-Bourdon, près du boulevard Gouin Ouest. L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville maintient qu’il n’avait d’autre choix que d’autoriser l’abattage controversé de 220 arbres sur ce terrain en bordure du bois de Saraguay, mais tout a-t-il été fait en amont pour préserver le boisé?
La mairesse Émilie Thuillier explique que la réglementation existante prévoit que les coupes d’arbres sur le domaine privé sont interdites, sauf si les arbres sont malades ou présentent un danger, ou encore s’ils sont situés dans l’implantation d’une nouvelle construction.
Protection des boisés privés
« La municipalité n’a pas le droit de préserver intégralement un boisé privé. On n’a pas le droit parce que ça constitue, selon le tribunal, une expropriation déguisée », dit-elle.
La mairesse rappelle que l’arrondissement avait été débouté en cour il y a quatre ans lorsqu’il avait tenté d’empêcher le promoteur d’aller de l’avant avec son projet de construction.
« Ce n’est pas vrai qu’une municipalité n’a pas les pouvoirs nécessaires pour protéger le couvert forestier de la forêt privée. La loi est claire », tranche cependant l’avocat Jean-François Girard, membre du comité juridique du Conseil québécois du droit de l’environnement (CQDE).
Le spécialiste du droit de l’environnement souligne que le paragraphe 12.1 de l’article 113 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) donne explicitement ce pouvoir aux municipalités.
« Une municipalité peut adopter des règlements afin de protéger le couvert forestier de la forêt privée et favoriser l’aménagement durable de la forêt privée », dit l’avocat.
Le paragraphe 16 du même article prévoit même qu’une administration locale peut, par règlement, interdire tout usage et construction ou ouvrage à des fins de protection de l’environnement.
« La prémisse de base, c’est que les municipalités ont ces pouvoirs-là, disposent des ces pouvoirs-là pour protéger les milieux naturels sur leur territoire », martèle Jean-François Girard.
Un droit à exercer
Là où Jean-François Girard et Émilie Thuillier s’accordent, c’est qu’ils conviennent qu’il est à toutes fins pratiques impossible pour une municipalité de protéger un boisé privé si un travail n’a pas été fait en amont.
« Il n’y a pas de solution miracle, quand on veut préserver quelque chose comme ça, il faut lui mettre une protection béton», reconnait Émilie Thuillier.
Elle cite l’exemple du bois de Saraguay qui a été classé comme site patrimonial par le gouvernement il y a près de 40 ans. Le boisé, qui a depuis été racheté par la Ville de Montréal et transformé en parc-nature, fait l’objet d’un plan de conservation adopté en 2017.
C’est ce type de travail préalable, incluant une caractérisation des milieux naturels à protéger et l’établissement d’objectifs de conservation, qui doit être fait pour permettre à une municipalité de préserver légalement des boisés privés, explique Jean-François Girard.
« Il faut d’abord faire nos devoirs. Il faut acquérir ce que j’appelle la nécessaire connaissance préalable du territoire », soutient l’avocat qui ajoute qu’il n’est pas nécessaire pour autant pour la municipalité d’acquérir les terrains qu’elle souhaite protéger.
Il estime que c’est peut-être ce qui a fait défaut dans le dossier du boisé de la rue Jean-Bourdon.
« Il y avait peut-être une ou deux coches mal taillées du point de vue de la municipalité, de l’arrondissement, ce qui faisait en sorte que le tribunal a retenu qu’il y avait une forme de droit acquis au développement », analyse l’avocat.
La mairesse Thuillier assure que l’arrondissement avait identifié le boisé comme un espace à protéger il y a une dizaine d’années, mais n’était pas en mesure de confirmer si une caractérisation du boisé ou un plan de protection du site avaient été produites en amont de la poursuite judiciaire.
En début d’année, journaldesvoisins.com reviendra sur ce dossier et sur les leçons que l’administration dit en avoir tiré.
[Rectificatif : une version initiale de ce texte évoquait un revers judiciaire pour l’arrondissement il y a deux ans, alors que c’était en fait en 2016 que la cause a été jugée en Cour supérieure.]
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L’étalement urbain c’est LE CANCER de l’environnement! Mais c’est pas grave, laissons les faire pis çà se pourrait que peut-être que probablement que la Nature va se tanner et nous en claquer une bonne en pleine face. Et faites-vous pas d’idée, la pandémie c’est rien qu’un avant goût des résultats de notre imbécillité.
Bizarre… comme tout simple citoyen il a fallu que j’achète un permis de la ville, qu’un inspecteur vienne sur place pour voir l’arbre malade en question, que j’obtienne l’accord de la ville et que je replante un autre arbre à mes frais en remplacement sur mon terrain et j’apprends qu’on peut abattre comme ça 230 arbres d’un coup sans faire sourciller la ville !!!! J’en suis étonné et déçu !!!
Si j’ai bien compris les articles précédents sur le sujet, le propriétaire a dû aller en cours pour réussir à abattre ces arbres. On est donc quand même loin de pouvoir faire ça si facilement…
220 arbres abattus. Oui, incroyable qu’en 2020, en ces temps d’urgence climatique, on ne puisse rien contre cela. Il semble, comme le souligne l’article, qu’un travail en amont aurait aidé à contrer cela. J’espère que les règlements seront bientôt modifiés. De plus, il y a légalité et légitimité. Le propriétaire n’a peut-être pas les mêmes conceptions que plusieurs d’entre nous. Merci pour ce bel article de prise de conscience de ce problème environnemental.
Le propriétaire n »est pas allez en cour pour faire abattre des arbres mais pour faire usa guise ce qu’il voulait du terrain sans égard à la nature, aux voisins, à la communauté, au parc du Boisé de Saraguay, à la Ville et à l’arrondissement. Nous ne parlons pas min citoyen moyen ici.
Cela ne m’étonne pas de ce genre d’individu sans foi ni loi qui est propriétaire d’une entreprise dégradante et déshumanisante comme pornhub. La vulgarité dans toute sa splendeur.